Situation du logement en France : halte au feu !

Par Christian Lefebvre, président de la chambre des notaires de Paris.
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Le rapport annuel de la Fondation Abbé-Pierre de janvier 2011 a démontré, s'il en était besoin, la difficile situation du logement des Français. Il y a une véritable indécence dans ce contexte à s'extasier sur le boom de l'immobilier à partir de slogans sur le retour à la flambée des prix. C'est en fait une très mauvaise nouvelle qui rend illusoire le projet d'une France de propriétaires : si 58% de nos compatriotes ont accédé à la propriété, combien le font dans des conditions à la limite du supportable, en s'endettant sur de trop longues périodes pour un logement trop petit ou trop éloigné des lieux de travail ?

L'accession est portée par la perspective d'empocher une solide plus-value à la revente, rêve qui pourrait se transformer en cauchemar. Car pas plus que les arbres, les prix ne monteront au ciel. Le pouvoir d'achat moyen en berne des Français ne leur permettra plus longtemps d'entrer dans la chaîne de l'accession notamment pour un bien familial. C'est presque déjà le cas à Paris, en dépit des efforts méritoires de la Ville pour réhabiliter et augmenter le parc locatif. Il faut éviter que cette ségrégation de fait de l'habitat s'étende aux banlieues et à la province.

Il est urgent de stabiliser les prix des logements, comme c'est le cas en Allemagne depuis longtemps, et de revenir à une corrélation avec l'évolution du pouvoir d'achat. Il n'est pas bon pour notre pays que les habitants consacrent une part aussi élevée de leurs revenus pour se loger. C'est autant qui ne sera pas employé de manière productive. Il n'est pas bon que les prix de l'ancien, dont la qualité et les performances sont inégales, rejoignent les prix du neuf, eux-mêmes autant gonflés par la spéculation foncière que par l'application successive de normes toutes raisonnables isolément (environnement, accessibilité, mesurage...) mais dont l'addition commence à peser.

Comment rompre avec ce cercle vicieux ? D'abord en construisant davantage, ce qui rééquilibrera à terme l'offre et la demande. Ensuite, en appliquant de manière pérenne des dispositifs stabilisés sur la primo-accession, comme le bienvenu PTZ +, afin que les particuliers comme les opérateurs connaissent la règle du jeu. Enfin, en informant mieux acquéreurs et vendeurs sur les prix de l'immobilier.

Certes, cette information ne sera jamais exacte, dans le sens que le prix d'un immeuble ne pourra jamais être déterminé avec précision sans une expertise hors de portée pour le plus grand nombre. Mais il peut être approché à partir de paramètres objectifs et fiables (emplacement, date de construction, performance énergétique). Comme peut être déterminée l'évolution moyenne des prix d'un segment géographique et qualitatif homogène de marché, arrêtée sur les transactions les plus récentes. L'information doit être diffusée largement et avec rigueur, afin que chacun y accède, et pas seulement une minorité d'avertis ; elle doit enfin être contrôlée et faire l'objet d'un classement ou certification public. Aujourd'hui en effet, l'information immobilière est surabondante et parfois confuse. Elle est très populaire, et elle peut donner lieu à surenchères. Il ne s'agit pas de créer une information officielle, mais il faut indiquer clairement sur quoi elle repose, et donner une forme de notation aux sources comme aux modes de calcul.

Cette dernière mesure, qui doit aussi être applicable aux loyers, ne créera pas de miracle à court terme. Mais, en attendant la relance de la construction, elle permettra d'assagir le marché. Aujourd'hui en effet, de multiples acquéreurs font monter les prix en acceptant des valeurs déraisonnables. Ils pourront avoir à le regretter. Il ne suffit pas de passer l'obstacle de la demande de prêt pour éviter l'échec, comme on vient de l'observer aux Etats-Unis. Comme il y a quarante ans pour l'alimentaire, le temps du consommateur averti est venu pour l'immobilier.

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