Le "cloud computing", opportunité pour l'État ?

Par Olivier Silberzahn EMC(*), secteur public Europe-Moyen-Orient-Afrique
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Après avoir balayé le monde des entreprises, la vague du « cloud » atteint l'État. Les principaux acteurs concernés ont pris la mesure du phénomène : investissement financier en faveur du « cloud » via le grand emprunt, création d'une « direction interministérielle des systèmes d'information et de communication » visant à mutualiser les moyens de l'État, mission du CGIET mandatée par le Premier ministre... et industriels qui fourbissent leurs armes : projet Andromède, initiatives de Microsoft-Atos ou de Capgemini-EMC...

Avec le « cloud », l'informatique n'est plus présentée sous forme de produits, mais comme un catalogue de services, fournis via un réseau et facturés à l'usage, ce qui permet aux clients de substituer aux investissements des dépenses de fonctionnement. Dans la sphère publique, l'opération n'est pas forcément rentable. D'une part, « variabiliser » les coûts a peu d'intérêt, car l'activité y est souvent stable ou prédictible et, d'autre part, le coût de l'argent est (en principe !) moins élevé pour un gouvernement que pour un industriel. Faire financer l'investissement informatique par son fournisseur, et le payer à l'usage, peut revenir plus cher que d'emprunter sur le marché pour acquérir.

Pourtant, une nouvelle technologie change la donne : la « virtualisation », qui est au coeur du succès du « cloud ». Avec une idée maîtresse : toute ressource physique (processeur, stockage, réseau...) est vue à travers une couche logicielle permettant de multiplier des ressources virtuelles présentant des caractéristiques similaires. Ainsi, le fournisseur de service « cloud » vendra des machines virtuelles, vues comme des machines physiques, alors qu'une seule machine physique suffit à héberger dix machines virtuelles.

La virtualisation permet donc la consolidation et la réduction drastique des ressources physiques, ce qui diminue d'autant leur coût d'achat, mais aussi et surtout leur coût de fonctionnement : mètres carrés, refroidissement, énergie, support : là où un administrateur gérait 100 machines physiques, il gérera désormais 1.000 machines virtuelles. Cette baisse des coûts produit un bénéfice immédiat, partagé entre le fournisseur et son client.

Cependant, de plus en plus d'organismes se rendent compte qu'ils peuvent bénéficier des avantages du « cloud » tout en gardant le contrôle de leur informatique. Ils évitent ainsi, pour des raisons politiques, légales, concurrentielles ou sécuritaires que leurs informations se promènent quelque part dans les nuages entre Redmond, Cork et Mumbai, et se donnent les moyens de garantir un niveau de service adéquat à leurs utilisateurs.

Ainsi émerge la notion de « cloud privé », par opposition au « cloud public » ouvert à tous, dont le principe est de mettre en oeuvre les technologies du « cloud » à l'intérieur même, et sous le contrôle de l'organisation.

Un modèle intermédiaire se dégage également dans le secteur public, le « cloud communautaire » : ni public ni privé, mais partagé par une communauté d'acteurs non concurrents, ayant des objectifs et des exigences de service similaires, des informations à partager... et qui décident de mutualiser leurs moyens : « cloud santé », consolidant imagerie médicale ou dossiers patients, « cloud territorial » pour les collectivités locales, etc. Typiquement, les directions informatiques planifient une première phase de virtualisation et de consolidation, réalisant immédiatement de substantielles économies, suivies d'une véritable évolution vers le « cloud », en distinguant deux types d'éléments : les moins sensibles, susceptibles de migrer vers un « cloud public », et les plus sensibles, qui ont vocation à migrer vers un « cloud privé » ou communautaire. On aboutit ainsi à une cohabitation entre « cloud public et privé », appelée « cloud hybride ».

À plus long terme, certains États envisagent la création d'un « cloud gouvernemental » mutualisant l'ensemble des moyens informatiques de l'État - voire des collectivités territoriales. Se posent alors d'épineux problèmes de gouvernance, de responsabilité et d'affectation des coûts. Une forte impulsion, venant du plus haut niveau politique, est nécessaire, et une attitude diplomatique est recommandée ! On pourra procéder de bas en haut, et commencer par fédérer les « couches basses », peu visibles, infrastructures ou applications techniques (sauvegarde, archivage, messagerie...), avant de s'attaquer à des domaines plus sensibles, comme les applications métiers ou les systèmes de gestion de ressources humaines, plus difficiles à mutualiser car de nature moins consensuelle. La route vers le « cloud » semble longue et semée d'embûches, mais elle vaut la peine d'être parcourue car c'est probablement la seule qui permette à l'informatique étatique de concilier les efforts budgétaires substantiels qu'exige l'état de nos finances publiques avec le maintien et le développement des services que nos citoyens attendent d'elle.

(*) EMC est une entreprise spécialisée dans les systèmes de stockage et solutions associées.

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Commentaire 1
à écrit le 28/10/2011 à 12:46
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Le cloud computing : ne serait-ce pas, petit à petit, le retour au main frame d'il y a 30 ans (en plus moderne) ?!

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