La BCE a commencé à transformer l'euro en drachme

Lorsque les Etats membres d'une monnaie unique sont aussi divergents, sa viabilité exige deux conditions, selon l'auteur : une discipline commune minimale, et une flexibilité des salaires et des prix pour compenser l'impossible variation des changes. Ce sont les défaillances politiques de l'Europe qui ont conduit à la nécessité d'un ajustement brutal en Grèce. Et aujourd'hui, la BCE à se montrer moins orthodoxe pour sauver l'euro.

Si la crise grecque prend cette ampleur, c'est qu'elle est à la fois révélatrice d'une crise de l'euro et des risques du surendettement des Etats. Sans l'euro, une Grèce surendettée dans sa monnaie trouverait une porte de sortie dans la dévaluation. En jouant les pompiers, l'Europe et le FMI permettent à la Grèce de placer sa dette. Reste la question "pourra-t-elle rembourser ?". Et cette question dépasse les frontières de la Grèce. Si certains ont pu croire que la crise annonçait le retour des Etats pour discipliner les marchés irresponsables, nous assistons aujourd'hui au grand retour des marchés financiers qui viennent rappeler à l'ordre des Etats irresponsables !

La faiblesse congénitale de l'euro tient dans l'application politique monétaire unique des pays fortement hétérogènes : dans leur culture économique, la structure de leur économie, leur démographie, leur sensibilité aux chocs externes, leur tolérance à l'inflation, leur productivité, etc...

De telles différences n'empêchent pas l'usage d'une même monnaie. Après tout, l'or a servi de monnaie commune à des pays encore plus différents. Mais faute d'une mobilité du travail au sein d'un même espace et d'un super Etat pour assurer la solidarité financière (à l'instar des transferts financiers massifs liés à la réunification allemande autour d'une même monnaie), la viabilité de l'euro exige deux conditions.

Primo, que chacun de ses membres respecte une discipline commune minimale pour que la dette reste soutenable. C'est précisément ce que les fameux critères de Maastricht ont voulu imposer : dans certaines conditions de dettes, de croissance et d'inflation, 3% de déficit est la limite au-delà de laquelle les États sont contraints d'emprunter pour rembourser les intérêts sur leurs emprunts précédents. Un système à la Madoff, en somme !

Secundo, une très grande flexibilité des salaires et des prix pour permettre, dès lors que la variation des taux de change ne joue plus, l'ajustement des différences par une variation des prix relatifs.

Or l'Europe politique a failli sur ces deux points. De grands pays comme l'Allemagne et la France ont donné l'exemple de l'indiscipline budgétaire. Les réformes prévues par l'agenda de Lisbonne pour assouplir et moderniser nos économies sont restées lettre morte.

Coupables aussi les marchés financiers et les agences de notation qui, depuis belle lurette, auraient dû barrer la route au surendettement par des exigences de taux d'intérêt plus élevés ou par une révision de leur notation. Résultat, une exigence d'ajustement brutale. Faute de baisser les prix par une dévaluation, il faut mener une politique de déflation pour baisser les salaires, les prestations sociales et l'ensemble des prix, y compris ceux des actifs.

Avec le risque de voir une telle politique étouffer toute croissance et toute perspective de sortie de crise. Avec le risque aussi, comme le montre l'histoire, de voir de telles politiques déflationnistes se retourner contre la démocratie.

On comprend que la restructuration de la dette grecque apparaisse aux yeux de beaucoup comme inéluctable. Et que dès lors, ces perspectives de décote affectent nombre d'institutions financières. D'autant que le risque de contagion à d'autres pays menace, sans parler de la perspective angoissante d'un "bank run" grec, c'est-à-dire d'un retrait massif des dépôts bancaires qu'aucune garantie de l'Etat grec ne pourrait contrer.

Alors le mécanisme de l'euro est-il menacé d'imploser ? Non, car ce serait un échec si cuisant pour toutes les classes politiques européennes et pour la BCE que tout sera mis en oeuvre pour sauver l'euro. Faute de pouvoir transformer à bref délai les Grecs en Allemands, il restera toujours la possibilité de transformer l'euro en drachme ! Alors que Jean-Claude Trichet avait juré que jamais la Banque centrale européenne ne prendrait du mauvais papier en pension, la suspension des critères d'éligibilité des titres grecs acceptés en échange de crédits de la banque centrale, et peut-être bientôt l'achat direct de titres souverains par la BCE aux banques commerciales, montrent que la BCE est prête à accomoder son orthodoxie pour sauver l'euro.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 12
à écrit le 15/05/2010 à 20:57
Signaler
LES EUROSCEPTIQUES ONT RAISON. DEPUIS MASTRICHT ET LISBONNE PERSEVERARE DIABOLICUM ET LE TITANIC EUROPE S ENFONCE : RIGIDITE DE L EMPLOI NON RESPECT DES CRITERES FONCTIONNAIRES BRUXELLOIS EN SURNOMBRE QUI TUENT L AGRICULTURE FRANCAISE. LA ZO...

à écrit le 11/05/2010 à 0:22
Signaler
je pense etre un liberal dans le sens classique, travaillant sur les marchés depuis 5ans et pourtant me desolant de voir ainsi les etats s'enfoncer, j'esperais tant de l'euro une monnaie presque ideale qui tel l'or ne suivrait pas le jeu du papier mo...

à écrit le 10/05/2010 à 19:17
Signaler
ce qui m'inquiète c'est cette si belle unanimité de notre classe politique européenne ! pas la moindre critique sur ce plan ?! "on a sauvé l'euro !" voilà ce que tout le monde hurle depuis ce matin ,mais ce sont les mêmes qui affirmaient il y a quelq...

à écrit le 09/05/2010 à 20:15
Signaler
Brave Madelin va... Après avoir vanté le modèle ultralibéral anglosaxon, faudrait désormais que la populace se sert la ceinture alors même qu'elle a souffert de cette doctrine. Par le passé, la France a défait les régimes par la révolte et par le san...

à écrit le 09/05/2010 à 18:45
Signaler
Madelin fait une analyse très juste mais ne présente pas de solutions viables, la solidarité des peuples en Europe est inexistante et les politiques n'ont que des réqctions électoralistes et protectionistes , aucune VISION de long terme permettant d'...

à écrit le 09/05/2010 à 16:37
Signaler
vistavie peut croire ce qu'il veut. La logique est implacable ! Encore faut-il la comprendre...

à écrit le 09/05/2010 à 9:30
Signaler
Très bonne analyse du problème! .Monsieur MADELIN devrais ètre plus présent sur la scène politique française!MHJ.

à écrit le 09/05/2010 à 8:51
Signaler
Heum, c'est pas un certain Madelin qui en 1986 alors ministre d'état nous annonçait que le nuage de Tchernobyl n'avait pas contaminé ni l'air ni la nourriture empoisonnée ? C'est en fait Madelin l'AMERICAIN qui ici encore joue le jeu de Washington d...

à écrit le 08/05/2010 à 4:15
Signaler
Et lorsque que l'euro sera devenu drachme, il y aura toujouts des fourmis et toujours des cigales, et donc des déséquilibres, et finalement l'euro disparaitra.Mais entre temps de nombreux eurocrates auront jouis de leurs mirifiques salaires, c'est po...

à écrit le 07/05/2010 à 19:37
Signaler
La Gr... Afficher davantageèce victime des illusions de l?euro Il faut qu?elle en sorte le plus vite possible Le drame économique et financier, et bientôt politique, que vit aujourd'hui la Grèce était tellement prévisible, et prévu par de bons e...

à écrit le 07/05/2010 à 19:33
Signaler
Il faurt sortir la Grèce de l'euro le plus vite possible

à écrit le 07/05/2010 à 16:55
Signaler
Comme il est facile d'enfoncer une porte ouverte evidente depuis de nombreuses années lorsque l'on n'a plus aucun avenir . Le recul tranquille, c'est magnifique!!!!!

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.