La bombe du chômage de longue durée

Si le chômage est globalement stabilisé, celui de longue durée explose. Les conséquences, pour les jeunes, notamment, sont redoutables. A moins que le gouvernement ne se décide à traiter sérieusement la question.
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L'économie crée des emplois ! L'annonce récente de quelque 20.000 créations d'emplois au troisième trimestre a déclenché une salve de commentaires politiques confinant à l'enthousiasme. Pour le secrétaire général de l'UMP, Jean-François Copé, qui se réjouit de ce sursaut, « c'est le signe clair que la reprise de l'économie française se confirme ». Et d'ajouter : « Ces chiffres valident la politique économique volontariste menée depuis le début de la crise par le président de la République, le gouvernement et la majorité. »

Quant au chômage, si l'on s'en tient aux données mises en avant par le gouvernement, à savoir les demandeurs d'emploi de catégorie A, n'ayant pas d'activité, même réduite, il n'augmente que très modérément (+ 1,8 % sur un an). En considérant l'ensemble des inscrits à Pôle emploi, la hausse reste limitée (+ 5 % sur douze mois). Mieux, comme a pu le souligner Christine Lagarde, le taux de chômage, mesuré par l'Insee, reste stable, alors que la croissance n'est pas encore vraiment repartie. Il suffirait donc d'attendre que la reprise se confirme, créant des emplois, et inversant la courbe du chômage. Bref, le débat sur la politique de l'emploi serait clos.

Le problème, c'est que d'autres statistiques, moins souvent mises en avant, devraient inquiéter le gouvernement. Ce sont celles concernant le chômage de longue durée. Le nombre de personnes inscrites depuis plus d'un an à Pôle emploi explose actuellement. À la fin octobre, la hausse atteignait 23 % sur un an. Pour les inscrits depuis plus de deux ans et moins de trois années, l'augmentation est même de 35 %. Depuis le point bas de juin 2008, 500.000 personnes sont venues grossir les rangs des chômeurs de longue durée, leur nombre frôlant, au total, le million et demi.

Cette envolée n'est évidemment pas surprenante. La crise est synonyme de raréfaction de l'emploi. Les créations récentes de postes salariés ne compensent pas les destructions d'emplois intervenues depuis la mi-2008. Du coup, seuls les plus aptes au travail ont une chance de trouver une embauche. En général, il s'agit de ceux qui sont au chômage depuis peu de temps. Des salariés ayant acquis suffisamment d'expérience, sans être pour autant proches de l'âge de la retraite. Pour les autres, les jeunes et les seniors, les perspectives sont des plus minces. Au troisième trimestre, si l'on en juge par les statistiques Insee, le taux de chômage des jeunes a atteint un record absolu, à 24,2 %. Et encore, ce chiffre est-il certainement sous estimé, car nombre d'entre eux, découragés, et n'ayant jamais travaillé, ne s'inscrivent pas à Pôle emploi, faute d'intérêt à le faire (ils ne toucheront pas d'allocation), comme le souligne Éric Heyer, économiste à l'OFCE.

Pour ces jeunes, qu'ils soient peu qualifiés ou au contraire très diplômés, les conséquences de cette situation seront durables. S'ils parviennent à trouver du travail, ce sera avec un niveau de salaire inférieur à celui de leurs aînés. Cet écart les poursuivra toute leur vie. Quant aux autres, sans activité, dès qu'ils tenteront à nouveau leur chance dans un marché du travail redevenu plus favorable, ils entreront en concurrence avec les nouveaux arrivants, encore plus jeunes. Et ils devront travailler plus vieux, puisqu'ils n'auront pas cotisé pendant plusieurs trimestres aux caisses de retraite.

Même d'un strict point de vue économique, la situation inquiète les experts, qui dénoncent la perte de capital humain que provoque ce chômage de longue durée, synonyme de déqualification. La situation est suffisamment grave pour que l'OCDE ait décidé de lancer un cri d'alarme, cette semaine, exhortant pouvoirs publics et entreprises à trouver des solutions en faveur des jeunes. Les spécialistes divergent cependant sur les réponses à apporter. Les contrats aidés dans le secteur non marchand (associations, administrations) ont mauvaise presse : ils sont jugés peu formateurs. D'où la baisse de leur nombre dans le budget 2011, et la préférence donnée aux contrats en entreprise. Le hic, c'est que ceux-ci provoquent souvent des effets d'aubaine (les jeunes embauchés sous ce statut l'auraient été de toute façon). Pour Éric Heyer, mieux vaut un contrat aidé dans le public, dont le coût est relativement limité (500 millions d'euros pour 100.000 contrats) que rien du tout.

En tout état de cause, l'insistance absolue de Nicolas Sarkozy à traiter pleinement la question des licenciements économiques, alors même que certains licenciés retrouvent facilement un job, contraste avec l'inaction actuelle de l'exécutif face au chômage de longue durée. Jusqu'à quand ?

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