Chats échaudés...

Par Jérôme Marin, correspondant à New York de La Tribune.
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1.350, 1.375, 1.400 points et plus encore... C'est promis, cette année encore le S&P 500 va grimper. Jusqu'à 10 % de hausse, après un bond de 13 % en 2010. Les analystes et gérants sont unanimes : l'amélioration de la conjoncture américaine, l'accélération de la croissance dans les pays émergents, les profits record des grandes entreprises et des valorisations encore intéressantes vont porter les marchés américains vers de nouveaux sommets. Il n'est donc pas encore trop tard pour revenir sur le marché actions et profiter de ce rally. Et puis, après tout, "à long terme, on gagne toujours en Bourse". Un bien bel adage... auquel certains ne croient plus du tout.

Il y a d'abord tous ces petits porteurs, qui ont vu leur capital s'effondrer en même temps que les marchés plongeaient en 2008 et 2009. Certains ont récupéré une partie de leur mise depuis, d'autres en sont pour leurs frais. Les uns comme les autres sont désormais bien plus prudents et y réfléchissent à deux fois avant de jouer une partie de leur avenir ou de leur retraite en Bourse. Mais il y a aussi des investisseurs plus aguerris, comme les fonds de pension des grandes entreprises américaines. Le boom des années 1990 les avait conduits à investir massivement en titres de sociétés. De 38 % en 1988, la part de leurs avoirs détenus en actions avait ainsi bondi à près de 70 % avant la crise, selon les données du Center for Retirement Research (CRR) de l'université de Boston College. En juillet dernier, elle n'était plus que de 45 % ! Outre la baisse des cours qui, mécaniquement, a fait baisser ce pourcentage, cette évolution traduit également une réallocation marquée de leurs actifs. Un "fly to quality" qui n'a finalement rien d'étonnant en période de turbulences. Mais cette tendance devrait se poursuivre, estime le CRR. Malgré le rebond des marchés.

"Chat échaudé craint l'eau froide", dit le dicton. Échaudés, ces chats l'ont été. Entre octobre 2007 et mars 2009, la valeur de leur portefeuille boursier a fondu de 1.000 milliards de dollars. Une somme qui permettrait aujourd'hui de racheter ExxonMobil, Apple et Microsoft, les trois premières capitalisations américaines. "Nous devons faire différemment", reconnaissait récemment un porte-parole de Boeing dans le "Wall Street Journal", et "nous recherchons désormais une plus grande stabilité dans notre portefeuille de notre fonds de retraite". Place à des titres moins risqués, comme des bons du Trésor et des obligations. Moins risqués et donc moins rémunérateurs en période de taux bas. Pour compenser, Boeing a dû renforcer sa contribution financière à son fonds : 1,8 milliard de dollars l'an passé, soit plus de 10.000 dollars par salarié. Mais il manque encore 6,4 milliards de dollars dans les caisses pour honorer tous les engagements futurs. Et cette situation est loin d'être une exception. Selon une étude de Goldman Sachs, la valeur des actifs détenus par les fonds des sociétés du S&P 500 ne couvre que 75 % de leurs engagements. Un trou qu'il faudra bien finir par combler.

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