Pourquoi la Russie ne va pas s’enfoncer dans la crise

Avec la chute accélérée du prix du pétrole, les marchés ont paru anticiper un défaut de paiement. Toutefois, la Russie devrait pouvoir compter sur le soutien financier de la Chine. Il est ainsi peu probable que les événements récents conduisent le pays vers une crise profonde. par Pascal Nguyen, professeur de finance à la Neoma Business School.
Pascal Nguyen.

Alors qu'il se maintenait tranquillement autour de 100 dollars depuis quatre ans, le prix du baril de pétrole vient de subir une chute spectaculaire ces dernières semaines. Le ralentissement modéré de l'économie chinoise ne peut expliquer à lui seul une correction d'une telle ampleur. Pas plus que les températures clémentes qui règnent en Europe cette année. Alors simple guerre des prix entre pays producteurs de pétrole ? C'est ce qu'on pourrait croire s'il n'existait pas un précédent historique et un mobile sérieux à voir les choses se dérouler précisément telles qu'elles se produisent.

Aucune logique apparente

Pour commencer, ce n'est pas la première fois que le prix de l'or noir décroche sans logique apparente. Dans les années 80, l'Arabie Saoudite avait déjà ouvert les vannes du pétrole afin d'inonder le marché. Le prix du baril avait alors plongé sous les 10 dollars. Le royaume saoudien a-t-il gagné au change ? Pas vraiment, puisque ses recettes ont complètement fondu, ce qui l'a contraint à emprunter pour combler son déficit budgétaire alors qu'il est normalement excédentaire. En fait, la manœuvre n'avait d'autre but que celui d'asphyxier économiquement l'Iran en s'attaquant à ses revenus pétroliers. La stratégie mijotée par Washington n'a pas permis de renverser les mollahs au pouvoir à Téhéran, mais a contribué à tempérer leurs ardeurs révolutionnaires, tout en donnant de l'air à Saddam Hussein, dont l'armée était en déroute face aux forces iraniennes.

L'objectif actuel parait étrangement similaire. Il s'agit de neutraliser le président Poutine et de faire plier Moscou. Car le secteur pétrolier constitue l'épine dorsale de l'économie russe. Avec la baisse du pétrole, ce sont les rentrées de devises du pays qui sont en train de fondre à vue d'œil. Or les entreprises russes en ont un besoin vital puisqu'elles doivent rembourser prochainement des dizaines de milliards de dollars d'emprunts libellés en devises étrangères. Les marchés ne se sont pas fait prier pour anticiper un défaut de paiement. Au terme d'une séance particulièrement houleuse, le rouble a enfoncé son plancher face au dollar pour perdre plus de la moitié de sa valeur depuis le début de l'année. Malgré une intervention énergique sur le marché des changes et une augmentation massive de ses taux d'intérêt, la banque centrale russe n'a rien pu faire pour contrer la pression spéculative. Pour beaucoup d'investisseurs, la banqueroute semblait inévitable comme en 1998.

Moscou a d'autres alliés

Mais la position de Moscou est-elle aussi fragile que certains veulent bien croire ? Le Kremlin a d'autres alliés que Pyongyang et Caracas. La Chine dont l'économie ne carbure plus très fort depuis quelques temps doit sans doute s'inquiéter des récentes initiatives américaines comme l'accord de partenariat transpacifique qui la menace d'isolement sur le plan économique et diplomatique. Cela ne serait donc pas avec plaisir que les Chinois verraient la Russie s'effondrer pour faire place à un régime aligné sur les positions américaines comme c'est le cas de l'Ukraine par exemple.

On peut donc parier que la Chine ne restera pas insensible aux difficultés financières rencontrées par la Russie. Ses réserves de devises sont énormes puisqu'elles dépassaient déjà les 3.820 milliards de dollars à la fin de l'année dernière. De quoi couvrir sans problème le remboursement de tous les emprunts russes arrivant à échéance. Cela ne sera toutefois pas nécessaire. Le signe que Pékin est prêt à voler au secours de Moscou suffira à décourager les spéculateurs de vendre le rouble à découvert en pariant sur un défaut de paiement.

Rien de mieux qu'une crise surmontée

Avec le soutien discret de son voisin chinois, il est peu probable que la Russie ait de véritables soucis à se faire. Les Saoudiens n'ont également pas intérêt à maintenir le prix du baril artificiellement bas même si leurs couts de production sont les plus faibles au monde. On peut donc penser que le calme finira par revenir assez vite. Si c'est le cas, l'épisode n'aura servi qu'à conforter la suspicion que Moscou et Pékin entretiennent à l'égard de l'Occident en général, et de Washington en particulier. Quant au maître du Kremlin, sa position parait plus solide que jamais. Rien de mieux qu'une crise surmontée pour assoir une popularité qui dépasse déjà les 85%.

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Commentaires 32
à écrit le 22/05/2015 à 11:46
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le FMI prévoit un retour de la croissance en 2016: http://www.latribune.fr/economie/international/russie-le-fmi-prevoit-un-retour-de-la-croissance-en-2016-478195.html

à écrit le 24/12/2014 à 20:18
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A priori le niveau des prix actuels du baril de pétrole n'est pas dû à un quelconque accord entre l'Arabie Saoudite et les USA, on peut même dire que c'est totalement le contraire. En effet l'Arabie Saoudite, maintien son offre pour faire pression su...

à écrit le 24/12/2014 à 15:57
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Oh, ne vous inquiétez pas pour la Russie, elle en a vu bien d'autres et de pires. Les russes sont coriaces et invincibles (histoire). Qui vivra verra.

à écrit le 24/12/2014 à 13:00
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Bien vu!

à écrit le 24/12/2014 à 8:44
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En tout cas, elle y est déjà... et ce qui est dit sur les chinois montre bien qu'eux aussi n'agiront que dans leur intérêt. Que la Russie se retrouve en position de faiblesse... va faciliter les négociations avec les chinois, grands importateurs de ...

le 24/12/2014 à 12:13
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Il semble que cette simple évidence est en dehors du domaine de compréhension de l'auteur de l'article et des moutons poutinolâtres ...

le 24/12/2014 à 17:16
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La Russie a un taux d'endettement de 17.5% PIB, ce qui lui laisse de larges marges de manoeuvre au besoin :).

le 02/01/2015 à 21:48
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Si la Russie s'effondre, l'économie mondiale s'effondre... et donc l'Europe aussi. Si la Russie offre ses richesses à la Chine, l'Europe européenne n'a plus d'avenir. L'Europe a besoin de la Russie bien plus que la Chine car l'Asie est en phase de cr...

à écrit le 24/12/2014 à 7:58
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Les US ne supportent pas de perdre leur position dominante...ils peuvent etre dangereux dans leurs reactions....et nous on se couche devant...

à écrit le 24/12/2014 à 2:17
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Damned encore raté !

le 24/12/2014 à 7:59
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mais non on va envoyer BHL à Moscou....puisqu on vient de le retrouver

à écrit le 23/12/2014 à 22:54
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J'ai envie de dire...C'pas faux!

à écrit le 23/12/2014 à 21:56
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On est tous d’accord sur un point. Le niveau de prix actuel du baril constitue un problème pour les finances russes. Mais cela est du à la décision de l’Arabie Saoudite de brader son pétrole. Cela ne durera pas car les Saoudiens payent leur décision ...

le 24/12/2014 à 20:13
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1. Parler du défaut en Russie c'est déjà assez drôle. Un défaut dans un pays avec une dette extérieure faible (même avec les dettes de grosses boites), un bilan commercial positif, un budget excédentaire, des réserves de change égales à l'agrégat M2,...

le 03/01/2015 à 19:15
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On est en hiver, l'exploitation du pétrole russe en cette période est particulièrement couteux, les chiffres pour le premier trimestre 2015 seront plus éloquents. La Chine fera le choix de ses propres intérêts, c'est à la Russie de faire en sorte qu...

à écrit le 23/12/2014 à 21:34
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1. En se basant sur l’hypothèse de la manipulation du prix de pétrole, parmi les raisons de la chute du pétrole dans les années 80 on peut mentionner surtout la création des problèmes pour l’URSS et donner plus d’air à l’économie occidentale. Pour l'...

à écrit le 23/12/2014 à 20:04
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tuyaux semble t il.

à écrit le 23/12/2014 à 19:27
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Etrange argumentaire : la Russie ne sera pas en crise puisque la Chine viendra a son secours en lui pretant des milliards ... sauf que la Chine ne le fera pas a fonds perdus et rachetera des pans entiers de l'economie. Vendre ses joyaux de la couronn...

le 23/12/2014 à 19:47
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les chinois sont pas cons, et encore moins qu'avant et ils ont de la mémire, comment les anglais et les français les ont traités, les japonais et les amerlocs les ont traités. Et puis il ya eu la coopération sur la bombe entre les russes et le chinoi...

le 23/12/2014 à 23:01
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Steph, il n'est pas question que de la Russie, les Saoudiens ne pourront pas tenir indéfiniment avec un pétrole à ce prix eux non plus sans parler d'autres pays producteurs, l'Algérie réagit déjà... D'autre part, les Américains devront à terme ralent...

le 25/12/2014 à 18:39
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Nous sommes donc bien en guerre contre l'axe sino-russe. Quand je dis nous j'entends NOUS.

à écrit le 23/12/2014 à 18:19
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Qu'en est-il des suspicions qu'entretiennent les Russes et les chinois quant aux niveaux des stocks d'or détenus par les Etats-Unis ?

le 23/12/2014 à 19:51
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Là, Khaled, vous êtes dans le vrai... Et plus que vous n'imaginez. En effet, les 3 pays de la zone Euro, qui ont voulu récemment récupérer leur or auprès des US et de la GB, n'en ont récupéré qu'AU PLUS un ... tiers. Le quatrième va juste aller "véri...

à écrit le 23/12/2014 à 16:16
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beaucoup moins pour les oligarques russes, enrichis sur le dos de la bête et qui dès le premier frémissement vont rejoindre la perfide et hypocrite Albion. Mis l'Etat russe, n'a pas dit son dernier mot concernant ces lascars et sur le reste non plus,...

à écrit le 23/12/2014 à 16:08
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"Rien de mieux qu'une crise surmontée pour assoir une popularité qui dépasse déjà les 85%." Parce que vous pensez qu'un sondage défavorable au kremlin serait publié ... ayez un peu de sens critique quand vous citez des chiffres aveuglément ...

le 23/12/2014 à 16:35
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il ne s'agit pas de sondage mais de surface électorale et d'emprise du parti Iedinnaïa Rassi - si ce n'est pas 85 c'est 80 - cela dérange, mais c'est une autre affaire

le 23/12/2014 à 18:13
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Ecoutes, papy, mais quelle sottise tu viens de dire, papy….. vous vous y croyez encore à l'époque de l'URSS n'est-ce pas, papy ? ah le pauvre, c'est déjà finie, papy, ça fait longtemps… actuellement les sondages manipulés se trouvent tous à l'Occiden...

le 23/12/2014 à 18:58
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C est encore pire vu sous cet angle! Depuis quand il existe une opposition a Putine en Russie qui aurait le droit de se presenter aux elections...qui ne seraient pas truquees?...

à écrit le 23/12/2014 à 15:25
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Pour compléter cet excellent article, l'autre raison aussi pour l'Arabie Saoudite de spéculer dans les années 80 sur la chute de l'URSS était aussi d'ordre idéologique et religieux. Le Communisme représentant le danger numéro 1 pour le Wahhabisme fa...

à écrit le 23/12/2014 à 15:15
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Arabie Saoudite gare au retour du bâton !!

à écrit le 23/12/2014 à 15:13
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Rouble: -50%. - Yen: -40% - Réal Br: -40% - Yuan Chinois: 0,$. - Roupie indienne: - 40%. - soit 5 milliard d'habitants qui dévaluent très fortement leurs monnaies durant l'année qui précède en raison de la "d...

le 23/12/2014 à 15:23
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La malédiction du R et du Y risque fort d'emporter dans la tourmente le E.

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