L'obligation perpétuelle, solution pour les dettes souveraines

Et si, pour sortir de la trappe de la dette en Europe, on cessait tout simplement de la rembourser. La bonne vieille rente perpétuelle, une piste pour résoudre la crise ?
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La crise irlandaise secoue depuis plusieurs semaines le paysage obligataire européen, provoquant des convulsions dans la zone euro, et menaçant de contagion les Etats voisins, tels l'Espagne et le Portugal, sans compter la Grèce déjà violemment attaquée depuis le début de l'année ; et ces jours-ci, même des ténors comme la France ou l'Allemagne semblent avoir quelque difficulté à placer leurs nouvelles émissions.

Confrontées à cette situation, les autorités financières ont du mal à trouver une solution efficace et pérenne, malgré de nombreuses réunions au sommet ; en particulier, le Fonds européen de stabilité financière (FESF), pourtant doté de 750 milliards d'euros, peine à convaincre les marchés. En fait, cette crise illustre parfaitement la difficulté que peut rencontrer un Etat, aussi "respectable" soit-il, à émettre de nouveaux emprunts en période de tempête.

En pratique, ces nouveaux emprunts servent en majorité à rembourser des emprunts antérieurs qui arrivent à échéance, car - à cause du déficit budgétaire - il n'y a pas d'argent en caisse pour y faire face, et il faut alors refaire appel aux marchés pour honorer le remboursement du principal, sachant que pendant toutes les années antérieures jusqu'à l'échéance, seuls les intérêts ont été acquittés.

Si l'on prend le cas de la France (85% du PIB), il faut que l'Agence France Trésor, chargée de la gestion de la dette publique, émette chaque année de l'ordre de 2 à 300 milliards d'emprunts nouveaux, d'une durée moyenne de sept ans ; cela représente une somme raisonnable en période de calme, mais très importante face à des marchés troublés.

En vérité, la dette des États d'Europe a atteint des niveaux tels qu'elle n'est plus remboursable et qu'elle ne sera jamais remboursée, et ce d'autant plus que ces pays pâtissent d'un déficit budgétaire qui, d'année en année, aggrave leur endettement. Comment donc sortir d'une telle impasse, a priori insoluble ?

Pour régler ce problème, nous proposons une solution simple : que les États cessent de rembourser leur dette, en la transformant en obligations (rentes) perpétuelles, comme le faisait l'Europe au XIXe siècle. Il faut évidemment bien choisir le moment (période de calme) et bien fixer le taux d'intérêt (avec l'aide des actuaires et du marché). Ainsi, les titulaires de la dette ne seront-ils pas lésés - à l'inverse des conséquences négatives d'un plan de restructuration drastique - et un marché secondaire leur permettra ensuite de céder à tout moment leurs obligations à d'autres investisseurs. Les Etats n'auront plus à émettre de nouveaux emprunts, ou très peu : il leur faudra juste payer des intérêts annuels, peu coûteux en trésorerie ; et les pays "vertueux" pourront racheter progressivement leur dette sur le marché secondaire. De cette manière, les États souverains cesseront d'être soumis au diktat des marchés et des agences de notation, et ils pourront alors tranquillement remettre de l'ordre dans leurs finances publiques.

Il convient de préciser que cette technique de financement est utilisée depuis de nombreuses années par nos grandes entreprises : inventés par Jean-Pierre Tirouflet, ancien directeur financier de Rhône-Poulenc, les TSDI (titres subordonnés à durée indéterminée) ne sont en effet rien d'autre que des obligations perpétuelles, équivalentes à des quasi-fonds propres, et dont les conditions de renouvellement du taux et de remboursement anticipé du capital font l'objet de règles bien précises ; citons ainsi, parmi les entreprises françaises utilisatrices de ce type d'instrument, le Crédit Agricole, la BPCE, Suez-Environnement ou le groupe Casino...

En conclusion, souhaitons que M. Trichet, M. Sarkozy, Mme Merkel, M. Juncker, M. Barroso, M. Strauss-Kahn, et toutes les hautes personnalités qui gouvernent la finance européenne, puissent accorder quelque attention à une telle idée, qui nécessite à coup sûr une mise en oeuvre soigneusement coordonnée tant sur le plan politique que technique.

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