Les algues vertes, ou l'urgence d'une transition économique des territoires

Par Nicolas Imbert, directeur de Green Cross France et Territoires.
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Les marées d'algues vertes en Bretagne Nord ont défrayé la chronique estivale. Le mal est profond : chaque année, il faut évacuer des dizaines de milliers de tonnes d'algues vertes pour assurer la sérénité des estivants. Cette semaine encore, la baie des Trépassés et le Cap Sizun voient arriver de nouvelles algues, encouragées par la conjonction de deux phénomènes : grandes marées et beau temps.

Ce problème perturbe la vie courante et ne peut nous laisser indifférents : impact sur le tourisme et sur l'image de la Bretagne, difficultés pour la pêche et la valorisation des produits de la mer et remise en question de la confiance portée par les citoyens à leur modèle sanitaire, agricole et économique. Voilà plus de vingt ans que les lanceurs d'alertes ont révélé les enjeux liés à ce problème. Jusqu'à maintenant, seules des actions ponctuelles ont tenté d'en atténuer les symptômes, sans remédier à la cause. Mais, au-delà des mesures techniques, c'est d'un véritable projet de territoire dont la Bretagne a besoin et qui nécessite mobilisation, moyens et consensus.

La filière agricole, porcine notamment, tente de se positionner dans une course en avant effrénée, pour laquelle la seule variable d'ajustement consiste à augmenter la pression sur l'environnement et le besoin de subvention tout en demandant des dérogations sociales. Le gouvernement a appuyé cette course en avant, en autorisant coup sur coup l'augmentation de taille des exploitations, des surfaces d'épandage et des charges à l'essieu. Les agriculteurs n'ont pas souhaité ce modèle. Ils ont appliqué une politique centralisée donnant un rôle productif exacerbé à la Bretagne pour  nourrir la France.

Pourtant, un autre projet de territoire existe, et il porte à la fois un mieux-être économique, écologique et social. En infléchissant la production porcine pour une production plus focalisée sur la qualité que sur la quantité, il est possible d'améliorer à la fois le revenu des agriculteurs, la qualité sanitaire des produits et la préservation de l'environnement. Cela génère également plus de production d'aliments à proximité des exploitations.

Une polyculture de proximité, associée à de petites installations porcines, que ce soit en élevage bio ou de manière élargie par un approvisionnement en aliment local, diminuera fortement la pression sur les sols. L'agriculteur, qui vendra mieux une production de qualité, pourra également diversifier ses revenus par la production d'énergie à partir de la biomasse et les coproduits issus du traitement des lisiers par des procédés organiques. En transformant les produits près du lieu de fabrication, on propose alors à la filière alimentaire une transformation douce et sereine.

En parallèle, les agences de l'eau peuvent sanctuariser les points de captage en établissant des contrats de performance cofinançant la transition vers une agriculture biologique des agriculteurs à proximité des captages. Et ce, en permettant via des sols organiques régénérés de limiter les proliférations d'algues vertes en cas d'intempérie, par réduction de la criticité du ruissellement.

Que manque-t-il pour mettre en place cette transition ? L'effort financier global pour permettre le changement de modèle n'est pas discriminant ; la somme des subsides nécessaires pour dépolluer les eaux, traiter les effluents, nettoyer les plages et subventionner des produits agricoles vendus à prix cassés permet largement, si elle est investie sur trois ans au lieu d'être dispersée de manière curative, de financer cette transition. Et ce, en créant de l'emploi et un projet de territoire.

Peut-on continuer à agir de manière ponctuelle face à cette crise systémique ? Nous pensons que non et qu'il y a urgence à mobiliser l'ensemble des acteurs et à créer dès maintenant un projet de transition écologique en Bretagne Nord.

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Commentaires 2
à écrit le 09/09/2011 à 12:12
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Il faut arrêter les élevages industriels, revenir à une agriculture raisonnée et raisonnable. Pour cela, les français doivent modifier leurs habitudes alimentaires de manière à manger peu de viandes et pas de viande rouge néfaste pour la santé. Lire ...

à écrit le 07/09/2011 à 15:19
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Triste première en baie des Trépassés... Sur décision du maire de Plogoff, Maurice Lemaître, la société Guenneau a procédé, Vendredi 02/09/2011, à l?évacuation d?algues vertes sur la plage de la baie. Algues vertes : 300 tonnes prélevées dans la jour...

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