Concilier mobilité résidentielle et accession progressive à la propriété avec l'actif épargne logement

Pourquoi ne pas instituer un « actif épargne logement » (AEL), consistant à donner à chaque ménage français un droit générique à la propriété de tout ou partie d'un lot de logement? Par Pierre-François Gouiffès, maître de conférences à Sciences Po.

En réfléchissant à la question de logement, il ne faut pas se limiter aux problèmes internes au secteur, mais également apporter des réponses concrètes à d'autres défis que connaît la société française.
A ce titre, on peut citer deux maux économiques et sociétaux de la configuration actuelle du logement en France. D'abord la faible mobilité résidentielle et ses conséquences délétères pour le développement économique et l'emploi : cette mobilité se situe aujourd'hui à 9% (1 emménagement pour 14 ménages), alors qu'elle se situait à 11 % il y a trois décennies et que 23 % des ménages souhaitent changer de logement. L'amélioration d'une situation française de l'emploi très dégradée passe par la facilitation de la mobilité résidentielle ou patrimoniale, mais de façon assez logique les Français ne souhaitent pas perdre de pouvoir d'achat logement à l'occasion d'une mutation professionnelle.

Difficulté pour les jeunes à accéder à la propriété

Il y a ensuite les enjeux liés au logement dans sa qualité d'actif et de réserve de valeur. On constate d'abord la difficulté croissante pour les jeunes d'accéder à la propriété - elle se fait de plus en plus tard - alors que 90 % des moins de trente ans désirent profondément devenir propriétaires (sondage ORPI OpinionWay de juillet 2016). Il y a enfin la question des modalités d'utilisation par les propriétaires de cette réserve de valeur pour financer les projets de vie, faire face aux aléas et surtout contribuer au financement de la dépendance.
Dans ce contexte, il faut d'une part ne pas déstabiliser le choix préférentiel des Français (la détention de la résidence principale), mais également ne pas défavoriser d'autres modalités de détention de la propriété immobilière et donc adapter l'organisation juridique de la propriété logement aux besoins de l'époque et contribuer au traitement des maux économiques et sociétaux évoqués plus haut.

Un "actif épargne logement"

Dans une note récente de Fondapol, est donc proposé « l'actif épargne logement » (AEL) qui consiste à donner à chaque ménage français un droit générique à la propriété de tout ou partie d'un lot de logement indépendamment de son statut d'occupation, et à lui accorder pour ce faire les attributs juridiques et fiscaux actuellement réservés à la détention de la résidence principale : exonération des revenus fonciers et des plus-values, règles d'insaisissabilité protectrices. L'actif épargne logement peut par ailleurs être constitué d'un lot physique, mais également sous la forme de pierre papier.
Illustrons les avantages de ce dispositif par deux exemples.

Le premier concerne l'accession progressive à la propriété : vous voulez accéder à la propriété, mais vous n'avez pas les moyens d'acheter en totalité votre résidence principale. L'AEL vous donne la possibilité d'acquérir progressivement une propriété immobilière et de la mettre en location, permettant ainsi d'élargir et d'assouplir cette première étape du parcours patrimonial et de développer un esprit de propriétaires en s'affranchissant du statut d'occupation du logement en question. Au final l'accession progressive à la propriété est favorisée ainsi donc que la mobilité patrimoniale.

Dans le second exemple, vous êtes propriétaire occupant, mais vous cherchez un logement plus adapté à vos besoins (caractéristiques du logement du fait de l'évolution de votre ménage, localisation de ce logement du fait d'une mobilité professionnelle). Avec l'AEL vous avez la possibilité de mettre à bail le logement que vous occupez actuellement et d'en louer pour vous un autre qui correspond mieux à vos besoins, ceci sans perdre les avantages fiscaux associés à la résidence principale. La mobilité résidentielle est donc favorisée.

Concilier droit de propriété et mobilité

Le mécanisme d'AEL propose, qui concilie donc le droit de propriété (et le désir associé) et la mobilité patrimoniale et résidentielle ouvre toute une série de possibilités pour de multiples parcours tant résidentiels que patrimoniaux. Il permet ainsi de mieux distinguer le logement en tant que service du logement en tant qu'actif : on peut alors faciliter la transformation en cours de l'utilisation du logement par le numérique et les nouveaux usages, tout en ouvrant la voie à de multiples utilisations de la réserve de valeur que constitue le logement en tant qu'actif. Au final le projet permet d'améliorer le bien-être et renforcer la liberté de choix des ménages.

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Commentaire 1
à écrit le 15/03/2017 à 18:31
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Très intéressant et pragmatique. Cela correspond à de nombreuses situations réelles. On peut se demander pourquoi une telle idée n est pas encore mise en application. Par conservatisme et souci de préserver les situations acquises sans doute

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