L'emploi des seniors : une menace pour les jeunes ?

Par Patrick Artus, chef économiste de Natixis.
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L e débat sur les retraites en France a fait apparaître l'inquiétude suivante : si le taux d'emploi des salariés âgés (plus de 55 ans et surtout plus de 60 ans) est accru par le report de l'âge de la retraite, ceci peut-il conduire à une baisse des taux d'emploi, donc à une hausse du chômage des jeunes (moins de 25 ans) ? Dit autrement, les emplois des seniors sont-ils substituables aux emplois des jeunes ? Cette crainte semble légitime : on peut se dire que, mécaniquement, si les entreprises conservent plus longtemps les salariés âgés, elles vont réduire, au moins pendant la période de transition vers un âge plus élevé de la retraite, les embauches des jeunes.

Dans l'OCDE, au contraire, les pays où le taux d'emploi des 55-65 ans est le plus élevé (supérieur à 55% au Danemark, Canada, Australie, États-Unis, Norvège, Suède, Royaume-Uni, Allemagne par exemple) sont aussi ceux où le taux d'emploi des moins de 25 ans est le plus élevé et où le taux de chômage des jeunes est le plus bas. À l'inverse, les pays où le taux d'emploi des plus de 55 ans est faible (de 35 % à 45% en Italie, Belgique, France, Grèce, Espagne) sont aussi ceux où le taux d'emploi des moins de 25 ans est le plus faible (de 20% à 32%) et où leur taux de chômage est le plus élevé (de 20% à 26% en moyenne sur la période 2002-2010, bien plus aujourd'hui). On peut donc affirmer qu'il n'y a pas de contradiction à moyen terme entre l'emploi des seniors et l'emploi des jeunes au contraire.

Trois facteurs

D'où vient le lien positif entre taux d'emploi des seniors et taux d'emploi des jeunes (la corrélation négative entre taux d'emploi des seniors et taux de chômage des jeunes) ? Trois causes sont possibles. Le fait que si, pour une raison quelconque (effort d'innovation, gains de parts de marché...) une économie va bien, elle est capable de créer à la fois des emplois pour les salariés âgés et des emplois pour les jeunes. Deux, la sensibilité forte de l'emploi des jeunes, notamment des peu qualifiés, et de celui des salariés âgés au coût du travail : un coût du travail élevé pénaliserait à la fois l'emploi des jeunes et des seniors. Des mécanismes du côté de l'offre, enfin : un fort taux d'emploi des seniors permet que la production potentielle soit plus élevée, et que la pression fiscale (et en particulier les charges sociales) soit plus faible, ce qui est favorable à l'emploi des jeunes. Dans les pays de l'OCDE, on parvient à deux relations significatives. Les pays où les taux d'emploi à la fois des jeunes et des seniors sont élevés sont ceux où le niveau de gamme, de qualité, de la production (industrielle ou de services sophistiqués) est le plus élevé (on retrouve l'Allemagne, l'Europe du Nord, le Royaume-Uni). Ce sont aussi ceux où le poids des cotisations sociales sur les salaires est faible. Dans les pays à faible taux d'emploi des moins de 25 ans (Italie, Grèce, Belgique, France, Portugal, où il est inférieur à 35%), les charges sociales représentent plus de 13% du PIB (le record étant la France avec près de 19%). Ce n'est donc pas l'emploi des seniors qui est une menace pour l'emploi des jeunes, mais le faible niveau de gamme de l'industrie et le poids des cotisations sociales.

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Commentaires 2
à écrit le 22/06/2011 à 7:18
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il est incroyable et revoltant que les seniors (dont je ferais partir dans 15 ans) soit obliger de retourner bosser pour pouvoir survivre, il est evident que l'emploi occupé par un senior ne sera pas occuper par un jeune(quand ils ont envie de bossé...

à écrit le 19/05/2011 à 10:41
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Non, les seniors ne sont pas une menace pour les jeunes, la seule menace est l'immigration clandestine qui est de l'ordre de 200 à 300 000 emplois perdus pour les ressortissants de notre pays.

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