La réduction des dettes d'Etat passe (aussi) par l'inflation

Par Etienne Pourny, président de Stelphia AM.
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Depuis la fin des années 1990, les pays développés sont entrés dans une phase de détérioration durable de leurs finances publiques. À la veille de la crise financière de 2008, celles-ci étaient dans une situation déjà tendue, qui n'a fait que s'aggraver par la suite. La suite est bien connue même si l'on a observé, au sein des pays développés, une trajectoire un peu différente dans les pays anglo-saxons et en Europe continentale. Les États-Unis et le Royaume-Uni ont en effet bénéficié de deux éléments : le recyclage des réserves de change des pays émergents en bons du Trésor et la mise en oeuvre de politiques non conventionnelles (rachats d'obligations souveraines) par la Réserve fédérale et la Banque d'Angleterre.

L'Europe continentale s'est différenciée sur ce point. D'un côté, l'union monétaire n'a pas empêché une attaque en règle des titres souverains des pays les plus faibles au sein de la zone euro. Ensuite, la BCE, respectant l'orthodoxie héritée de la Bundesbank, s'est longtemps abstenue d'intervenir en rachetant des obligations souveraines, afin de se prémunir contre l'aléa moral qui consiste à prêter aux pays les moins vertueux. La crise des spreads et les aides aux pays en difficulté qui en résultent, suggèrent une réponse par la mise en oeuvre de politiques d'austérité plus ou moins sévères selon les cas.

Les États disposent de beaucoup de temps pour régler leurs problèmes budgétaires. Et la politique monétaire est susceptible de faire varier le taux d'inflation, contribuant à l'amélioration du ratio dette sur PIB. L'histoire est riche d'enseignements sur ce plan. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, le ratio dette sur PIB de la Grande-Bretagne atteignait environ 250 %. En une cinquantaine d'années, le pays a profité d'un taux de croissance économique annuel moyen de 2,5 % et surtout d'une inflation de 6 %, lui permettant de ramener son taux d'endettement à environ 40 % en 2000. Ce qui est possible pour un État (générer de l'inflation et lever des impôts) ne l'est pas pour une entreprise ou un ménage.

Le cas américain est également une source d'enseignement. En 1946, le taux d'endettement des États-Unis atteint 125 %. En 2003, il n'était plus que de 36 %. Pourtant, durant cette période, le budget fédéral était en moyenne déficitaire, à hauteur de 1,6 % du PIB. La réduction des déficits n'est pas venue de la réalisation d'un excédent budgétaire, mais bien d'une croissance nominale élevée. En moyenne, depuis l'après-guerre, les États-Unis ont bénéficié d'une croissance réelle de 3,6 % et d'un taux d'inflation moyen de 3,8 %. L'inflation a été le principal moteur de désendettement des États-Unis, depuis l'après-guerre jusqu'au début des années 2000.

L'Europe saura-t-elle tirer un enseignement de ces expériences ?

 

La morale de ces histoires montre qu'engager des plans d'austérité trop drastiques peut s'avérer contre-productif. Faire des économies et ne pas vivre au-dessus de ses moyens sont des objectifs totalement légitimes. Étudier les moyens utilisables pour faire monter le taux d'inflation est sans doute également nécessaire. Le dénominateur du ratio dette sur PIB doit augmenter suffisamment pour ne pas mettre en péril la résorption de la dette. La zone euro souffrant d'une croissance potentielle basse (autour de 1,5 %), la dette publique de l'ensemble de la zone ne se fera pas aisément sans une inflation plus élevée.

Dans le cas des États-Unis, certains économistes ont préconisé de fixer un objectif d'inflation compris entre 4 % et 6 %. Si l'Europe ne change pas de doctrine économique (en abandonnant l'objectif de 2 % d'inflation de la BCE), on risque de voir s'opérer une dichotomie profonde au sein des pays développés, entre ceux qui savent et sont prêts à générer plus d'inflation, et ceux qui s'enferment dans l'excès d'austérité (qui serait une menace pour tous leurs partenaires commerciaux). C'est le sens des messages adressés récemment par Barack Obama et Tim Geithner aux dirigeants européens.

Pour l'instant, c'est la BCE qui traite le problème de spread de la zone euro par ses achats de dette souveraine (italienne notamment). Celui-ci ne trouvera sans doute de réponse définitive qu'avec la création d'une agence de la dette qui émette des titres pour les pays de la zone (eurobonds).

Au-delà, l'objectif d'inflation de la BCE devra faire l'objet d'une réflexion car 2 % est un niveau trop bas. Les étapes à franchir sont très importantes, et c'est seulement sur le très long terme que les problèmes pourront être vraiment résolus.

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