Une "startup nation" en marche !

À l'ouest, la Silicon Valley, berceau mondial de l'innovation technologique. À l'est, l'Estonie, petit pays du nord de l'Europe, pionnier en matière d'État numérique. Au centre, la France et ses ambitions numériques.
Philippe Boyer

"Siliconisation[1]" et "Estonisation" sont peut-être les deux néologismes qu'il convient de retenir au terme de ces trois jours de Viva Technology[2]. Outre que pour sa deuxième édition, ce salon des nouvelles technologies s'est déjà imposé comme une référence internationale à l'instar du "CES" (Consumer Electronic Show), autre salon dédié aux nouvelles technologies organisé chaque début d'année à Las Vegas, ce millésime 2017 a permis de dépasser la simple tendance "innovation washing" en faisant du secteur du numérique une "ardente obligation". Si pour le Général de Gaulle il s'agissait alors de doter la France d'une politique d'aménagement du territoire digne de ce nom, cette nouvelle ardente obligation numérique ne vise rien d'autre que de faire de notre pays une référence mondiale en matière d'innovation.

La "Siliconisation"

Dans un discours (terminé en anglais[3]), le président de la République a exposé sa vision pour faire de la France ce pays leader en matière de développement de l'écosystème startup. Expliquant que le seul choix qui s'offre à nous est de «refuser le monde tel qu'il est en train de se transformer ou bien d'y réussir et d'en devenir les leaders», les ambitions sont claires : ancrer l'esprit d'audace caractéristique de la Silicon Valley, berceau du numérique et de ses plus belles références (Google, Apple, Facebook, Uber, Netflix... ).

Reste que cette "Siliconisation" espérée ne tombera pas du ciel. Elle ne deviendra réalité qu'en conjuguant plusieurs ingrédients. D'abord, le capital. Ce dernier pour favoriser l'émergence de nouveaux projets et rendre l'innovation possible. La création d'un nouveau fonds pour l'innovation - confié à la Banque Publique d'Investissement - et doté de 10 milliards d'euros devrait constituer cette bouffée d'oxygène indispensable à tous les acteurs du numérique. Pour autant, l'argent seul ne suffira pas. Pour que cette transformation devienne réalité il faudra ensuite y ajouter un autre ingrédient, celui-là plus difficile à quantifier car relevant d'un trait de caractère, voire d'un état d'esprit. Qu'on appelle cela "l'audace", "la prise de risque" ou encore "la transgression positive", notre pays ne manque pas de cette capacité à imaginer de nouveaux services ou produits... Certes, le nombre de licornes françaises se compte encore sur les doigts d'une seule main (Blablacar, Criteo...) mais quand l'audace se marie au savoir, à l'intelligence et aux capitaux il y a tout à parier pour que ce souhait politique de "startup nation" dépasse le seul stade de l'incantation.

"Estonie spirit"

 Quand à "l'Estonisation", il s'agit cette fois de préparer les esprits à l'avènement d'un "Etat plateforme". À l'instar de l'Estonie[4], petit pays de 1,3 million d'habitants qui, au 1er juillet prochain prendra la tête de l'Union Européenne, il s'agira pour la France d'emprunter un chemin numérique identique permettant, souhaitons-le, d'avoir accès aux mêmes ressources que celles disponibles pour tous les Estoniens :  vote en ligne, carte d'identité numérique intégrant les données personnelles, démarches administratives numériques facilitées en matière de création d'entreprises, tant pour les résidents que pour les « non-Estoniens »...

Avec plus de 1.000 services publics "on-line", ce pays de la Baltique est ainsi devenu une référence mondiale en matière de transformation digitale. Pour notre pays, le cap est fixé : d'ici à 2022, la France devra elle aussi devenir une "e-nation". Cela passera notamment par la numérisation de la quasi-totalité de nos procédures administratives, encore souvent vécues comme autant de lourdeurs qui éloignent les citoyens de leurs services publics. Outre cette indispensable évolution de notre appareil administratif en l'adaptant à notre époque, cette exigence de numérisation devant également contribuer à revivifier la démocratie. Le numérique se mettant au service de la vie quotidienne des citoyens.

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[1] J'emprunte cette expression « siliconisation » au philosophe Eric Sadin qui, en oct 2016, a publié l'essai critique, « La siliconisation du monde. L'irrésistible expansion du libéralisme numérique »

[2] https://vivatechnology.com/

[3] https://www.lesechos.fr/tech-medias/hightech/030386245787-en-direct-viva-technology-2017-cest-parti-2094678.php

[4] https://www.latribune.fr/opinions/blogs/homo-numericus/l-estonie-l-autre-pays-du-numerique-672406.html

Philippe Boyer

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