Lettre ouverte à Emmanuel Macron

Sept conseils au fondateur du mouvement "En marche". Par Pierre-Yves Cossé, ancien commissaire au Plan

Bonjour Emmanuel,

 Je me préparais à mettre ma lettre dans la boîte aux lettres. Mais j'ai pensé que depuis la semaine dernière tu devais succomber sous le courrier et qu'au mieux elle serait mise sur la pile « en attente » avant d'aller à la corbeille. Une lettre d'un super-senior qui ne t'apporte rien, sinon des « recommandations », n'a rien de prioritaire. Mais peut-être que tes proches ou toi, vous lisez La Tribune, que j'ai choisi comme support.

Compte tenu de ce que j'ai vu ou constaté à la marge des pouvoirs, sept recommandations.

 1-Méfie toi de l'entourage

Dans tous ceux qui te proposent leurs services, il y a de tout : des médiocres et des excellents, des dévoués et des arrivistes, des semi oisifs et des débordés, des réactionnaires et des progressistes. Difficile de faire le tri. Ces bonnes volontés te sont nécessaires pour te protéger des chocs et des attaques de toute nature et un homme politique est toujours assailli. Peu à peu, ces collaborateurs constitueront un écran et t'isoleront. Leur tactique sera que tout passe par leur filtre. Ils sélectionneront les informations et les contacts qu'ils jugeront utiles pour toi.

La meilleure défense est de constituer plusieurs groupes ayant peu de contacts entre eux et de les mettre en concurrence discrète. C'est la méthode que l'on prêtait à François Mitterrand.

 2-Méfie- toi des petites phrases et des généralisations péremptoires

Les médias vont en permanence tenter de te faire dire des « petites phrases » qui font mouche et caricaturent une pensée. A la limite, ils les inventent. Mieux vaut décevoir David Pujadas que d'alimenter le jeu médiatique, comme tu l'as fait. Résiste aux communicants qui t'inciteront à énoncer des affirmations péremptoires, allant dans le sens du vent : sus au statut de la fonction publique, à la sécurité sociale ! Tu n'as pas à alimenter des propos de comptoir.

Ce tu peux et dois apporter, c'est d'abord du réalisme et de la rigueur dans tes propositions. Pas de flou, pas non plus de catalogue de mesures sans mode d'emploi ni calendrier, comme dans le rapport de la Commission Attali, dont tu as été la plume.

Ce que tu dois également apporter, c'est une vision d'ensemble et à long terme pour notre pays. Tu ne parviendras peut-être pas à faire aimer la mondialisation par nos compatriotes mais à la faire accepter. La France a sa place dans ce nouveau monde même si ce n'est pas celle qu'elle a occupée dans le passé. Tu es l'homme politique le plus crédible pour le faire comprendre. Il faut parler de la Chine en d'autres termes que le « péril jaune » Il faut parler de l'Europe en fonction du nouveau rapport de forces entre le Nord et les Sud. Il sera nécessaire de t'y prendre à plusieurs reprises, aussi commence dès maintenant. Les Français t'attendent. Regarde loin et parle clairement.

 3-Garde la distance par rapport aux puissants

Tu vas être sollicité en permanence par les détenteurs du pouvoir économique et financier. Bien sûr, il faut les rencontrer, recueillir des informations, prendre connaissance de leurs projets et les faciliter si nécessaire. Mais puisque tu t'affirmes de gauche, ne méconnais pas l'existence d'un rapport de forces permanent et des tentatives de manipulation. Ils vont t'embrasser pour t'étouffer.

Tu es un homme de compromis qui doit savoir dire non, patrons compris. Sache refuser des invitations à des déjeuners et à des week-ends, au risque d'être traité par de sectaire. N'aie pas de trop gros besoins financiers, cela facilitera ton positionnement.

4-Souviens- toi que tu es un nanti

Être bien né n'est pas un péché mortel mais un fait que tu ne dois jamais oublier. Ton comportement et tes propos sont interprétés, pour une part, en fonction de ton appartenance sociale. Ne dis plus que la situation d'un patron est plus dure que celle de son employé. Le général de Gaulle aurait-il prononcé une telle phrase ? Disait-on d'ailleurs que le général était un bourgeois ?

Aies des relations simples et directes avec des hommes et des femmes d'extraction modestes ayant des responsabilités de terrain, vivant en province. Ne te crois pas obligé d'informer la presse de ces relations. Ne t'enferme pas à Paris. A cet égard, présenter ton mouvement à Amiens était pertinent.

Préoccupe toi de difficultés économiques et sociales dont souffrent des populations marginalisées, dont les apprentis et les jeunes chômeurs, non pas pour les plaindre mais pour améliorer leur situation, même modestement. Cela ne fera pas la une des journaux mais peut progressivement corriger ton image. Ne sois pas seulement l'homme du « Macro »

Sans faire preuve de démagogie à la Giscard, aies un style de vie plus proche d'un cadre moyen que d'un banquier international.

 5-Cultive l'ambigüité tout le temps nécessaire

Compte tenu de la défaveur dont souffre la classe politique et notamment le PS, pour lequel tu ne peux rien, garde la distance, autant qu'il est possible, à l'égard des dirigeants politiques. Tu ne dois pas te confondre avec eux. Ta démarche doit conserver une part durant les premiers mois une part d'indétermination et de mystère.

Sache te taire si nécessaire le temps qu'il faut. L'attente à ton égard est telle que tu n'en souffriras guère. Ne mets pas des journalistes dans ta chambre à coucher ou dans ta salle de bains, ils n'en sortiront pas et t'épieront en permanence.

6-Sois un innovateur dans le programme que tu proposeras aux Français

Montre une originalité dans l'élaboration du programme. Internet permet d'innover et d'associer un grand nombre de contributeurs. Aies parmi tes proches un spécialiste en informatique et un modérateur vigilant qui surveille 24 heures sur 24 ton site.

Allonge autant qu'il est possible l'horizon temporel. Bien sûr, tu écarteras les mesures miracle ou le grand soir. Tu feras du « Macron », de l'ambition dans les objectifs mais de la prudence dans la mise en œuvre. Sois un ouvreur de chemins et sois précis sur la première étape. Répète à satiété que le changement ne se fera pas en un jour mais qu'il est urgent de commencer dès maintenant par des mesures significatives et connues de tous. Pour chacune d'entre elles, apprécie le rapport de forces et demande- toi quels seront tes alliés et si tu n'en as aucun, ajourne.

N'oublie pas la formule de Michel Rocard : on ne fait à Matignon que ce qui a été préparé avant.

7- N'hésite pas à foncer le moment venu

Le moment venu, c'est lorsque la crise politique se sera aggravée, lorsque les échéances seront proches et lorsque ton programme aura reçu un accueil favorable dans le pays. N'hésite pas alors à te découvrir. Les occasions se renouvellent rarement. Seul, tu prendras la décision. Ne cherche pas à obtenir une majorité dans ton entourage. Tu éprouveras la solitude du chef.

Propose un « gouvernement de salut public » pour une durée limitée et sur une base précise. Indique les responsabilités que tu es prêt à assumer et ouvre la porte sans sectarisme mais avec réalisme. Un minimum d'hommes expérimentés est nécessaire. Contrairement à ce qui est dit, exercer des fonctions ministérielles implique des qualités professionnelles. Il faut combiner le vieux et le neuf.

Celui qui conduira cette opération de salut public peut être le président de la République ou le Premier Ministre. La constitution permet les deux (article 20). Il ne s'agit pas de supprimer la différence entre droite et gauche, qui est trop inscrite dans notre histoire et nos institutions pour disparaître. Il s'agit de la mettre entre parenthèses, un temps et sur une base politique claire, pour répondre aux urgences du pays. Dans un tel contexte, une dynamique sera ouverte, les forces politiques se recomposeront et, tu trouveras ta place.

Certes l'offensive peut échouer mais tu es le seul à pouvoir la lancer. Comme disait Raymond Aron, en politique la chance est nécessaire, autrement il faut faire autre chose.

 Je souhaite, Emmanuel, que ton talent et la chance se rencontrent. Nous en avons besoin.

 Pierre-Yves Cossé

Avril 2016

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Commentaires 10
à écrit le 28/04/2017 à 13:50
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Mr Macron, N'oubliez surtout pas la colère des petites gens. Hollande n' à pas pris des mesures radicales qui sécurisent les gens financièrement, et physiquement. Renégociez les accords avec l'Europe . Nous somme trop bloqués par leur loi . L'E...

à écrit le 24/04/2017 à 14:13
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Bonjour Mr Macron Je suis resté dans l'abstention, aucune perspective fiable concernant le peuple , le monde du travail. Soyez vigilant , n'ayez pas un comportement me donnant l'envie de vous appeler Emmanuel sarko , une posture , une allure me rap...

à écrit le 20/03/2017 à 12:14
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Bonjour Monsieur Macron .J'ai vu des distributeur de tracts a Clermont Ferrand ceux ci ne s'adresser qu'aux jeunes qu'avez vous contre les personnes âgés? d’ailleurs vous ne parlez pas des retraites a moins de 1000 euros nous voyons que votre salai...

à écrit le 18/03/2017 à 21:11
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M. MACRON, vous avez oublié plusieurs personnes qui votes ne pas les oublier, toute la communauté homosexuelle, les 11 millions d'handicapés qui votent aussi, les travailleurs handicapés. Les entreprises ne veulent pas nous embaucher, simple vous ave...

à écrit le 18/02/2017 à 14:00
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une honte de la republique enleves la legion d honneur de mon pere minablemon tel 0619162980

à écrit le 23/04/2016 à 11:26
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Je pense que l' idée de repenser le clivage droite/gauche ne peu qu' apporter une amélioration significative pour notre pays... Je suis près à suivre Emmanuel Macron..... comme apolitique...

à écrit le 22/04/2016 à 11:25
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votre lettre ouverte a MR MACRON est vraiment de bons conseils.Tout le monde est d'accord le monde politique doit changer dans sa façon d'agir et dans ses dogmes .Si ce jeune ministre pratique vos idées il réussira ;il doit rester simple avoir un la...

à écrit le 21/04/2016 à 19:40
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Très bien vu , on a besoin de jeunesse et de renouveau dans la manière de gouverner , l'idée d'un gouvernement de salut public est très bien pour en finir avec toutes ces querelles politique et tous ces bons à rien qui nous gouvernent et qui ne pense...

à écrit le 13/04/2016 à 7:49
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Emmanuel Macron doit en priorité proposer une réforme fiscale permettant de basculer la fiscalité du travail sur la fiscalité énergétique, avec une allocation pour respecter l'équité.

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