Grèce : casser la spéculation, c'est possible !

Le CDS est l'instrument des spéculateurs. L'Union européenne pourrait intervenir sur ce marché, ce qui reviendrait à une garantie de dette, avec les mêmes effets que la création d'une euro-obligation mais en beaucoup moins coûteux.
Copyright Reuters

Les pays de la zone euro se sont mis d'accord sur un nouveau plan d'aide à la Grèce. Ce plan, de même que les précédents, n'a qu'un seul objectif : rassurer les marchés. Car la crise actuelle n'est pas tant celle de la Grèce que celle d'une attaque spéculative contre les éléments les plus faibles de l'Union européenne (UE). Et cette attaque a une arme : les CDS (« credit default swap »). Cet instrument financier est en principe un produit d'assurance : vous achetez de la protection parce que vous détenez de la dette. Mais rien ne vous y oblige et, si un investisseur ne détient pas de dette grecque, il parie simplement sur un défaut. Si beaucoup de spéculateurs achètent de la protection, son prix augmente. L'intérêt réside donc à ce que d'autres spéculateurs fassent de même : plus il y a d'acheteurs, plus le prix monte. La prime du CDS est par ailleurs liée au taux d'intérêt payé par la dette grecque. À mesure que le prix des CDS augmente, il en est de même pour les taux des obligations grecques. Il s'agit bien d'un mécanisme autoréalisateur : plus il y a de spéculateurs qui mettent en place cette stratégie, plus elle a de chances d'aboutir.

Les plans d'aides successifs accordés aux pays en difficulté, la Grèce en tête, n'ont ainsi pas réussi à casser la spéculation. L'argent débloqué sert à rembourser les créanciers privés qui ne souhaitent plus prêter : l'argent public (UE et FMI) se substitue donc à l'argent privé. L'idée était d'éviter à tout prix un défaut de la Grèce, qui donnerait raison aux spéculateurs et encouragerait une attaque sur un autre pays très endetté, comme l'Italie.

La spécificité du plan actuel est qu'il prévoit un défaut partiel de la dette grecque. L'idée est d'engager une restructuration volontaire de la dette qui ne constituerait pas un événement de crédit : une solution idéale, qui permettrait de renflouer la Grèce, mais difficile à mettre en oeuvre. Et qui n'a pas fait plier les spéculateurs : l'annonce a permis de faire baisser le prix des CDS sur la dette grecque, mais il reste à un niveau très élevé, car le marché parie toujours sur un défaut.

La clé du problème repose sur quelque chose sur lequel les politiques n'ont a priori pas de prise : les anticipations autoréalisatrices. Si on parvenait donc à convaincre les spéculateurs que le défaut est impossible, le volet financier de la crise disparaîtrait. Cela ne signifie pas que le problème de solvabilité de la Grèce serait réglé pour autant. La Grèce devrait poursuivre les réformes engagées avec le soutien de l'UE. Mais, elle pourrait refaire appel à l'emprunt privé et disposer de temps pour se redresser. C'est en somme ce que proposent les partisans des obligations européennes : pouvoir de nouveau faire appel au marché pour se financer à un taux raisonnable. Le problème d'une telle mesure est qu'elle augmenterait le taux d'emprunt des autres pays européens participant à ce programme, tout en les obligeant, de fait, à garantir la dette grecque.

À défaut d'une vraie solidarité, l'UE pourrait montrer aux marchés qu'ils ne l'effraient pas, et faire front. En pariant contre les spéculateurs. Imaginons que les pays de l'UE annoncent qu'ils vont intervenir sur le marché des CDS et vendre de la protection à qui est prêt à en acheter. Si l'UE décide de vendre de la protection à un horizon de cinq ans, sachant qu'elle a parfaitement les moyens de maintenir à flot la Grèce pendant cette période, la valeur du CDS s'effondrerait immédiatement. Pendant cinq ans, il ne serait donc pas plus risqué de prêter à la Grèce qu'à n'importe quel autre pays de l'UE. Certains spéculateurs chercheraient peut-être à tester la résolution des Européens et il apparaîtrait très vite que celle-ci a la taille nécessaire pour faire plier le marché.

Que se passerait-il alors ? La valeur des CDS chuterait jusqu'à ce que, effectivement, le fait de prêter à la Grèce (en achetant de la protection) ne soit pas plus risqué que de prêter à un autre pays. Cela reviendrait donc au même qu'une garantie de la dette, ou la création d'obligations européennes, sans avoir à le faire formellement. Le simple fait de vendre de la protection sur la dette constituerait un signal crédible qu'elle est prête à soutenir la Grèce à tout prix. Certains acteurs souhaiteront sans doute lui acheter la protection : tant mieux, ils paieront une assurance aux pays de l'UE, paiement qui diminuera d'autant plus le coût de l'aide à la Grèce. Cette stratégie est donc proche, dans ses effets, de l'émission d'obligations européennes, en étant moins coûteuse. Elle permettrait surtout de casser la spéculation. Ce qui annulerait tout risque, tant redouté, de contagion... et provoquerait des pertes importantes parmi les spéculateurs.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaire 0

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

Il n'y a actuellement aucun commentaire concernant cet article.
Soyez le premier à donner votre avis !

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.