A l'heure du tripartisme

Ou quand il ne faut plus être le troisième homme... Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Le tripartisme s'est installé durablement en France. Combiné avec le système majoritaire, il entraîne un changement des stratégies politiques avec une règle d'or : ne pas être le troisième. Dans le tripartisme, le troisième est laminé ou disparaît comme dans le Nord ou en Paca aux élections régionales

Le tripartisme a existé en France en 1945. La droite, c'était le MRP : Marine Le Pen remplace Robert Schuman. La place centrale était occupée par la SFIO : Nicolas Sarkozy l'occupe à la place de Guy Mollet. Et la gauche, c'était le PC de Maurice Thorez, aujourd'hui c'est le PS de François Hollande. Quelle translation vers la droite !
Ce tripartisme se combinait avec la représentation proportionnelle. Le groupe communiste comprenait plus de cent députés et a contribué rapidement à l'instabilité ministérielle sous la Quatrième République.

Réintroduire une dose de proportionnelle

On peut se demander si le moment n'est pas venu de réintroduire une dose de proportionnelle dans notre système électoral, selon des modalités que beaucoup de spécialistes sont prêts à préciser. Le scrutin majoritaire actuel associé au tripartisme donne des résultats hautement aléatoires. Il suffit d'un déplacement de quelques % pour qu'une famille politique disparaisse de l'échiquier. A la proportionnelle, les résultats sont prévisibles et mathématiquement corrects. Surtout il empêche que le quart des électeurs soit privé de représentation politique.

La République a survécu à la forte présence dans ses assemblées d'un groupe communiste allant prendre ses ordres à Moscou. Ne peut-il survivre à la présence d'un groupe important de députés FN à l'assemblée nationale ? L'expérience- le groupe poujadiste en 1956- a montré que de tels groupes sont rarement homogènes. Le risque, et il est réel, d'une telle présence n'est-il pas plus faible que le mécontentement et l'agitation dans le pays résultant d'une sous-représentation flagrante d'une partie importante des électeurs. De plus, même en maintenant le système actuel, il n'est nullement prouvé qu'une majorité claire sorte des urnes en 2017.

La constitution gaullienne de 1958 donne heureusement les moyens de compenser les inconvénients d'une représentation politique éclatée au Parlement. L'exécutif a été fortement renforcé et le Président de la République, clé de voûte de nos institutions, est élu par le peuple au scrutin majoritaire.

Sans responsabilités nationales, le FN ne peut pas être affaibli par sa gestion

En l'état actuel, Marine Le Pen sera au second tour de l'élection présidentielle. N'occupant pas de responsabilités nationales, le FN ne peut être affaibli par sa gestion. Il a d'ailleurs appris à ne pas faire d'erreurs, comme le montrent ses progrès substantiels dans les municipalités gagnées aux dernières élections. A l'approche de l'élection, Marine Le Pen cherchera à rassurer, notamment sur l'Europe : elle pourrait fort bien adopter le comportement de Mr. Cameron et s'en remettre à un référendum.

Quoi de plus rassurant et de plus démocratique qu'un vote après une négociation ? L'opportunisme étant de toutes les époques, elle obtiendra des ralliements ou des appuis discrets dans l'establishment et dans tous les milieux, économiques, sociaux ou culturels, plus par prudence que par conviction, de la part de ceux qui ne peuvent pas prospérer sans de bonnes relations avec le pouvoir en place. Le contexte devrait lui être favorable : aucune amélioration significative de la situation de l'emploi n'est en vue et poursuite de la crise de l'Union Européenne avec le Brexit et le flux ininterrompu des migrants.
Cela ne signifie nullement que Marine Le Pen sera Présidente de la République. A ce jour, il existe clairement une majorité d'électeurs qui votera contre elle au second tour, quelque soit le candidat.

PS: les chances quasi nulles d'une ouverture au centre

Mais qui sera ce candidat ? Si l'on se fie aux résultats des présidentielles, sûrement pas le candidat du PS, qui pourrait compter sur un peu moins que le quart des électeurs. D'ici 2017, le PS doit impérativement élargir sa base. Logiquement, il devrait se tourner vers la droite. Mais depuis l'erreur historique de François Hollande qui n'a pas pris la main de François Bayrou qui lui avait apporté son soutien au deuxième tour en 2012, les chances d'une telle ouverture sont quasi nulles. Il est possible que quelques députés centristes soient prêts à faire le pas mais la crainte de se voir opposé un candidat de droite aux élections législatives- comme François Bayrou - freinera les plus intrépides.
Ouverture vers la gauche non socialiste ? L'élargissement du gouvernement ou l'inflexion de la politique économique présenterait beaucoup d'inconvénients pour François Hollande, qui est parvenu -douloureusement- à mettre de la clarté dans ses orientations.

Une candidature unique à gauche?

Reste la primaire ouverte à toute la gauche aboutissant à une candidature unique. Certes elle ne séduira pas Jean Luc Mélenchon, qui s'est mis délibérément hors-jeu, mais pour les autres, écolos et communistes, affaiblis par les élections régionales, elle peut être une option.
Une primaire ouverte à gauche aurait l'intérêt de ne pas laisser le monopole du débat à la droite lors de ses primaires et de permettre aux différents courants de la gauche de s'exprimer.

Hollande ne sera pas réélu, en l'état actuel

Reste le problème de François Hollande. Il doit admettre, qu'en l'état actuel,  le président sortant ne sera pas réélu et que s'il veut obtenir un nouveau quinquennat, il doit retrouver une nouvelle légitimité à gauche en se soumettant à une confrontation ouverte et à des débats. Certes notre président n'est pas un joueur de poker. Mais est-il prêt à prendre la responsabilité historique de rejouer l'élection présidentielle de 2005, où au second tour se sont affrontés Le Pen père et Jacques Chirac ?

 Valls phagocyté par Hollande, Macron pas prêt

Paradoxalement, il semble qu'il n'y ait aucun débat à l'intérieur du PS sur des primaires ouvertes. Probablement parce qu'il n'y aucun responsable prêt pour cet affrontement. Manuel Valls a été phagocyté par son Président. Martine Aubry semble s'être enfermée dans le Nord. Pour Emmanuel Macron, cela vient trop tôt.

L'attentisme a plus de chance de l'emporter sur l'audace. Profiter des erreurs des autres et de la multiplication des candidats à droite suffira-t-il à changer les lignes ? Certes, l'hypothèse de deux candidatures à droite, droite dure contre centre droit, croît chaque jour. Le Vicomte de Villiers pourrait contribuer à l'éparpillement des votes de droite. Le président sortant apparaîtrait comme un candidat du juste milieu, serein et expérimenté.
Ce n'est pas avec ce comportement que l'on redonnera aux Français le goût de la politique et à la gauche la possibilité de se renouveler.
C'est d'ailleurs le scénario retenu par Michel Houellebecq dans son dernier roman « Soumission » Il n'est pas gai.

Pierre-Yves Cossé
Décembre 2015

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Commentaires 2
à écrit le 19/12/2015 à 8:27
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Suite/ N'oublions pas que le problème de la Syrie est liée au climat et à l'énergie.

à écrit le 19/12/2015 à 8:13
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Nous avons deux problèmes en France. La représentation majoritaire pour la présidentielle et pour la législative; il faut une dose de proportionnelle. Et le role donné à l'énergie; cela aurait dû être traité par la COP21, mais ce problème n'est pas c...

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