A la recherche de nouveaux Normands

Les Normands avaient réussi à forger la paix civile dans la Sicile du Moyen Age, faisant vivre ensemble grecs, arabes, juifs, chrétiens... Nous avons aujourd'hui besoin de nouveaux Normands

Ce n'est pas un djihadiste qui a lancé les mots d'ordre « Du passé faisons table rase...Que le passé s'engloutisse » puis est passé à l'acte mais Eugène Pottier, en 1871, qui a écrit l'Internationale. Son propos n'était pas nouveau. En 1792, un décret de l'Assemblée Nationale justifiait les destructions des symboles de la féodalité et de la « tyrannie » Les mausolées royaux de Saint Denis furent les premières victimes, puis les porches de nos cathédrales, des abbayes, des châteaux. Cette « toilette révolutionnaire » se combina avec le vol et de nombreux châteaux, en commençant par Versailles furent démeublés. Certes, dès 1794, L'abbé Grégoire dénonça ces pratiques et il indique dans ses mémoires qu'il inventa le mot « vandalisme » pour « tuer la chose » Certes, cette même Révolution entreprit un inventaire de notre patrimoine et décida, en 1793, de transformer le palais du Louvre en « Muséum Central des Arts de la République » ouvert au peuple.

Des Vandales, à toutes les époques

Ce n'est pas la Révolution, dont nous sommes les héritiers directs et satisfaits, qui a commencé. Notre patrimoine avait déjà subi le vandalisme irréparable des protestants au temps des guerres de Religion, qui endommagea églises et cathédrales. On pourrait sûrement remonter dans le temps, car l'Eglise catholique occupe une place d'honneur parmi les Vandales. De passage à Palerme, j'ai remarqué dans la superbe église jésuite en marbres polychrome une sculpture représentant deux putti dodus détruisant par le marteau et le feu des œuvres d'art païennes.
Ce rappel historique ne tend nullement à excuser le nettoyage culturel actuel en Irak et en Syrie, la destruction de sites assyriens, de musées et des vestiges de villes mais à combler les trous de notre mémoire collective. Les Vandales sont de toutes les époques, les idéologies, notamment religieuses peuvent conduire à des « crimes » contre la culture et, nous Français, nous avons été aussi des criminels.
J'ai écrit « peuvent » car il n'y a aucune fatalité. Il existe heureusement dans l'histoire des conquérants qui ne détruisent pas mais « récupèrent ».  Ainsi le sultan turc transforme à Constantinople Sainte Sophie en mosquée tandis que le Roi très catholique se contente à Séville de réutiliser les matériaux et les colonnes de la mosquée pour construire la cathédrale. Un autre musulman, le moghol Akbar, au seizième siècle, fait dialoguer les représentants des différentes religions, avec l'aide de Jésuites, en vue d'une croyance commune.

Un métissage réussi en Sicile grâce aux... Normands

Il existe aussi des conquérants qui font mieux, ceux qui organisent une cohabitation durable entre communautés et religions dans le respect des cultures et de la paix civile.

La Sicile est un exemple de métissage réussi dont les traces sont encore visibles.
Cela a été esquissé par les Musulmans au 9 ème siècle, venant de Tunisie ou d'Egypte, qui tolèrent un évêché grec à Palerme, des monastères et des écoles. Les musulmans peuvent épouser des chrétiennes : les fils sont élevés selon le Coran et les filles dans la religion chrétienne.
Le véritable miracle sicilien, on le doit à nos Normands venus de Hauteville, village situé au cœur du pays de Coutances. Ces normands avaient conservé de leurs ancêtres force physique, goût de l'aventure et fécondité. Dans ces familles de plus de douze enfants, engendrés souvent par plusieurs mères, les candidats pour des expéditions lointaines ne manquaient pas, des hommes d'action « bruts de décoffrage ». Et la papauté était à la recherche de chevaliers aventureux pour reconquérir des terres chrétiennes (byzantines dans le cas de la Sicile) prises par les Arabes.

Le fils cadet de Tancrède de Hauteville, Roger, occupe Palerme en 1072, après une longue et pénible guerre. Lui succédera son fils Roger II, qui sera reconnu roi de Sicile par le pape en 1095, puis Guillaume II (1164/84) qui sans héritier mâle, fait monter sur le trône Fréderic de Hohenstaufen. Ce dernier né en Sicile, « stupor mundi » selon la légende, fut couronné en 1215 roi de Sicile, roi de Germanie et roi de Jérusalem et un sarcophage en porphyre à la cathédrale de Palerme porte son nom. Avec lui, le miracle sicilien est terminé.

Les Normands ont su forger la paix civile

L'ambition normande était de faire respecter par tous la même loi, quelle que soient les langues et les cultures et d'utiliser tous les talents. Un dialogue était noué avec toutes les communautés et en particulier, grecques, arabe, et juives. L'équité fiscale était recherchée. Le résultat a été la paix civile et une explosion artistique. La plupart des constructions « arabes » que nous admirons en Sicile ont été réalisées sous la domination normande et des artisans arabes ont participé à la construction d'édifices chrétiens, comme la cathédrale et son cloître à Monreale. C'est aussi le cas de la Chapelle Palatine du Palais des Normands ; dans les alvéoles de style arabe, les artisans ont représenté le paradis, non le paradis insipide des chrétiens mais le paradis sensuel du Coran (ces détails ne peuvent être remarqués au pied des colonnes). Dans le palais, sont visibles des inscriptions en latin, en arabe et en hébreu et des calendriers à la fois chrétien et mahométan. Les conversions étaient tolérées, la liturgie catholique pouvait utiliser la langue arabe.

 Un éclectisme à l'origine de chefs d'œuvre

Cet éclectisme, chapiteaux corinthiens, arcatures et coupoles arabes, chevets romans, fenêtre ogivales à colonnes, mosaïques byzantines a engendré des chefs d'œuvre qui ont résisté au temps.
Ces souverains reconnus par Rome parlaient plusieurs langues, dont l'arabe, et vivaient un peu comme des sultans, harem discret, mets arabes et farniente entre les guerres.
Le palais arabe de la Ziza (aziz= splendide) a été construit sous le règne de Guillaume II. Il a l'aspect d'une forteresse carrée mais ce fut une résidence avec ses jardins, ses fontaines, son système sophistiqué de ventilation, ses mosaïques animées de paons et d'archers et ses moucharabiehs.
Le palais de la Cuba (1180) qui était entourée d'un lac, est beaucoup moins conservé.

La Sicile normande, un paradis éphémère

La Sicile normande, était-ce le paradis sur terre, où abondent fruits, jardins et fontaines, qui fut célébré du temps de l'occupation arabe ? Ce serait exagéré. Le sang a coulé, des révoltes eurent lieu, des pogroms ont existé. Chacun trichait un peu ; ainsi les inscriptions arabes sont parfois illisibles car les artisans musulmans ne voulaient pas que la langue du prophète figure sur des édifices chrétiens.
Comme le paradis terrestre, ce paradis ne dura pas. Vint le temps des accapareurs venus avec les vainqueurs et pressés d'accumuler richesses et terres. Celui des inquisiteurs et des persécuteurs pour qui il n'existe que la « vraie » foi. Après les Normands, ce fut un autre Français, Charles d'Anjou (1255) Les Angevins ne surent que voler, violer et exploiter et ils furent rapidement chassés (1282) par la population (Vêpres Siciliennes). Les Bourbons d'Espagne durèrent mais confièrent le pouvoir à des vice-rois, qui furent les ancêtres des mafiosi, et la défense de la foi aux Inquisiteurs dominicains qui traquèrent tous ceux qui avaient été contaminés par l'Islam.

Faisons un rêve...

Faisons un rêve. Pourquoi dans un pays qui a accueilli, au cours de son histoire et pour des raisons géographiques, autant de populations diverses, ne surgiraient-ils pas de nouveaux « Normands » ? Ce seraient des hommes d'action pragmatiques, aptes au dialogue et au compromis, qui définiraient la loi commune fondée sur quelques valeurs universelles et les nécessités du vivre-ensemble. Pour le reste ils laisseraient vivre les individus et les groupes sociaux, comme ils l'entendent (habillement compris) Ils seraient convaincus, par nécessité ou par conviction, que la diversité et l'éclectisme sont des facteurs d'harmonie mais que ce ne sont pas des dons du ciel et que les sociétés ouvertes sont supérieures aux sociétés fermées.
Ces « Normands » ils sont parmi nous mais les « Inquisiteurs » aussi, et ils veillent.

Pierre-Yves Cossé
Mars 2015

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Commentaires 4
à écrit le 31/03/2015 à 11:57
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sans rire,aprés les vépres sicilienne une traduction de MAFIA :Morte À le Francese Italia Aventi

à écrit le 25/03/2015 à 12:53
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evidemment quand on cherche l'origine du nom cossé http://www.genealogie.com/nom-de-famille/COSSE.html Le chauvinisme regional... faut bien se trouver une essence racée...

à écrit le 19/03/2015 à 1:12
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Olalala votre sujet est bien trop compliqué pour la plupart des gens ici. Et on ne peut pas retransposer les modèles du passé au présent. Car actuellement il se passe quoi ? Y a la crise, le chomage, donc au lieu de résoudre ces problèmes, et ils s...

le 20/03/2015 à 22:43
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Question passer ses nerfs, les votre sont en train de vous lâcher à ce qu'il semble. Quant à l'article, c'est le dernier pour lequel je fais l'effort de vous lire. Trop de suffisance, de jugements à l'emporte pièce et d'à peu près réducteurs. En ...

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