Les brevets, puissants créateurs de valeur

Si guerre des brevets il y a, c'est parce que leur possession apparaît plus que jamais comme créatrice de valeur. Ils ont à la fois une valeur défensive, ils dopent la valeur de l'entreprise, comme on le voit avec la hausse des cours boursiers et ont bien sûr une valeur stratégique. La guerre des brevets va s'étendre à de nouveaux secteurs.
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A la vue du nombre de transactions et d'enchères de brevets cet été, ainsi que des montants investis pour leur acquisition, il sera à l'avenir difficile de penser que les brevets ne sont pas un élément stratégique d'entreprise, voire un des biens les plus importants à acquérir et à défendre. A moins de penser que les patrons de Microsoft, Apple, Google et consorts, principaux acquéreurs de cet été, ne soient dénués du moindre bon sens...

Quatre facettes de la création de valeur par le brevet ont été mises en exergue.

- La valeur défensive du brevet : Google, après avoir perdu la première manche de l'été portant sur la mise en vente des 6.000 brevets de la société Nortel, a réagi très rapidement en achetant 1.000 + 1.000 brevets à IBM et en faisant une offre d'achat sur l'activité Motorola Mobility Holdings et ses nombreux brevets pour un montant de 12,5 milliards de dollars. Ses objectifs sont de soutenir la libre exploitation de son système Android et de se préparer un stock de brevets en prévision de possibles opérations de "cross-licensing" (1).

- La valeur d'entreprise que confère le brevet : il semble évident que les investisseurs ont pleinement pris conscience de la valeur que confère le brevet à une entreprise. Cette prise de conscience se réalise alors que bon nombre de comités exécutifs n'ont pas encore su, ou pu, implémenter les bonnes décisions en termes de stratégie brevet. Exemples : Kodak a vu sa valeur boursière monter de plus de 20% après avoir annoncé la mise en vente de 10% de son portefeuille de brevets. Kodak en difficulté espère ainsi redresser en partie ses résultats.

Nokia bénéficiant du projet d'acquisition par Google du groupe Motorola Mobility Holdings a vu sa valeur boursière augmenter de 8%. Les détenteurs de titres Nokia estiment que la quantité et la qualité des brevets détenus par Nokia impactent fortement sa valeur.

Les investisseurs serviront-ils d'aiguillon pour accélérer le déploiement de véritables stratégies en matière de brevets ? Très probablement.

- La valeur stratégique du brevet du point de vue marché : Apple, pour conserver un prix haut de gamme pour ses tablettes, maintenir ses parts de marché et renforcer son positionnement en matière de brevets sur les technologies futures de communication, a gagné, à la tête d'un consortium, les enchères portant sur les brevets Nortel pour un montant total de 4,5 milliards de dollars. Apple est décidé à faire le ménage sur le marché des tablettes à partir de son portefeuille de brevets.

- La valeur "haut de bilan" du brevet : les nombreux procès en contrefaçon se chiffrent régulièrement à plusieurs centaines de millions de dollars en dommages et intérêts, idem pour les revenus liés aux licences (Microsoft gagnerait aujourd'hui plus d'argent en licenciant ses brevets couvrant la technologie Android qu'en commercialisant son propre système Windows Phone). Les licences sont aujourd'hui le principal centre de coût des appareils mobiles. Centre de coût pour certains, centre de profit pour d'autres...

Certains chercheront probablement encore à se dérober en précisant qu'il s'agit d'un domaine technologique bien loin de leurs propres activités. Ce serait oublier que les grands acteurs historiques des NTIC avaient dans le passé coutume de vivre sous le principe du "cross-licensing" (principe de la guerre froide) dans une tranquillité toute relative. Cela avant que les "Patent-Trolls" (2) n'interviennent dans l'arène, bousculent les règles du jeu et justifient l'émergence de nouveaux modèles économiques pour aider ces entreprises à affronter ces nouvelles menaces. Et voici qu'actuellement les grands d'Internet et du mobile arrivent avec grand bruit en perturbant un écosystème de brevets qui semblait vouloir se stabiliser. Ils ont pris leurs destinées en main en intervenant directement sur les transactions pour compenser leurs manques de brevets et établir les rapports de force d'aujourd'hui et de demain.

N'oublions pas que les marchés d'avenir, comme les "smart grid" et "smart building", les énergies renouvelables, les technologies de l'information et de la communication, la santé, les véhicules électriques, intéressent fortement ces "big techs". Les stratégies brevets qu'ils mettent en oeuvre aujourd'hui seront très probablement déployées sur ces futurs marchés. Avec comme avantage majeur une expérience en stratégies brevets que n'auront pas les sociétés traditionnelles présentes sur ces marchés. Ajoutons à cela la montée en puissance de la Chine en nombre de brevets...

(1) "Cross-licensing" : contrat liant deux parties ou plus et régissant l'échange et/ou la cession de droits de propriété intellectuelle entre les parties.

(2) "Patent-troll" : individu ou société cherchant à licencier de manière agressive un brevet qu'il n'a pas l'intention d'exploiter.

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