Champion d'Afrique méconnu, le Cameroun veut attirer plus d'investisseurs

Pays d'Afrique centrale aux performances économiques méconnues, le Cameroun cherche à attirer beaucoup plus d'investisseurs étrangers. Donner une visibilité positive au pays, c'était l'objectif de la conférence économique qui vient de se tenir à Yaoundé, la capitale, en présence du président Paul Biya et avec la participation de quelques 800 acteurs économiques internationaux.
Une vue de la salle lors de l'ouverture de la conférence « Investir au Cameroun, terre d'attractivités », le 17 mai 2016, à Yaoundé, la capitale.

Pays organisateur de la CAN (Coupe d'Afrique des Nations) en 2019, le Cameroun et ses « Lions indomptables » mettent les bouchées doubles pour attirer les investisseurs privés pouvant changer le visage du pays et accélérer son développement. C'est ainsi que les autorités camerounaises viennent d'organiser, à la veille de la fête nationale du 20 mai à Yaoundé, la ville aux sept collines, une conférence économique internationale intitulée « Investir au Cameroun, terre d'attractivités ». Avec le concours de Stéphane Fouks, de Havas Worldwide, pour lui donner plus d'audience.

Ouverte par le président Paul Biya, cette conférence a réuni quelque 800 chefs d'entreprise et décideurs du monde politique, économique et financier pour des tables rondes consacrées à mettre en lumière les « perspectives de croissance » et « l'attractivité financière » du pays et des rencontres B to B visant à conclure ou à faire avancer des projets concrets (pré-sélectionnés par l'Agence de promotion des investissements et le cabinet « One2five ») dans des secteurs clés et porteurs comme l'agro-alimentaire, l'assainissement de l'eau, le BTP, l'énergie, les infrastructures, les mines, les transports ou l'économie numérique.

La Cameroun, « une Afrique en miniature »

À 83 ans révolus, le président du Cameroun, qui est apparu en forme pour ce grand rendez-vous économique et médiatique, a longuement mis en évidence les « atouts » du Cameroun « qui est une Afrique en miniature et ne vient pas les mains vides » mais a décidé bien au contraire de faire le maximum pour « attirer la faveur des investisseurs » du secteur privé.

Avec 22 millions d'habitants, le Cameroun est le pays le plus peuplé de la zone CEMAC - la Communauté économique et monétaire de l'Afrique centrale. Le pays compte plus de 1 500 km de frontière commune avec le Nigeria (première économie d'Afrique) et donc la CEDEAO - laCommunauté économique des États d'Afrique de l'Ouest. Il constitue par exemple la deuxième réserve hydro-électrique d'Afrique et s'enorgueillit d'afficher « l'un des meilleurs taux de scolarisation » du continent et, bien sûr, une « grande stabilité politique » qui - se plait à souligner le chef de l'Etat - est « un atout majeur pour les investisseurs »! Car le Cameroun - dont l'objectif est d'atteindre l'émergence à l'horizon 2035 - « est par-dessus tout déterminé, insiste-t-il, à favoriser l'investissement  privé ».

Pour donner plus de lustre et d'écho à cette Conférence, le Cameroun avait convié plusieurs personnalités comme le Français Pascal Lamy, ancien directeur général de l'OMC, ou le Portugais Jose Manuel Barroso, ancien président de la Commission européenne. « L'Afrique est la grande réserve de croissance mondiale », a ainsi déclaré ce dernier, soulignant que « L'Europe a besoin de plus de croissance » et que celle-ci « peut venir de l'Afrique en raison de sa proximité géographique et culturelle ».

« C'est le lieu où il faut investir »

« En ma qualité de banquier, j'ai appris à repérer les bons marchés, et le Cameroun est le lieu où il faut investir », s'amuse à observer le Nigérian Tony Elumelu, dont la banque UBA (United Bank for Africa) revendique aujourd'hui 11 millions de clients dans dix-neuf pays. « Nous avons commencé en 2008 au Cameroun et nous y sommes restés [car] nous sommes des investisseurs à long terme [et] avons confiance ici dans l'environnement des affaires ». Et le chantre de l' « africapitalisme » d'ajouter : « C'est le moment opportun pour le faire car l'Afrique du Sud, le Nigeria ou l'Angola sont en proie à d'énormes difficultés économiques alors que le Sénégal, la Côte d'Ivoire et le Cameroun connaissent de véritables booms économiques ».

Ministre camerounais des Finances, Alamine Ousmane Mey observe que son pays connaît « une croissance stable et durable de 5 % de moyenne sur les cinq dernières années », avec un budget 2016 de 4 242 milliards de Francs CFA, en hausse de 13 % par rapport à 2015, et « des finances publiques que l'on peut qualifier de saines » avec une augmentation de 50 % de la collecte d'impôts, en 5 ans.

Ancien patron de BNP Paribas  (de 2003 à 2014), Baudouin Prot s'étonne d'ailleurs « que les performances économiques du Cameroun soient aussi méconnues ». Une croissance moyenne et régulière de 5 %, une inflation à 2,7 % et un taux endettement relativement maîtrisé à 38 % du PIB, « ce sont des données macro-économiques assez satisfaisantes, qui nous feraient bien rêver », observe-t-il. Pour un Français, ce serait Noël ! »

« La locomotive de la zone CEMAC »

« Grâce à la diversification de son économie, le Cameroun est la locomotive de la zone CEMAC », assure pour sa part le Marocain Mohamed El Kettani, PDG d'Attijariwafa Bank, en se félicitant lui aussi des investissements réalisés dans ce ce pays. Coactionnaire, avec l'État, « pour démocratiser l'accès au secteur bancaire », son groupe très actif en Afrique subsaharienne est aujourd'hui la première banque du Cameroun, avec 54 agences.

Selon Mohamed El Kettani, le Cameroun bénéficie de nombreux atouts, mais il doit aussi relever plusieurs défis : « Ce pays est confronté aujourd'hui à une accélération nécessaire dans les réformes et les chantiers pour résorber les déficits en infrastructures, estime-t-il. [Mais] il est conscient qu'il doit améliorer un certain nombre de leviers pour attirer de plus en plus d'investisseurs et, sincèrement, le Cameroun a la capacité de quintupler les investissements directs étrangers par rapport au chiffre actuel qui est de l'ordre de 500 millions de dollars par an en moyenne ». Et de conclure : « En tant que banque marocaine, nous avons confiance dans le pays, dans sa gouvernance et dans son potentiel ».

Les grands chantiers du « pays béni de Dieu »

« C'est un pays béni de Dieu !», renchérit le Camerounais Paul Fokam, président-fondateur d'Afriland First Bank, en soulignant que « le Cameroun regorge de beaucoup de trésors » avec son agriculture, la richesse de son sous-sol et son ouverture sur la mer, utile à toute la CEMAC, grâce notamment au port en eau profonde de Kribi, dont le groupe Bolloré Africa Logistics a obtenu la concession en août dernier. Et le Dr Fokam de rêver à voix haute d'une fusion avec le Nigeria voisin, « indispensable pour notre décollage économique » et qui constituerait un marché de 320 millions de consommateurs !

Sans attendre cette grande Conférence, le Français Pierre Damnon, directeur général de Cimencam (Les Cimenteries du Cameroun) avait annoncé dès le 3 mai que le groupe Lafarge Holcim (qui détient déjà près de 50 % du marché) allait investir 23 milliards de Francs CFA pour construire près de Yaoundé une nouvelle usine à béton, dont la capacité de production sera dans un premier temps d'un million et demi de tonnes. Un investissement lourd qui témoigne, lui-aussi, de la bonne santé économique du pays.

Dernier chantier important : la révolution numérique. Ministre des PTT, Minette Libom Li Likeng, affectueusement surnommée « Maman Androïd », est fière de souligner que le Cameroun dispose déjà à ce jour de 19 millions d'abonnés aux différents réseaux de téléphonie mobile, d'un taux de pénétration d'Internet évalué à 26 % et se lance dans un programme ambitieux de fibre optique : 2 000 km déjà réalisés et 10 000 km en construction. Avant de conclure : « En matière d'innovation, le Cameroun, qui bénéficie d'une population jeune et bien formée, est souvent en tête. Que chacun change donc de logiciel pour transformer la société et réduire la facture numérique ».

Reste que le Cameroun, qui se dit une terre d'attractivité et d'opportunités, connaît aussi encore bien des disparités économiques et sociales.

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