En politique aussi, on achève bien les seniors

Chaque semaine, Hélène Fontanaud, journaliste au service France de « La Tribune », propose son regard sur la politique française. Un point de vue décalé pour prendre la mesure des stratégies, des idées et des jeux de pouvoir avant la prochaine élection présidentielle. Aujourd'hui : la montée en puissance des quadras face aux « papy-boomers ».

Par Hélène Fontanaud

Journaliste au service France

Comme pour démentir un des couplets de « la Marseillaise », les « quadras » des partis politiques semblent bien pressés d'entrer dans la carrière quand leurs aînés y sont encore. La scène se joue un soir de mars 2009 dans un café branché de Paris. À l'issue d'un débat plutôt vif avec François Hollande, Jean-François Copé est satisfait. Les spectateurs étaient appelés à voter par SMS et le président du groupe UMP de l'Assemblée nationale a fait jeu égal avec l'ex-premier secrétaire du Parti socialiste. Quand on lui dit que c'est un bon score de second tour de présidentielle, Jean-François Copé, génération 1964, lâche : « François Hollande a quand même dix ans de plus que moi ! » Dix ans, l'équivalent de deux quinquennats, c'est aussi pratiquement ce qui sépare le député-maire de Meaux... de Nicolas Sarkozy. Le chef de l'État est né en 1955. Drôle de milieu, où, à peine quinquagénaire, on est déjà poussé vers la sortie. À moins que, pour une fois, le monde politique soit le miroir exact de la société qu'il est censé représenter... Une société où le taux d'emploi des plus de 55 ans est de 38 % seulement.

Aujourd'hui, alors que s'éteint doucement la contestation de la réforme des retraites, le tout-Paris politique bruisse des rumeurs sur le remaniement auquel Nicolas Sarkozy procédera avant la fin du mois de novembre pour donner un nouveau souffle au quinquennat, avant l'élection présidentielle de 2012. Deux « papy-boomers », François Fillon (génération 1954) et Jean-Louis Borloo (génération 1951), tiennent la corde. Mais voici que s'avancent les « quadras », Bruno Le Maire (génération 1969), Luc Chatel (génération 1964), Valérie Pécresse (génération 1967). Et la presse se fait l'écho du souhait présidentiel de recourir à « la carte jeune » en choisissant un joker pour Matignon.

Dans cet éternel conflit entre anciens et modernes, les alliances peuvent être transpartisanes. Jean-François Copé fait souvent tréteaux communs avec le socialiste Manuel Valls (génération 1962). Tous deux rêvent à voix haute d'être candidat à l'élection présidentielle. Ils visent la lune en 2017 mais chaparderaient bien les étoiles en 2012. Tous deux souffrent d'un déficit de notoriété dans l'opinion, qu'ils essaient de dépasser en multipliant les interventions « poil à gratter » dans leur propre camp. Tous deux comptent au moins un rival « générationnel » dans leur famille politique. Dans l'actuelle majorité, Jean-François Copé sait ainsi qu'il retrouvera sur sa route Xavier Bertrand (génération 1965). Chez les socialistes, le « réformiste réaliste » Manuel Valls devra sans nul doute affronter Benoît Hamon (génération 1967), porte-drapeau de l'aile gauche du PS.

L'histoire étant un éternel recommencement, une nouvelle génération est déjà sur les rangs : celle de Rama Yade (1976), Laurent Wauquiez (1975), Aurélie Filippetti (1973), Najat Vallaud-Belkacem (1977) ou Razzy Hammadi (1979). Début octobre, « Le Monde Magazine » a même consacré sa une à dix dirigeants des mouvements de jeunesse des principaux partis, qui ont confié leurs ambitions pour « la France de demain ».

Mais si les Français, entraînés dans cette course folle, étaient pris d'un désir de « retour vers le futur » ? En 2012, dans ce scénario, Alain Juppé (génération 1945), Laurent Fabius (génération 1946), Dominique Strauss-Kahn (génération 1949) et Martine Aubry (génération 1950) auraient toutes leurs chances. Et, outre les « quinquas », Nicolas Sarkozy et François Hollande, mentionnés ci-dessus, d'autres, comme Ségolène Royal (génération 1953) ou François Bayrou (génération 1951), n'ont pas dit leur dernier mot.

On en vient à rêver d'un monde où le conflit des générations n'aurait pas grand sens. Il existe peut-être. Cet automne, deux monstres sacrés du rock, Patti Smith, née en 1946, et Keith Richards, le guitariste des Rolling Stones, né en 1943, racontent dans leur autobiographie le temps où ils n'étaient que des « kids ». On n'avait pas vu le temps passer et c'est avec plaisir qu'on note qu'ils ne se sont pas totalement assagis. C'est tout le mal qu'on peut souhaiter à nos quadras trop pressés.

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