Mehdi Cheddadi, le tailleur connecté

#FrenchTech - À 32 ans, le cofondateur de Tailor Corner déploie son réseau de boutiques de tailleur 2.0. Il s'apprête à développer en franchise son service de confection sur mesure accessible sur Internet.
Mehdi Cheddadi, cofondateur de Tailor Corner.

La seule demi-mesure qui vaille à ses yeux, c'est celle des vestes de patronage qui lui permettront de confectionner le costume qui sied parfaitement à son client. Mehdi Cheddadi, le président cofondateur de Tailor Corner, est un homme direct et entier, qui tisse depuis 2006 son histoire entrepreneuriale dans le textile.

Démocratiser le surmesure pour hommes

En boutique, Monsieur est invité à essayer des vestes de patronage, indispensable base de travail de tout tailleur qui oeuvre dans les règles de la tradition. Mais la technologie n'est pas oubliée chez Tailor Corner. Muni d'un scanner à main, le client identifie sur échantillons la matière et la teinte du tissu qu'il souhaite, sans oublier la couleur des boutons et des broderies pour la boutonnière. Une cabine d'essayage connectée permet d'optimiser les mesures de la demi-taille de veste sélectionnée.

« Cette cabine prend 20 points de mesure, pour un résultat aussi précis que celui d'un artisan qui passe son mètre ruban directement autour du corps. Ensuite, pour chaque demi-taille de veste, nous proposons 4 cintrages, et 30 points modifiables.

Chacun peut ainsi choisir l'aisance qui lui sied : très près du corps, ou avec l'espace pour ajouter dans ses poches un portefeuille et un carnet ou un smartphone. Cela requiert trois essayages chez un tailleur traditionnel », souligne avec assurance Mehdi Cheddadi.

Et pour cause : il en connaît un rayon en matière de savoir-faire traditionnel. Quand il a décidé de lancer son activité, alors tout juste diplômé de l'ECE, cet ingénieur informaticien en systèmes d'information réseaux a voulu tout apprendre de son métier.

À l'époque, alors âgé de 24 ans, il filait déjà un bon coton dans l'entrepreneuriat : il venait de céder ses parts dans une SSII, Ingénierie PC, créée pour « mettre les cours en pratique ». Il avait mené ce projet et d'autres pendant sa scolarité avec son camarade de promo Fabien Barrois. C'est donc avec lui qu'il a fondé sa première entreprise dans le textile sur mesure, Pernac, proposant une prise de rendez-vous en ligne pour une prise de mesures traditionnelle, à domicile. Mais très vite, il constate que son modèle économique doit être... reprisé.

« Pour un pantalon à 120 euros, j'ai dû me déplacer à trois reprises à Saint-Rémy-lès-Chevreuse en RER et en bus, ayant manqué mon client les deux premières fois... Un tel périple n'était pas vraiment rentable », confie l'entrepreneur.

Qu'importe : cet ancien basketteur de l'équipe nationale du Maroc - qui a manqué son admission en sports études non pas à cause de ses paniers, mais de son carnet de notes - sait rebondir et persévérer. Il a donc lancé Tailor Corner pour satisfaire « aux contraintes des hommes modernes : trouver du temps pour soi malgré un emploi du temps de ministre et acheter au bon rapport qualité-prix ». Des contraintes que ce chef d'entreprise père d'un garçon de 18 mois connaît bien.

Son idée a séduit Unibail-Rodamco, qui l'a désigné lauréat d'un concours dont le prix était un pas-de-porte au centre commercial Les Quatre-Temps, à la Défense. Depuis l'ouverture de cette première boutique en 2012, Mehdi Cheddadi a maintenu ses prix - entre 70 et 100 euros pour une chemise et 300 à 600 euros pour un costume - alignés sur ceux pratiqués par les grandes marques de prêt-à-porter masculin.

Depuis octobre, il a étoffé son offre

Deux nouveaux magasins ont ouvert à Paris, et un autre dans le centre-ville de Lyon. Adepte des circuits courts, il achète sa laine, la fait teindre. Mais pour satisfaire les amoureux de belles étoffes, il a imaginé une gamme de luxe utilisant tissus siglés « Pour cette gamme, nous nous fournissons chez des drapiers italiens Cerruti, Scabal et Zegna, le britannique Holland & Sherry, installé dans la rue londonienne du bespoke [confection sur mesure, ndlr] Savile Row, et bien sûr auprès de la maison française Dormeuil. »

Richard Boidé, le directeur commercial de Dormeuil, apprécie son approche novatrice :

« Mehdi Cheddadi est dur en affaires, mais il veille à bâtir avec ses fournisseurs des relations solides. Il est très professionnel, et concentré sur ses objectifs, tout en se montrant très attaché à ses collaborations. »

Avec les 20 salariés de son équipe installée à La Garenne-Colombes dans les Hauts-deSeine, le patron de Tailor Corner déploie la même exigence.

« Mehdi sait motiver les troupes. Il entretient des relations sympathiques avec tous, mais sait être ferme, quitte à dire de façon crue ce qui ne lui convient pas. Il n'aime pas l'échec, et encore moins de ne pas faire bien. Il va au bout de ses rêves », confie Rita Benanni, directrice de la marque Tailor Corner et épouse de Mehdi Cheddadi.

« Mehdi est un fonceur qui fonctionne à l'adrénaline, et je l'aide à se poser, note Fabien Barrois. Pour l'ouverture de nos nouveaux magasins en octobre, nous avons travaillé douze à quinze heures par jour pendant plusieurs mois. Et quand il a fallu aménager les boutiques, Mehdi a pris un camion pour tout apporter à Lyon, et le lendemain, il équipait le magasin à Paris. Il est capable de déplacer des montagnes ! »

« Je suis arrivé en France à l'âge de 18 ans avec ma petite valise. Nous avons lancé l'entreprise avec 3.000 euros. Et cette année, nous recruterons quatre premiers franchisés et préparons notre lancement à Londres », synthétise Mehdi Cheddadi. Sa fierté est le taux de satisfaction de sa clientèle : « Sur nos 35.000 clients, 30% à 40% réachètent dans l'année, et le taux de retour - pour ajustement - est de 5%. »

« Les profils de jeunes entrepreneurs comme Mehdi Cheddadi ne sont pas fréquents. Son projet n'a pas été généré par une passion personnelle de jeunesse, mais mûri à froid dans un domaine où il avait tout à apprendre. Il a montré sa capacité à gérer une entreprise qui a connu bien des évolutions », analyse Jean Bernachot, son banquier au CIC, qui lui a accordé un prêt de 400.000 euros.

Mehdi Cheddadi songe déjà à de nouvelles évolutions, avec un intérêt pour le potentiel de l'impression 3D « pour relocaliser la production en France ». Actuellement, il missionne cinq ateliers de confection en Europe de l'Est, en Chine et au Maghreb. Il a bouclé son exercice 2014 avec un chiffre d'affaires de 3,2 millions d'euros. Mais pour lui, ce n'est qu'un début. Il entend se tailler la part du lion dans le vestiaire des hommes, et faire de Tailor Corner une référence sans frontières.

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