Universités : la refondation au milieu du gué

Les réformes impulsées depuis 2007 sont loin d'avoir définitivement sauvé les universités, qui souffrent toujours de la concurrence avec les grandes écoles, privilégiées par les élites. Le gouvernement maintient l'ambiguïté sur le sujet.

En cette rentrée, des universitaires relancent le débat sur l'autonomie, la nécessité de changer l'université, en publiant deux livres manifestes (*). Ces appels à refonder l'université n'étonnent guère quand on sait qu'ils émanent en partie des juristes de l'université Paris II-Assas, en pointe dans la contestation de 2009. L'un des ouvrages est d'ailleurs signé de cinq des « refondateurs » (qui étaient au nombre de 45, toutes disciplines confondues). Le constat est clair : loi sur l'autonomie des universités (LRU) ou pas, et malgré le discours affiché par le gouvernement, l'université est toujours confinée au rôle de « voiture-balai » de l'enseignement supérieur français.

Est-elle donc si mauvaise qu'il faille la « reconstruire » malgré les réformes menées tambour battant ces dernières années ? Pôles de recherche et d'enseignement supérieur (PRES) censés rapprocher grandes écoles et universités, voies d'admissions parallèles entre les unes et les autres, réforme LMD (licence, master, doctorat), gestion des laboratoires revue avec les organismes de recherche, autonomie...

De l'avis général, l'autonomie, prônée dès la loi Faure de 1968 et dans les cartons de la gauche avant la présidentielle de 2002, est un premier pas essentiel. Mais quoi que l'on fasse, restera toujours l'ombre des grandes écoles, spécificité française héritée en partie de la Révolution. « Nous ne pouvons pas les supprimer. Mais il faut faire revenir les étudiants des grandes écoles vers l'université qui, elle, apporte les grands professeurs, la recherche et le titre de docteur », estime Louis Vogel, président de Paris II-Assas. Un discours tenu par le gouvernement mais auquel ne croit pas Olivier Beaud, professeur de droit à Paris II-Assas : « Le gouvernement n'a jamais vraiment voulu mettre l'université au coeur du système. Il y a surtout une volonté de transformer les grandes écoles en universités à l'américaine, et les universités en grandes écoles. » Pour lui, il y a « un système de castes en France, verrouillé ». Il est vrai que la volonté de Valérie Pécresse de voir se développer des classes préparatoires au sein des universités peut encore paraître une ode aux filières sélectives...

Autre grief, le manque de moyens. Le gouvernement actuel se targue de présenter chaque année des budgets en forte hausse (+ 9 milliards d'euros entre 2007 et 2012, sans compter l'opération campus et le grand emprunt) et d'avoir permis aux universités de s'adjoindre des ressources supplémentaires, via notamment les fondations. Mais « il faut faire beaucoup plus sinon nous ne rattraperons jamais notre retard ! Mettre de l'argent aujourd'hui s'avérera très rentable à l'avenir », insiste Louis Vogel.

Le sujet qui fait consensus reste peut-être, dans le sillage du rapport de l'économiste Philippe Aghion, la constitution de premiers cycles généralistes, propédeutiques ainsi que la mise en place de filières diversifiées en fonction du niveau des élèves. Avec, comme le préconise Jean-Robert Pitte, nouveau délégué à l'information et à l'orientation, ancien président de Paris IV, une orientation progressive vers les filières qui insèrent le mieux professionnellement. Encore faudrait-il que celles-ci ne soient pas l'occasion de faire de la sélection déguisée et que les universités, là encore, en aient les moyens.

Le malaise provient aussi beaucoup du diktat imposé depuis peu par les classements mondiaux, tel celui de Shanghai : on les critique, mais on veut en être. Et là, les prestigieuses écoles qui alimentent les grands corps de l'État, telles Polytechnique ou Normale sup, sont bien placées. Quant aux meilleures écoles de commerce, elles restent le vivier des grandes entreprises. Les réseaux d'anciens jouent pour beaucoup. Comment remettre en cause un système conçu par et pour une certaine classe sociale ? Plus que « reconstruire » l'université, appel dont se font aussi souvent l'écho les partisans de la hausse des droits d'inscription et de la sélection, il faudrait lui laisser le temps d'évoluer à son rythme, et surtout mettre fin au mépris que manifestent les élites et les entreprises à son égard.

(*) « L'Université : une chance pour la France », Louis Vogel, Presses Universitaires de France, 108 pages, 10 euros.

« Refonder l'université », Olivier Beaud, Alain Caillé, Pierre Encrenaz, Marcel Gauchet, François Vatin, éditions La Découverte, 276 pages, 19 euros.

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