La France doit investir dans le "cloud computing"

Par Bernard Molland, expert en gouvernance opérationnelle du système d'information.
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Le "cloud computing" - vague émergente et irréversible dans la distribution de "solutions et de services informatiques prêts à l'usage" - s'appuie sur les logiciels libres et les standards ouverts. Il se matérialise par l'interconnexion de centrales de production d'énergie informatique qui alimenteront tant l'administration que le privé et ses PME. Il est donc important pour nos grands groupes, notre administration et nos sociétés de services de maîtriser et d'intégrer cette vague de fond dans l'évolution de leur propre système d'information. Début février, le gouvernement américain a ainsi dévoilé une feuille de route très claire.

Pour réduire les coûts de son système d'information, son directeur invite l'ensemble des acteurs de l'industrie à développer des systèmes ouverts et interopérables afin de "banaliser leurs services". C'est une remise en cause du modèle de l'industrie du logiciel. Son budget de 60 milliards d'euros par an sera suffisant pour que leurs nouvelles offres soient conformes à sa volonté de "gérer les services rendus plutôt que les assets", espérant voir sortir ses administrations des situations de monopole imposées par les acteurs en place.

Le gouvernement anglais a, lui aussi, confirmé un plan drastique de diminution de sa dépense informatique évaluée à 20 milliards d'euros par an en restructurant l'ensemble de ses services. En encourageant l'usage de logiciels libres et la conformité aux standards ouverts, il veut réduire ses coûts de licence, éliminer la dépendance à certains fournisseurs et améliorer l'intégration et l'interopérabilité de ses systèmes. La fin des projets pharaoniques est annoncée, remplacés par une suite de composants de système plus petits et plus "manageables". La réduction des dépenses est de 4,3 milliards d'euros par an. Tout comme aux États-Unis, cette vision remet en cause le business model de l'industrie du logiciel, injectant ainsi dans l'industrie locale des sociétés de services le montant des contrats de licence et de leur maintenance exorbitante.

Ces deux programmes anglo-saxons formalisent une gouvernance forte, affichent une vision claire et décrivent un "comment faire" qui responsabilise la structure centrale de pilotage en donnant plus d'autonomie aux administrations pour développer des applications qui s'intégreront et interopéreront plus facilement entre elles. La nécessité de réduire leurs dépenses est une opportunité pour ces gouvernements qui se servent des mutations technologiques en cours comme levier pour refondre leur système d'information afin d'en réduire le coût.

Le 23 février, le gouvernement français annonce la création de la Direction interministérielle des systèmes d'information et de communication. Cette annonce va dans le bon sens. Mais cette structure ne connaît pas le budget informatique de l'État et n'a pas pour objectif de le consolider, bien qu'il soit le premier budget informatique de France ! Nous pouvons évaluer à 15 milliards d'euros par an cette dépense de l'État. Il pourrait la réduire d'au moins 3,5 milliards d'euros par an. Et c'est un minimum !

Consolidons les dépenses informatiques de l'ensemble de nos administrations et mettons en place cette gouvernance opérationnelle tant attendue pour maîtriser l'avenir de notre système d'information et pour gérer les investissements qui permettront d'aller chercher cette réduction des dépenses. Le potentiel des applications transférables sur ces plates-formes de services tant au niveau des administrations territoriales que de l'État justifie qu'un tel projet soit retenu parmi les investissements stratégiques en cours d'étude. La France ne peut pas se dégager de l'obligation de conserver la maîtrise de l'outil de gestion de son avenir. Elle doit donc refondre de façon pragmatique les systèmes d'information de ses administrations plutôt que d'oser imaginer, comme certains le pensent, d'en « remettre les clés » à une société de services qui pourrait prétendre en prendre la responsabilité pour des gains immédiats... Sachons saisir cette mutation de l'industrie informatique dans le cadre de nos investissements stratégiques.

Ce projet d'investissement, source d'économies, donnera plus d'autonomie à la France, réduira notre déficit commercial en donnant un avenir à nos entrepreneurs, tout en renforçant l'efficacité de notre administration et la compétitivité de nos entreprises. Ayons le courage et la volonté d'avoir une ambition pour la France dans le domaine du numérique et arrêtons d'écouter les lobbyistes des grands acteurs et leurs représentants. Sachons investir dans des projets qui défendent nos intérêts bien compris. La refonte du système d'information de l'État en sera le moteur, sa gouvernance la feuille de route, la maîtrise du nouveau business model de l'industrie du logiciel son oxygène et l'informatique sous forme de services son nouveau carburant.

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