L’Europe montrera la voie en matière de durabilité et décarbonisation, ou ne la montrera pas du tout

Dans un contexte de reprise très difficile, conséquence de la crise financière de 2008, la politique industrielle a le vent en poupe sur l'agenda politique européen. Si la nécessité de réformer la politique industrielle du continent est sur toutes les lèvres, la manière dont celle-ci est abordée par l'Union européenne semble mal adaptée aux changements rapides auxquels le monde de l'entreprise est aujourd'hui confronté.

La dichotomie artificielle entre le modèle manufacturier dépassé et l'industrie des services a la dent dure, niant par la même le potentiel des développements technologiques et l'importance croissante des services, qui deviennent une partie intégrante du processus de production.

Les financiers et dirigeants des entreprises les plus importantes de la planète se sont réunis à Davos cette semaine pour discuter de l'avènement de la « quatrième révolution industrielle ». Quand les usines ont démantelé leurs machines à vapeur à la fin du 19e siècle pour faire de la place à l'électricité et aux courroies transporteuses, ces innovations ont ouvert la voie à la production de masse. Aujourd'hui, un nouveau bond en avant parait possible, alors que les entreprises passent de l'usage d'ordinateurs et de robots à l'ère de la fabrication avancée, où des machines intelligentes s'optimisent elles-mêmes en réseau.

D'aucuns espèrent qu'une renaissance industrielle puisse ramener emplois et croissance en Europe. D'autres préviennent que l'Europe ne sera pas capable de  faire preuve de compétitivité sous la pression de la mondialisation sans mettre à mal nos systèmes de protection sociale.

Le moment du choix

La vérité est que l'Europe doit faire un choix face à la compétition mondiale. Le continent peut opter pour une stratégie timide qui mettrait l'accent sur la réduction des coûts, de faibles taux d'imposition, et de moindres standards sociaux et écologiques. Cela aboutirait à une spirale destructrice. L'Europe peut également proposer une stratégie de compétitivité audacieuse, basée sur la recherche, un haut niveau de qualification, une ambition écologique, d'excellentes institutions et des politiques de l'emploi qui donnent plus d'autonomie aux individus. C'est ce que nous appelons la voie vertueuse.

S'engager dans un cycle de compétitivité vertueuse ne consiste pas à fermer les yeux face aux réalités de l'économie mondiale, mais à abandonner les vieilles recettes politiques consistant à protéger les champions nationaux et prolonger la vie d'industries non viables. La politique industrielle européenne du futur doit faciliter une transition de long terme et ne pas ralentir les changements structurels. Elle doit promouvoir la concurrence et être guidée par une vision globale, qui va au-delà de la simple croissance du PIB en prenant pleinement en compte les objectifs écologiques et sociaux de la société.

Pour construite un avantage compétitif pour le futur, l'Europe doit anticiper le potentiel de la fabrication avancée pour une production de haute qualité, propre et efficace. La durabilité et d'ambitieux standards socio-écologiques doivent être placés au centre de notre politique industrielle. Parallèlement, nous devons augmenter significativement les investissements dans la recherche, l'innovation et la formation. Si elle est menée à bien, cette double stratégie peut soutenir le leadership technologique européen et poser les bases de futurs succès économiques.

L'Union européenne a entrepris des démarches prometteuses et fait preuve de courage politique dans ses politiques de lutte contre le changement climatique et dans son combat contre les dommages environnementaux. Elle a embrassé le concept « d'économie verte » comme potentielle source de création d'emplois et de dynamisme économique. Elle doit maintenant franchir la deuxième étape et investir dans un leadership technologique assumé, à l'intersection de la fabrication avancée, de la décarbonisation et d'une utilisation efficace des ressources.

La compétitivité vertueuse remet en cause de nombreux intérêts particuliers dans le secteur manufacturier. Elle va à l'encontre de certaines industries qui militent en faveur de la réduction des coûts et s'opposent à des politiques ambitieuses. Trente quatre instituts économiques européens de premier plan ont étudié la question au cours des quatre dernières années. Nos recherches montrent que les bénéfices socio-économiques d'une stratégie vertueuse surpasseraient toute réduction des coûts dans le secteur manufacturier et offrirait un précieux dividende à la société : une compétitivité globale au service du bien-être sociétal, de la prospérité et du travail en Europe.

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Professeur Karl Aiginger, Directeur de la faculté d'économie de l'Université de Vienne, Coordinateur, du projet de recherche paneuropéen « Bien être sociétal, prospérité et travail - une nouvelle croissance pour l'Europe ».

Professeur David Bailey, Professeur de stratégie industrielle à l'école de commerce de l'Université d'Aston.

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