Grèce : réaffirmer le primat du politique

Avec le plan Eureca révélé par La Tribune le 28 septembre, la Grèce et l'Europe ont une occasion d'apporter une réponse politique durable à la crise de l'euro, en coupant court à la spéculation sur un défaut souverain. Le FESF ne peut à lui seul résoudre l'équation.
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Après des mois de tergiversations infructueuses sur fond de crise généralisée et de défaites électorales, les gouvernants de l'Eurozone tournent toujours en rond sur la question grecque. Aujourd'hui, nous le savons tous, la gouvernance politique et bancaire européenne doit s'éloigner de toutes les solutions de facilité d'outre-Manche ou d'outre-Atlantique pour enfin prendre le taureau de la réforme par les cornes.

En ce quatrième trimestre, un défaut grec, même partiel, même avec le soutien du Fonds européen de stabilité financière - que certains comme la Slovaquie souhaitent déjà renégocier - ou même avec un FESF transformé en Fonds monétaire européen, sonnerait immanquablement le glas de la puissance financière transatlantique. Non, il ne faut pas prendre sa perte, comme l'a recommandé l'ex-directeur général du FMI, Dominique Strauss-Kahn ! Abandonner tout comme ne pas choisir serait suicidaire.

Au-delà des soucis bien réels et chiffrables tels que l'exposition des banques européennes aux dettes souveraines en difficulté (120 milliards d'euros pour SocGen, BNPP et Crédit Agricole), et sur l'économie réelle (480 milliards d'euros), l'inquiétude ultime sur les banques réside sur les actifs hors bilan et hors cote tels les "credit default swaps" (CDS) dont bien malin serait l'auditeur capable de précisément déchiffrer les montants dus par qui et à quel endroit.

Il est évident qu'en réponse aux contractions de 2008, elles ont toutes eu massivement recours aux dérivés pour se renflouer rapidement. Dans l'attente des chambres de compensation capables d'identifier et surveiller les principaux acteurs de ce marché, la question n'est pas de savoir si les banques européennes ont émis des CDS sur les dettes souveraines, des entreprises, ou des concurrents, mais quelle est leur exposition.

Dès lors, si les conséquences directes d'un défaut grec même partiel paraissent acceptables, elles cachent la forêt d'incommensurables conséquences indirectes à commencer par le déclenchement des CDS, lequel est incontrôlable. Combien de dizaines d'établissements pourraient se retrouver dans la même sombre spirale qu'AIG le 15 septembre 2008, contraint de payer des dizaines de milliards de garantie sur les CDS de Lehman Brothers, qu'AIG avait émis en pensant Lehman trop grosse pour faillir ? Le défaut n'étant donc pas une option et l'austérité étant bien trop coûteuse socialement et politiquement, la mise sous tutelle de la Grèce est-elle viable ?

Tenté de répondre oui, il me faut pondérer mon propos en considérant le coût psychologique d'une mise sous tutelle à l'endroit du peuple grec. En effet quel peuple au monde pourrait accepter sans sourciller l'abandon de sa souveraineté pour des raisons financières ? Bien sûr, le coup de massue conduirait à une prise de conscience, mais celle-ci serait contre-productive, faisant la part belle aux réponses violentes plutôt qu'au civisme.

Eureca, le plan proposé par Roland Berger au gouvernement allemand, et actuellement à l'étude, solutionnerait ces impasses. En effet, la holdingisation des actifs publics grecs en une structure rachetée par une institution financée par l'Eurozone permettrait de dégager plus de 100 milliards d'euros utilisables instantanément par le gouvernement Papandréou pour racheter sa dette auprès de la BCE et du FESF. Cette institution eurozonienne, par la restructuration et la privatisation des actifs, réinjecterait les milliards nécessaires à un retour quasi immédiat de la croissance dans une Grèce structurellement réformée.

Cette solution gagnant-gagnant aura pour mérite de mettre un terme durable aux attaques des marchés sur la Grèce en tuant les générateurs de volatilité financière que sont l'indécision politique, les mesures classiques d'austérité et le flou sur l'avenir.

De plus, tout en faisant chuter mécaniquement les CDS des autres pays en difficulté, Eureca couplé au FE SF permettrait de définitivement couper court aux envies d'attaques directes en réaffirmant le primat du politique sur l'économie. En d'autres termes, c'est la combinaison d'Eureca et du FESF (sans même parler d'une taxe Tobin à l'échelle de l'Union) qui sauvera l'euro et la croissance mondiale, pas le FESF seul.

Quant à l'inenvisageable retour à la drachme, comme le suggère l'intelligentsia new-yorkaise à travers Nouriel Roubini, si Wall Street et la City ont beaucoup gagné sur le dos de l'euro en jouant avec le feu, pariant que jamais l'Eurozone n'abandonnerait Athènes, qui sait ce qu'elles pourraient perdre du jour au lendemain si elles poussaient le vice trop loin en provoquant l'éclatement monétaire, économique et sociopolitique de l'Union ?

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Commentaires 2
à écrit le 06/10/2011 à 14:53
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Ce projet est tout simplement la colonisation maquillée de la Grèce. C'est un faux bon plan qui ne résoudra rien et spoliera le peuple grec des ressources disponibles aux profits des pays prêteurs. C'est une pratique usurière! Comment et de quel dro...

à écrit le 05/10/2011 à 12:43
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Ce point de vue relève en tous points du bon sens, comment se fait-il que ce plan d'aide à la Grèce ne soit pas plus médiatisé, voire matraqué et surtout: mis en place!?

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