Constructions médiatiques...

Qui fait l'actualité ? Les politiques, les sondages, les médias ? Nicolas Sarkozy met en cause les journalistes dans l'exposition des faits divers pour tenter de contrebalancer son offensive sécuritaire. Et dans la précampagne présidentielle qui se joue dans les enquêtes d'opinion, des outsiders tirent leur épingle du jeu. Par Hélène Fontanaud, journaliste au service France de La Tribune.

Jeudi après-midi devant la presse, en marge du sommet européen à Bruxelles, Nicolas Sarkozy se lance dans un plaidoyer en faveur de sa politique musclée à l'encontre des Roms. Avocat de formation, le chef de l'Etat renvoie ses accusateurs à leurs propres responsabilités, rappelant que les médias ont consacré une foule d'articles, de chroniques et d'éditoriaux aux violences de Saint-Aignan le 18 juillet, lorsqu'une cinquantaine de gens du voyage avaient attaqué la gendarmerie de ce petit bourg du Loir-et-Cher pour protester contre la mort d'un Gitan de 22 ans, abattu lors d'un contrôle routier.

Fin connaisseur de la façon dont on modèle l'opinion, Nicolas Sarkozy n'ignore pourtant pas que, pour une construction médiatique, comme en amour, il faut être deux. En 2007, en pleine campagne présidentielle, celui qui était alors le candidat de l'UMP avait su récupérer à son avantage l'émotion suscitée par des incidents gare du Nord à Paris. Et en trois ans à l'Elysée, le chef de l'Etat a certainement été davantage à l'origine des controverses que simple acteur ballotté par des événements qui lui échapperaient. On pourrait même relier par un fil la récente offensive sécuritaire au débat sur l'identité nationale du printemps, ou encore les polémiques à répétition sur le bouclier fiscal à la volonté de Nicolas Sarkozy d'afficher le visage d'une droite "décomplexée".

Il se dit aussi à l'UMP que le chef de l'Etat a été exaspéré la semaine dernière par la publication d'un sondage CSA dans Le Parisien, selon lequel il se retrouve au coude-à-coude avec son ennemi juré, Dominique de Villepin. Les rivaux de l'affaire Clearstream, choisis chacun par 15% des personnes interrogées, sont en effet les deux candidats préférés des Français pour représenter la droite à la présidentielle de 2012. Une divine surprise pour Dominique de Villepin, qui du coup est reparti en guerre contre "la chienlit qui s'installe au sommet de l'Etat" en tentant d'imposer l'idée d'une alternative de droite "républicaine et humaniste". Tandis que, dans le camp sarkozyste, on fulmine contre "un personnage qui n'existe que grâce aux sondeurs et aux médias". Avec des accents qui rappellent parfois ceux des ténors du PS soumis en 2006 à l'irrésistible ascension de Ségolène Royal.

 

Nul ne sait aujourd'hui quel sera le sort politique de Dominique de Villepin. Mais, sauf imprévu, Nicolas Sarkozy sera en 2012 le champion de l'UMP. Et l'histoire a toujours montré qu'il est difficile, voire impossible, d'être candidat à l'élection présidentielle sans le soutien d'un parti. Encore que...

En 2006, François Hollande était le premier secrétaire du Parti socialiste. Il aurait dû logiquement porter les couleurs de la gauche à la présidentielle de 2007. Aujourd'hui, pour les partisans de Dominique Strauss-Kahn, de Martine Aubry et de Ségolène Royal, il est clair que le député de Corrèze "a passé son tour". Mais voilà que les sondages le placent désormais dans le peloton de tête des présidentiables du PS. Le dernier baromètre Ifop pour Paris Match le fait ainsi bénéficier de la plus forte progression (+ 8 points, à 54%) parmi les politiques.

En cette rentrée, François Hollande sait qu'il doit user au maximum le temps utile que lui offrent le directeur général du FMI, la première secrétaire du PS et la présidente de la région Poitou-Charentes. Car le "pacte à trois" de non agression conclu dans l'attente des primaires de désignation du candidat PS de 2012 empêche toute initiative individuelle et permet à l'ancien patron du parti, qui a par ailleurs conservé un solide réseau militant, d'imposer tranquillement l'hypothèse de sa candidature dans l'opinion.

 

Lui aussi fin connaisseur du jeu médiatique, François Hollande multiplie donc les interventions à la télévision, à la radio et dans les journaux, alternant piques acides contre la présidence Sarkozy et propositions économiquement réalistes pour une alternance "crédible" en 2012. Avec les concessions d'usage à la dictature du "relooking" : "plus je maigris, plus je monte dans les sondages !", s'amuse l'ex-premier secrétaire du PS, qui a tout de même conservé le sens de l'humour.

Son célèbre voisin corrézien, Jacques Chirac, avait l'habitude de dire qu'il fallait garder la tête froide quand les sondages commençaient à donner le tournis. "C'est un instant T, un moment M", plaisantait le candidat de 1995 quand sa courbe s'envolait, croisant celle - descendante - d'Edouard Balladur. Parce que, construction médiatique ou pas, ce sont toujours les électeurs qui décident à la fin.

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