Retraites : un système solidaire mais peu équitable

Par André Babeau, professeur émérite à l'université de Paris-Dauphine.

En matière de retraite par répartition, la solidarité n'est pas nécessairement synonyme d'équité. En témoignent les règles différentes de nos divers régimes. Et dans le temps, cette absence d'équité est tout aussi évidente.

Un indicateur très commode peut être utilisé pour apprécier l'équité des régimes de retraite parce qu'il prend en compte tous les paramètres qui les gouvernent : âge de cessation d'activité, calcul et revalorisation des retraites, tendances démographiques, etc... Il s'agit du taux de rendement implicitement associé aux cotisations versées et aux prestations perçues. Curieusement, cet indicateur a été négligé dans les rapports du Conseil d'orientation des retraites (Cor).

Des études historiques ont montré que les générations parties à la retraite dans les années 1960 avaient bénéficié de taux de rendement réels de leurs cotisations de 6% à 7%, ce qui était manifestement déraisonnable. Les années suivantes, des efforts ont été faits pour revenir à des rendements plus en rapport avec notre croissance économique. L'abaissement de l'âge de la retraite à 60 ans en 1983, en raccourcissant la durée d'activité doit, sous cet éclairage, être interprété comme une tentative intempestive pour contrecarrer la nécessaire évolution des taux de rendement vers des niveaux soutenables.

Pour l'avenir, ce ne sont évidemment pas des taux de rendement trop élevés qui sont à craindre. Quelques calculs nous auraient éclairés à cet égard. Traditionnellement, le taux de rendement d'un régime par répartition tend vers le taux de croissance potentiel de l'économie considérée, soit actuellement pour la France entre 1,5% et 2%. Mais, en raison des déformations de la pyramide des âges, n'y a-t-il pas tout de même un risque de rendement négatif ?

Sur tous ces points, on aimerait que le Cor, prenant acte des réformes introduites, fournisse rapidement des réponses qui serviront à préciser ce que pourrait être un système de protection vieillesse s'appuyant sur les deux piliers de la répartition et de la capitalisation. Aujourd'hui, la part des retraites issues de la capitalisation est inférieure à 3% de l'ensemble des pensions servies. Le rapport rendement/risque des placements des caisses de retraite capitalisées et autres fonds de pension ne s'est certes pas amélioré depuis dix ans, comme en témoigne la situation observée dans nombre d'entreprises aux Etats-Unis ou au Royaume-Uni. Mais certaines imprudences, apparues en pleine lumière dès la crise des technologies de l'information de 2001, ne devraient plus se reproduire.

Même avec des taux d'intérêt qui demeureraient relativement bas, l'innovation financière - tant décriée actuellement - devrait permettre un meilleur équilibre du rendement et du risque. Du côté des rendements, il s'agirait de profiter d'une croissance mondiale qui restera soutenue. Quant au risque, il pourrait être réduit par l'introduction de garanties du capital comme on le voit déjà dans certains produits d'assurance-vie gérés en unités de compte.

Ce rôle accordé respectivement à la répartition et à la capitalisation - collective ou individuelle - devrait constituer un élément de cette nouvelle politique de l'épargne appuyée sur des moyens réglementaires et fiscaux dont nous n'avons vu que de timides prémices. En développant vigoureusement cette épargne longue, nous ferions d'une pierre deux coups. D'un côté, nous mettrions à la disposition des ménages les produits dont ils ont maintenant besoin pour pallier la baisse de leurs revenus de retraite ; de l'autre, nous fournirions aux entreprises des ressources adaptées au financement de leurs fonds propres. Ce qui, en retour, ne pourrait que bénéficier au dynamisme de notre économie si nécessaire à l'équilibre de notre protection sociale.

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