Des virages dangereux à négocier pour l'industrie financière

Face aux mutations du monde, l'impératif industriel s'impose à l'Europe pour éviter le déclin. C'est le thème choisi pour les 6èmes Rencontres de l'entreprise européenne qui se dérouleront le 23 novembre prochain, en partenariat avec Roland Berger Strategy Consultants et HEC. Deuxième volet de notre panorama stratégique de dix secteurs clés, la finance. Après l'explosion des nouvelles technologies et celle de la bulle financière, banques et compagnies d'assurances sont confrontées à un tour de vis réglementaire qui va engendrer une réorganisation en profondeur.

La crise a clos une décennie de bouleversements dans l'industrie financière. Le poids croissant de la réglementation et la découverte des capacités gigantesques désormais permises par les nouvelles technologies ont accompagné une période de prospérité fabuleuse pour ce secteur.

Les innovations produits dans la banque de détail, dans la banque de financement et d'investissement et dans l'assurance, ont généré des niveaux de bénéfices suffisants pour satisfaire les actionnaires et procéder à des acquisitions majeures. La crise financière a certes rebattu les cartes, et les Chinois ou les Brésiliens ont damé le pion aux Anglo-Saxons en termes de capitalisations boursières. Mais les champions nationaux de l'Hexagone n'ont que relativement tiré leur épingle du jeu dans le concert mondial. En août 2010, BNP Paribas ne se classait qu'à la 12ème place dans l'indice Bloomberg mondial des capitalisations des institutions financières, tandis qu'Axa se positionnait au 47éme rang.

La décennie qui s'ouvre n'offre pas de perspectives euphoriques. Banques et assurances vont devoir avancer dans un contexte extrêmement contraint et concurrentiel. Du point de vue de l'environnement d'abord. La faible croissance attendue en Europe dans les années à venir constitue un puissant facteur de renouvellement de l'organisation des banques. Depuis la crise, le désamour affiché par les clients vis-à-vis de leur banquier, qui se manifeste notamment par une multibancarisation et donc la difficulté à générer des revenus réguliers avec les clients, oblige les banques à revoir leur relation et le sens qu'elles lui donnent. D'ailleurs, note Christophe Angoulvant, directeur associé senior chez Roland Berger, "ce désamour vis-à-vis de la banque favorise le développement de modèles spécialisés par produit. Par exemple, les courtiers en crédit immobilier représentaient 25% de part de marché en 2009 contre 7% en 2001".

Certes, la pyramide des âges dans les établissements (les plus de 55 ans représentaient 8,7% des effectifs bancaires en 2001 et 17,9% l'an dernier) rend plus complexes les changements à court terme. Mais ces éléments ne sont finalement rien au regard des deux chantiers pharaoniques qui guettent banques et assurances, dès les prochains mois. La réglementation et les nouvelles technologies apparaissent comme deux pivots qui pourraient faire basculer certains établissements.

Qu'elles s'appellent Sepa (Single Euro Payments Area), Solvabilité II pour les assurances, Bâle III pour les banques, ces réglementations "vont rebattre les cartes de l'industrie financière", prédit Christophe Angoulvant. D'une part, parce que tant Bâle III que Solvabilité II ont pour effet premier d'accroître les besoins de fonds propres des établissements. Cela pèsera sur leur rentabilité future et les contraindra à faire des choix stratégiques, pour décider d'abandonner certaines activités ou pour se rapprocher d'un concurrent.

Ainsi, certains imaginent déjà que des bancassureurs pourraient être contraints de se séparer de leur activité d'assurance, tandis que d'autres plaident pour un allégement des métiers de banque d'investissement. Quant aux mutuelles d'assurance, elles ont, en France, déjà anticipé le mouvement en se rapprochant pour renforcer leur solvabilité (voir l'encadré ci-contre).

Le deuxième grand challenge pour l'industrie financière est celui des nouvelles technologies. La vague d'investissements depuis une dizaine d'années a permis de rendre accessible la banque sur Internet. Ces moyens nouveaux dans la banque en ligneont été réalisés parallèlement à ceux dédiés au développement du réseau physique. Et ont permis au client de se faire une culture financière et donc une première expérience de la consommation à distance. Aujourd'hui, les établissements estiment nécessaire de tirer les fruits de ces investissements massifs. Et surtout, dans un contexte de croissance molle et de concurrence forte, ils ont compris l'urgence de réduire les coûts.

L'industrialisation des processus est en route. Elle suppose la mobilisation de centaines de millions d'euros par établissement, dont l'amortissement ne pourra se faire qu'à moyen terme. Mais à plus court terme, ils devraient permettre de créer une nouvelle relation avec le client, avec plus de proximité, voire de sur-mesure, un atout générateur de revenus. Comme le note Christophe Angoulvant, "la réglementation et la technologie vont nourrir le découplage entre la production et la distribution : la première misera sur les effets d'échelle tandis que la seconde profitera de l'effet d'expérience".

 

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