Sauver Bear Stearns ? "Une erreur"

Par Jérôme Marin, correspondant de La Tribune à New York.
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Après cinq années passées à la tête de la Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC), l'organisme américain chargé de garantir les dépôts bancaires, Sheila Bair s'en est allée. Son départ aurait pu passer inaperçu alors qu'à Wall Street tous les yeux sont tournés vers la Grèce, l'Italie ou encore vers Washington, où le Congrès négocie un accord sur la dette. Toujours combative au cours de son mandat, cette républicaine nommée en 2006 par George Bush avait cependant décidé de soigner sa sortie. Au cours de sa dernière réunion, elle a tout d'abord obtenu l'adoption d'une règle permettant au gouvernement américain de récupérer, rétroactivement, la rémunération des dirigeants d'établissements financiers jugés responsables de la faillite de leurs sociétés. Une manière de boucler la boucle pour Sheila Bair : avant même le déclenchement de la crise financière, elle n'avait cessé de dénoncer les excès de Wall Street.

L'ancienne patronne de la FDIC s'est ensuite distinguée à l'occasion d'un entretien accordé au New York Times. Elle y attaque notamment Ben Bernanke, le président de la Fed, Henry Paulson, l'ancien secrétaire au Trésor, et son successeur, Timothy Geithner. Coupables, selon elle, de s'être précipités pour renflouer les grandes institutions financières américaines, comme les principales banques et l'assureur AIG, au détriment de l'intérêt des contribuables. "Ils auraient pu être moins généreux, explique-t-elle au sujet de l'ancien numéro un mondial de l'assurance, dans lequel l'Etat a injecté environ 180 milliards de dollars. Je me suis toujours demandé pourquoi aucune contrepartie d'AIG n'a eu à endurer des pertes." Pour Sheila Bair, l'erreur initiale a été de sauver Bear Stearns en mars 2008, six mois avant Lehman Brothers. Au bord de la faillite, la petite banque d'investissement est alors rachetée, avec l'appui des autorités, par JP Morgan. "Si les banques d'affaires prennent trop de risques, elles sont supposées faire faillite", estime-t-elle. Au contraire, cette intervention a donné le mauvais message à Wall Street. "J'étais vraiment surprise quand ils l'ont sauvée. Je ne pouvais pas le croire."

Et de poursuivre : "ils ont toujours considéré que la FDIC ne jouait pas dans la même cour que le Trésor et la Fed. Nous étions donc que très rarement consultés. Ils venaient nous voir après avoir pris leurs décisions pour nous dire "voilà ce que vous devez faire sinon le système va s'écrouler". J'ai entendu ce discours des milliers de fois. Aucune analyse, aucune discussion constructive. Tout cela était vraiment frustrant." Sheila Bair annonce clairement la couleur de la teneur de son prochain livre, annoncé pour l'année prochaine. Intitulé "le Taureau par les cornes : ce que Main Street doit faire pour réparer Wall Street", l'ouvrage livrera une vision personnelle de la crise financière, au plus près de ces décisions controversées. Elle promet notamment d'y aborder "la réticence permanente des régulateurs bancaires à reconnaître pleinement les problèmes substantiels du secteur financier". Cela promet !

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Commentaire 1
à écrit le 14/07/2011 à 11:38
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Un immense bravo avec Sheila Bair, une des très rares personnalités du monde financier à être à la fois honnète et compétente. Je partage pleinement son point de vue, et je suis également très remonté contre les magouilles et les largesses de Bernank...

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