Réguler la télévision payante : l'exemple britannique

Par Frédérick Amiel, avocat à la cour (Mayer Brown).
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Au moment où l'Autorité de la concurrence française vient de retirer la décision d'autorisation du rachat de TPS par Canal Plus et où ce dernier va être obligé de le notifier à nouveau, la question de la bonne régulation du secteur de la télévision payante se pose avec acuité. Faut-il imposer à Canal Plus les mêmes engagements qu'en 2006 ou profiter de cette renotification pour en imposer de nouveaux ? Dans sa recherche, l'Autorité de la concurrence pourrait s'inspirer de l'expérience britannique.

Comme en France, le paysage anglais de la télévision payante est articulé autour d'un acteur dominant, BSkyB, dont le principal actionnaire est le groupe News Corp. de Rupert Murdoch, et d'un certain nombre de concurrents, comme le câblo-opérateur Virgin et l'opérateur de télécommunications British Telecom. En 2009, l'Ofcom, le gendarme britannique de l'audiovisuel et des télécoms, avait obligé BSkyB à mettre à la disposition de tous les distributeurs ses propres chaînes sport et cinéma : Sky Sports... Cette injonction reposait sur le constat que les offres concurrentes de BSkyB n'étaient pas assez concurrentielles. Rappelons qu'en France l'Autorité de la concurrence avait, lors de l'examen du rachat de TPS par Canal Plus, refusé d'imposer une telle obligation, estimant que Canal Plus devait tirer les bénéfices de ses risques industriels. Deux années plus tard, la Competition Commission, l'un des gendarmes de la concurrence britanniques, livre une analyse implacable. Elle relève que BSkyB détient depuis vingt ans les droits de diffusion des films de l'ensemble des majors hollywoodiennes et de certains studios américains. Or ces films s'avèrent essentiels pour créer des chaînes payantes attractives et, par voie de conséquence, constituer des bouquets de chaînes payantes concurrentiels. Cette situation apparaît actuellement difficilement réversible, puisque BSkyB possède une base de plus de 10 millions d'abonnés.

Aussi BSkyB peut-il investir des sommes importantes dans l'acquisition de films, ayant la certitude de les amortir. À l'inverse, ses concurrents ne peuvent se permettre des achats d'un montant aussi élevé, sauf à prendre des risques économiques démesurés. La Competition Commission estime que la situation actuelle a trois conséquences dommageables pour le consommateur. Tout d'abord, les prix d'abonnement à BSkyB sont élevés en raison de l'absence de toute véritable concurrence. Ensuite, les innovations sont peu nombreuses, comme tend à le démontrer le développement limité des services de vidéo à la demande. Enfin, l'offre se révèle actuellement peu étoffée. La Competition Commission considère que la position dominante de BSkyB ne sera pas contestée à moyen terme, malgré l'arrivée de nouveaux acteurs (opérateurs de l'Internet...) et la commercialisation de nouveaux modes de consommation (télévision de rattrapage...). Elle propose donc d'imposer deux obligations à BSkyB. D'une part, limiter le nombre de majors auprès desquelles BSkyB pourra acheter les droits de diffusion de films payants. D'autre part, quand BSkyB a obtenu l'ensemble des droits de diffusion des films en exclusivité, elle devra partager les droits en vidéo à la demande avec ses concurrents, afin de permettre l'apparition de nouveaux services.

Cette analyse diverge de celle de l'Autorité de la concurrence française. En effet, dans son avis de 2006 relatif au rachat de TPS par Canal Plus, le gendarme de la concurrence avait envisagé les différents modèles industriels pouvant être adoptés par les acteurs de la télévision payante. Elle avait estimé qu'il ne serait pas pertinent que deux ou plusieurs acteurs détiennent l'ensemble des droits de diffusion des films, des séries ou des sports les plus attractifs. En effet, ces droits seraient alors éclatés entre les différentes offres. Dès lors, les consommateurs seraient dans l'obligation de s'abonner à l'ensemble des bouquets pour accéder aux programmes les plus intéressants. Or la Competition Commission parvient à la conclusion inverse, puisqu'elle semble se diriger vers la remise en cause de la situation actuelle, à savoir la détention par un unique acteur des droits payants des films les plus attractifs. Rappelons qu'en France, lors du rachat de TPS, Bercy avait accepté un engagement moins sévère, selon lequel Canal Plus limitait seulement à trois années la durée de ses contrats avec les majors américaines.

La Commission européenne avait déjà tenté de réserver une partie des droits au profit de la concurrence, cette fois dans le football. Une décision peu opérante. Certes, un concurrent irlandais, la société Sétanta, était entrée sur le marché. Mais elle a fait faillite quelques années plus tard, n'ayant pas réussi à amortir le coût d'acquisition des droits de diffusion des matchs de football.

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