Pour un Grenelle franco-allemand de l'énergie

Par Luc Poyer, président du directoire d'E.ON France.

Depuis soixante-cinq ans maintenant, les destins français et allemands se sont fortement et durablement liés. Une relation qui a connu des fluctuations d'intensité. C'est pourquoi on ne peut que saluer la nouvelle volonté impulsée par le président Sarkozy et la chancelière Merkel qui, à l'issue de leur dernière rencontre, ont donné un signal fort de l'unité franco-allemande juste avant le G20. Un G20 où l'on n'a pu que constater les positions encore très éloignées entre les différentes parties du monde. Dès lors, l'axe Paris-Berlin retrouve tout son sens pour une Europe qui doit d'abord compter sur elle-même.

Depuis la "déclaration Schumann" dont nous fêtons cette année le soixantième anniversaire, nos entreprises ont pris l'habitude de travailler ensemble. La méthode Monnet qui l'inspirait prônait des "réalisations concrètes, créant d'abord une solidarité de fait". C'est en réalité d'une coopération industrielle franco-allemande qu'est née la construction européenne. D'abord sous l'impulsion des Etats comme dans l'aéronautique avec des projets industriels forts comme Airbus.

Mais les acteurs privés ne sont pas en reste. A l'exemple, ces derniers temps, de Renault-Nissan et de Daimler AG qui ont ainsi dévoilé leur intention de développer un partenariat approfondi, fondé sur une pure logique d'entreprise. En tout, selon la Chambre franco-allemande de commerce et d'industrie, 2.500 sociétés allemandes seraient implantées dans l'Hexagone, y employant 300.000 personnes. Nos voisins d'outre-Rhin restent le premier investisseur européen en France. En retour, les firmes françaises réalisent plus de 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires en Allemagne, avec plus de 290.000 salariés. Preuve du chemin parcouru ensemble et de l'étroitesse de nos relations.

 

Ces liens déjà forts sont une première étape. Nous avons encore beaucoup de défis identiques à relever ensemble. Ils s'appellent désindustrialisation, concurrence internationale, sécurité énergétique et développement durable. Force est de constater que les réponses ne sont pas les mêmes. L'Allemagne sait par exemple valoriser son puissant tissu de PME - le fameux "Mittelstand" - sur les marchés extérieurs, tandis que la France s'appuie davantage sur ses champions nationaux, réalisant de forts développements à l'international et tirant parti de l'ouverture à la concurrence dans l'Union européenne des industries dites de "réseaux" - télécommunications, électricité, gaz, transport ferroviaire - pour réaliser des acquisitions et renforcer leurs positions, en particulier en Allemagne.

Dans le domaine de l'énergie, les défis à venir sont autant d'opportunités et de réponses communes à trouver. Vis-à-vis d'un secteur essentiel pour la sécurité et la prospérité des deux peuples. La complémentarité existe : si la France a développé des géants mondiaux dans les secteurs pétrolier, gazier et nucléaire, de son côté, l'Allemagne - qui a également quelques grands groupes parmi les leaders mondiaux dans le domaine nucléaire et du charbon propre - a aussi, et surtout, poussé les feux dans le domaine des énergies renouvelables. Ce qui, au passage, a permis à ses PME innovantes de créer 100.000 emplois en dix ans.

La réelle prise de conscience de Paris et Berlin en matière de lutte contre le changement climatique pourrait être l'axe d'une coopération industrielle renforcée entre nos deux pays ; à cet égard, le succès du Grenelle français ne gagnerait-il pas à être élargi à un cadre franco-allemand ? Les deux principales économies européennes adopteraient des objectifs communs de maîtrise de l'énergie, des dispositifs harmonisés d'aides aux énergies renouvelables, à l'e-mobility et aux indispensables technologies de captage, transport et stockage du CO2. Ce "Grenelle franco-allemand" pourrait être le moteur d'une croissance verte dans nos deux pays.

C'est ainsi que le couple - le moteur ? - franco-allemand impulserait encore une fois le mouvement et montrerait au monde que, en dépit de quelques dissensions, il a toujours une certaine idée de l'Europe.

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