EDF  : les risques de panne de la loi Nome

Le projet de loi Nome prévoit de concéder aux fournisseurs d'électricité l'accès à prix coûtant de 25% de la production nucléaire. Ce texte organise la privatisation indirecte d'un actif stratégique pour la France sans contrepartie. Il omet surtout quatre enjeux clés du marché de l'électricité et expose la France à trois risques majeurs : celui de coupures de courant, la dévalorisation de l'actif industriel et une spéculation accrue.

Pour mettre fin à l'action européenne contre la France concernant les tarifs réglementés d'électricité pour les entreprises, l'État va concéder aux fournisseurs d'électricité l'accès régulé à 25% de la production nucléaire d'EDF. En effet, depuis 2005, la Commission européenne a ouvert successivement trois actions contre la France sur les tarifs réglementés. Les lettres échangées en septembre 2009 entre le Premier ministre et la Commission européenne pour régler ce différend ont abouti au projet de loi Nome. Ce texte réplique la solution du marché des télécoms sans tenir compte de la forte intensité capitalistique du marché de l'électricité et des marges commerciales beaucoup plus faibles.

Ce texte a pour but de transférer la compétitivité du parc nucléaire d'EDF vers les consommateurs à un prix de l'électricité sans couvrir le renouvellement de l'outil de production. Il écarte toute autre solution éprouvée en Europe et dans le monde permettant d'ouvrir le marché et de répartir les risques entre les différents acteurs : "virtual power plant", "purchase power agreement" ou swap. Il omet surtout quatre enjeux majeurs.

- Le premier concerne l'accès aux contrats d'approvisionnement long terme de gaz naturel permettant au marché électrique de jouer de l'effet prix sur le gaz pour produire de l'électricité à un prix compétitif à l'aide de cycles combinés gaz.

- Le deuxième porte sur le développement prioritaire des interconnexions électriques européennes, sécurisant l'approvisionnement, améliorant le fonctionnement du marché et développant la concurrence européenne.

- Le troisième enjeu relève bien évidemment des déficits de production d'électricité et de capacité des réseaux observés en Bretagne et Provence-Alpes-Côte d'Azur non résorbés par les multiples appels d'offres de l'État régulièrement infructueux, faute d'incitation suffisante pour développer ces infrastructures. Le texte maintient intacte la programmation pluriannuelle des investissements de l'État pérennisant les déficits constatés depuis dix ans.

- Enfin, quatrième point, la gestion de la pointe évoquée dans le texte reste incantatoire. En France, l'appel à la modération des consommateurs diminue au mieux de 3% la puissance de pointe, alors que dans certains marchés électriques (États-Unis), on observe des performances de 6% à 8%. En France, une réduction de 8% de la pointe d'hiver représente la capacité de 5 réacteurs 1.000 MW.

De plus, il expose la France à trois risques majeurs. Tout d'abord, la défaillance du système électrique conduisant à des coupures. Le texte ne comporte aucune incitation réelle des fournisseurs à investir dans des moyens de production. Or, les marges aux aléas climatiques et techniques sont nulles dans les cinq années à venir, entraînant inéluctablement des coupures d'alimentation des consommateurs et l'usure prématurée des matériels de réseaux et de production, renchérissant les coûts de maintenance d'EDF. Ainsi, ce texte rassemble toutes les conditions d'apparition de grandes coupures comme le célèbre black-out californien de 2001.

Ensuite, la dévalorisation de l'actif industriel entraîne une dépréciation du patrimoine de la France : les actionnaires d'EDF, l'État à 85%, c'est-à-dire la richesse de la nation, les particuliers et les salariés verront leur actif se "dévaloriser" à un prix 5 à 10 fois inférieur au prix de renouvellement du parc nucléaire en série.

Enfin, on peut craindre un dévoiement de l'esprit de la loi permettant des opérations spéculatives. Le texte oblige EDF à vendre 25% de sa production à ses concurrents qui pourront l'exporter aux frontières moyennant un complément de prix et réalisant 10% à 20% de bénéfice dans la vente au détail. Ces mêmes concurrents pourront réaliser des bénéfices plus importants en vendant l'électricité sur les marchés de gros à terme, d'autant que le gestionnaire de réseau de transport (RTE) ne dispose d'aucun pouvoir de contrôle des livraisons.

Ce nouveau projet de loi organise la privatisation indirecte d'un actif stratégique de la France sans contrepartie, il porte atteinte au droit de propriété des actionnaires et laisse ouvertes des possibilités de recours devant les juridictions compétentes.

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