Valls à trois temps

Le nouveau Premier ministre a fait entendre mardi aux députés un air à trois temps. Temps 1 : apaiser la majorité en remettant la croissance au centre de la politique économique ; temps 2 : poursuivre sans que la main ne tremble le redressement du pays ; temps 3 : ouvrir le grand chantier de la réforme territoriale. Décryptage d'une nouvelle étape politique.
Philippe Mabille

François Hollande a demandé à Manuel Valls de « faire du Manuel Valls ». En clair, de répondre au vote de défiance des électeurs par un discours de remobilisation nationale, en capitalisant sur la popularité acquise par le ministre de l'Intérieur en 22 mois place Beauvau. De ce point de vue, le nouveau Premier ministre s'est acquitté de cette mission, imprimant un nouveau style, tout en collant à la « feuille de route » que lui a assigné le chef de l'Etat.

En 47 minutes d'un discours concret et compact, Manuel Valls a fait entendre une valse à trois temps aux députés, pour impulser une "nouvelle étape" au quinquennat sur un rythme qui devra nécessairement aller crescendo, ma non troppo.

. Premier temps de la valse, rassurer la majorité agitée de tensions et auprès de laquelle celui qui n'a fait que 6% des voix aux Primaires socialistes en 2011 va devoir conquérir une légitimité qui ne lui vient aujourd'hui que de sa bonne image dans l'opinion et du choix du président de la République de le nommer à Matignon. Pour apaiser des députés socialistes tentés par la fronde, Manuel Valls a d'abord adressé des signaux à gauche. Le pacte de solidarité, bien sûr, qui va permettre de redistribuer 5 milliards d'euros vers les catégories populaires et la France qui "souffre et désespère" par laquelle il a commencé son discours. Soit l'équivalent de 500 euros par an de plus au niveau du Smic. Mais aussi en remettant la croissance au cœur de la politique économique, par un aménagement du calendrier de réduction des déficits qui reste à avaliser par Bruxelles. Toujours pour plaire à la majorité, il a dénoncé l'euro trop fort et la politique monétaire de la Banque centrale européenne, et politisé les élections européennes du 25 mai autour de cette réorientation de l'Europe. Ce premier temps donnera à Manuel Valls, qui a bien sûr obtenu le vote de confiance de l'Assemblée nationale, les moyens de gouverner sans devoir affronter en permanence une opposition au sein de la majorité qu'il est désormais chargé de conduire.

. Deuxième temps de la valse, le Premier ministre a aussi mis la majorité au pied du mur sur la nécessité d'affronter la réalité de finances publiques toujours très dégradée. Le tryptique qui encadre le discours de politique générale est sans ambigüité : "vérité, efficacité, confiance", c'est dans cet ordre là que Valls veut agir. Il faut donc poursuivre le redressement du pays en mettant en œuvre les baisses de charges et d'impôts à destination des entreprises, et en poursuivant sans mollir le programme de 50 milliards d'euros d'économies. Ce deuxième temps occupera le temps politique pour les trois derniers budgets du quinquennat, de 2015 a 2017. Le cap est inchangé : la politique de l'emploi repose plus que jamais sur un pacte de confiance entre l'État et les entreprises, avec un choix clair en faveur des bas salaires sur lesquels seront concentrés l'essentiel de la baisse des charges patronales. Et, si le Medef a protesté pour la forme en s'étonnant que le calendrier du pacte de responsabilité soit étalé sur 2015 et 2016, il n'en reste pas moins que l'effort à destination des entreprises, y compris la baisse des impôts, est spectaculaire : Avec les 20 milliards du CICE, ce sont 35 milliards d'euros de baisse des prélèvements obligatoires qui y seront consacrés en année pleine à partir de 2016. Et la promesse de supprimer la C3S sur trois ans et de ramener le taux de l'impôt sur les sociétés de 38% à 28% en 2020 apporte une visibilité inédite dans un pays qui vient de subir depuis 2011 un choc fiscal sans précédent. Pas mal pour un gouvernement de gauche...

Et, même si le détail des 50 milliards d'euros d'économies reste encore dans le flou, la répartition à raison de 19 milliards pour l'Etat, une vingtaine sur la protection sociale (dont 10 milliards sur la seule assurance-maladie) et 10 milliards sur les collectivités locales affiche clairement la couleur : les prochaines lois de finances seront marquées encore et toujours par le sceau de la rigueur. C'est d'ailleurs avec la présentation du budget 2015 cet automne que les ennuis de Manuel Valls risquent de vraiment commencer.

. Le troisième temps de la valse a conduit le Premier ministre à prendre date pour l'avenir, en se positionnant en modernisateur. Certes évoqué à plusieurs reprise par François Hollande, l'annonce d'un big bang territorial qui conduira à mettre fin à la clause de compétence générale qui permet à toute collectivité locale de tout faire et à réorganiser le millefeuille local, autour d'une dizaine de régions au lieu de 22 dés 2017 et d'intercommunalités plus puissantes, donne un signal inédit sur la volonté de Manuel Valls de mener à bien une grande réforme de structure. Et quoi qu'on en pense, on ne peut que juger courageuse l'annonce de la suppression des conseils généraux, donc de l'échelon administratif du département, à l'horizon 2021. Ce n'est évidemment pas la réforme la plus facile à annoncer devant des députés cumulards qui viennent pour certains de subir une lourde défaite aux élections locales. La mener à bien demandera du doigté politique et de l'autorité. Souvent présenté en homme pressé et comparé pour cela à Nicolas Sarkozy, Manuel Valls signe ici son souci de prendre son temps pour attacher son nom à une réforme que personne avant lui n'avait engagé.

La chance de Manuel Valls est d'arriver à Matignon au bon moment, parce que la France est au pied du mur et placée sous le regard impatient de l'Europe. Aussi peut-être parce que le plus dur est passé sur le plan économique avec de premiers feux de reprise qu'il faudra alimenter sans l'étouffer. Politiquement, il faudra de l'habileté pour mener de front un tel programme de réformes, et le risque d'un affrontement avec la gauche demeure, surtout si les résultats tardent à venir. Mais le couple Hollande-Valls se retrouve désormais uni de fait et condamné à réussir ensemble, ou à échouer de concert. Hollande y joue sa réélection en 2017 et Valls ses chances de s'imposer en 2022. Il aura alors 60 ans...

Philippe Mabille

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Commentaires 8
à écrit le 13/04/2014 à 17:04
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Avant il avait que sa boite à outils, maintenant il est sauvé il a le manuel !!!!!!!

à écrit le 09/04/2014 à 9:25
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ont ils vraiment raison ! d amuser la population qui les rejette .la confiance n est plus au rendez vous

à écrit le 09/04/2014 à 8:22
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Deux années perdues avec la pire politique depuis 1981 avec Mitterrand. Malheureusement quand on est embourbé dans une économie déclinante c'est plus difficile de remonter la pente que de la descendre. Nos amateurs élus politiciens et irresponsables ...

le 09/04/2014 à 9:29
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pire (2 +3) =5 de perdu

le 17/05/2014 à 11:00
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Pour es 10000 euros, c'est Sarkozy qu'il faut remercier... C'est lui qui a figé le salaire des petits travailleur en augmentant le sien. Et les patrons ont bien évidement tous suivi que ce soit dans le privé comme le publique. Du coup la mains d’œuvr...

à écrit le 09/04/2014 à 8:09
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Ils ont exportes RUBALCABA,ah si,le MOSSOS deBARCELONE exemplaire!!!

à écrit le 08/04/2014 à 22:16
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La "politique accomodante de la BCE" est un bel euphémisme, mais ce n'est pas autre chose que la planche à billet , réservée à la finance et aux banques , une honte absolue, seul moins de 5% des sommes imprimées par la BCE vont aux entreprises et à l...

à écrit le 08/04/2014 à 21:45
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Cette Valls à trois temps est le Manuel d'utilisation de la boîte à outils Hollandaise. Le total des dizaines de milliards à trouve, pour satisfaire aux engagements pris, est Kolossal avec ce flou qui ne doit pas de révéler un loup !

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