Comment l'Opep veut parvenir au monopole

Derrière le refus de l'Opep d'augmenter ses quotas de production, il y a une stratégie bien affirmée : faire en sorte de maintenir un prix élevé du pétrole pour que les pays non-Opep produisent abondamment et assèchent leurs réserves. Objectif ultime : se trouver en situation de monopole
Copyright Reuters

Malgré la pression de l'AIE (Agence internationale de l'énergie), les membres de l'Opep, réunis le mercredi 8 juin à Vienne, ne sont pas parvenus à trouver un consensus sur le relèvement des quotas de production. Par-delà ce que cette décision réserve à l'économie mondiale - hausse des cours du brut dans les prochains mois, risque de plomber la reprise économique encore fragile - et ce, malgré la stratégie de court terme de l'AIE visant à puiser dans les stocks stratégiques de ses pays membres pour alimenter le marché, il serait intéressant de s'interroger sur le rôle des quotas dans la stratégie à long terme de l'Opep.

Actuellement, les quotas de production de l'Opep s'élèvent à 24,84 millions de barils/jour avec une production effective de 26,2 millions de barils/jour (en raison des dépassements des quotas) et une capacité de production de 35,45 millions de barils/jour. Pourquoi l'Opep avec un cours du baril autour de 115 dollars ne veut-elle pas produire plus ?

Pour comprendre la stratégie de l'Opep, il faut d'abord comprendre la structure du marché du pétrole. Le marché international du brut est caractérisé par un équilibre non coopératif entre, d'une part, un cartel représenté par l'Opep et, d'autre part, une frange compétitive et dispersée au sein de laquelle il y a différents types de pays, développés et en voie de développement, avec des capacités de production différentes (les pays non-Opep). Plus simplement, le marché international du brut est composé d'un cartel (l'Opep), qui détient la majorité des réserves de pétrole conventionnel et de pays non-Opep qui agissent indépendamment les uns des autres et qui, à eux tout seuls, n'ont pas assez de réserves et de capacités de production pour influencer le prix du baril.

Dans ces conditions, la structure du marché du pétrole est donc proche du modèle du duopole de Stackelberg, c'est-à-dire un équilibre dans lequel l'une des deux parties, le leader, choisit son niveau de production en supposant que son concurrent, le follower, va prendre sa décision en fonction de lui. Ainsi, l'Opep (le leader) choisira sa production avant la frange (les non-OPEP) et cette décision est irréversible. Le suiveur choisit ensuite la production qui lui procure le profit maximal, en tenant compte de la production connue de son concurrent. Le leader tient compte de ce comportement et maximise son profit en sachant que le suiveur s'alignera sur lui. Dans une telle structure de marché, quelle stratégie l'Opep a-t-elle intérêt à adopter ?

Premièrement, dissuader les pays consommateurs de se lancer dans des programmes de recherche-développement visant à trouver des substituts au pétrole.

Deuxièmement, épuiser les réserves du "concurrent" (c'est-à-dire les pays non-Opep), afin de devenir le seul offreur du marché et de bénéficier d'un statut de monopole.

Le but de l'Opep est donc d'établir, en jouant avec les quotas, une tranche de prix suffisamment élevée pour rentabiliser l'exploitation de la plupart des gisements de la zone non-Opep. Cependant, cette tranche de prix ne doit pas être élevée au point d'inciter à la recherche de substituts à grande échelle.

Or, à moyen terme, la menace de substituts reste illusoire, sauf transition ultrarapide vers d'autres sources d'énergie ce qui, compte tenu de la situation financière des vieux pays consommateurs (Europe, États-Unis), semble difficilement envisageable. Une compression de la demande des pays consommateurs, par des politiques d'économie de l'énergie comme lors du contre-choc pétrolier (1982-1986), est également utopique. La croissance de certains pays (Chine, Inde) en fait des consommateurs captifs qui explique la faible élasticité de la demande de pétrole au prix.

Dans ces conditions, sa stratégie unique consiste donc dans l'épuisement des réserves des pays non-Opep, pour pouvoir être en monopole et pratiquer un prix de monopole. Et comme plus le prix est élevé, plus les pays non-Opep largement contrôlés par les compagnies pétrolières produisent, on peut dire qu'un prix élevé accélère l'épuisement des réserves des pays non-Opep. Pendant ce temps, l'Opep produit par quotas - en suivant l'évolution de la demande, de sorte que l'offre égale tout juste la demande, ce qui engendre des tensions sur le marché - réalise, grâce à la hausse des prix, des excédents budgétaires énormes, et garde ses réserves pour des temps encore meilleurs.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.