Le DRH, gardien de l’employabilité face à la mutation des métiers ?

Troisième et dernier article de notre triptyque sur les défis de la fonction RH : que doit faire le DRH face à la mutation des métiers dans un monde du travail complexe et de nouveaux enjeux liés à l’automatisation, à la robotisation et aux nouvelles formes de mobilité ?

Après « Le DRH de demain, rock star de l'engagement ? » et « Transformation digitale : le DRH, garant du lien », le dernier volet de cette trilogie s'attachera à la problématique grandissante de la mutation des métiers face à de nouveaux enjeux du monde du travail  : automatisation, robotisation et nouvelles formes de mobilité... Un monde où 50% des compétences actuelles seront obsolètes d'ici deux ans, où 60% des métiers qui recruteront en 2030 n'existent pas encore... il va falloir se remettre en cause : s'ouvrir, brasser, expérimenter.

S'OUVRIR à des métiers qui n'ont pas encore leur place en entreprise, s'ouvrir à des profils atypiques qui auront davantage la capacité d'apprendre et de se réinventer que de dérouler une expertise certifiée, s'ouvrir sur l'incertain, sur l'avenir.

BRASSER, car demain innovation et diversité seront nécessairement liées ; la création de valeurs ajoutées, la fulgurance reposant sur le croisement des disciplines, des regards entre cultures et régions du monde, des savoirs entre générations.

EXPÉRIMENTER, puisque rien ne vaudra plus jamais pour jamais et que le changement de paradigme profond que traversent nos organisations consiste bien dans la transition d'un état stable à un état instable. Il s'agira donc d'accepter l'erreur, l'échec, l'approximation, le tâtonnement généralisé pour trouver des solutions viables à court ou moyen termes, et adaptables sur le long terme.

Or, qui pourra se charger de ces évolutions, faire face aux nouveaux enjeux et inventer les solutions de demain, si ce n'est celui ou celle qui détient d'ores et déjà le rôle de recruteur et d'accompagnateur des carrières au sein des entreprises ? Ce sera au DRH d'expérimenter, d'essayer, de tâtonner pour préparer l'entreprise et les collaborateurs à l'avenir qui les attend. Malgré l'incertitude de l'avenir en cette période de grandes mutations, quelques traits semblent s'affirmer.

Le DRH face au défi de l'obsolescence des compétences. Vers une entreprise diplômante ?

Le contexte est ainsi esquissé : le futur verra s'accélérer l'obsolescence des compétences et la remise en cause profonde de l'enseignement supérieur en tant que gardien certificateur du socle des compétences. La formation en entreprise devient donc primordiale. Dans les années à venir, ne sera-t-il pas le rôle (et la responsabilité) de l'entreprise que de devenir une école, capable de mettre à jour continuellement ses collaborateurs, de les updater, des les upgrader voire de les diplômer ? Et le DRH ne sera-t- il pas le patron de cette école dont les cours ne se répèteront jamais ?

Quoi qu'il en soit, ce nouveau monde annonce l'inéluctable transition du statut (diplôme) à la compétence (savoir-faire), puis de la compétence au potentiel (capacité). Cette transition majeure et lourde remet en effet en cause la définition même de « talent ». Ce à quoi nous assistons n'est rien d'autre que la mort assurée et programmée du « talent » à vie, identifié et décrété via le sceau d'une école.

Nous définissons aujourd'hui communément le talent comme une disposition donnée, une capacité physique ou intellectuelle, naturelle ou acquise, pour réussir en société et dans une activité donnée. Cette conception recouvre une dimension très statutaire du talent, considéré comme donnée, innée ou acquise une fois pour toute via l'apprentissage de connaissances, et dont le diplôme certifie leur acquisition définitive. Aujourd'hui et au contraire, le talent devient caméléon, reconnu à sa faculté de mutation, d'apprentissage tout au long de la vie. Talent un jour mais pas talent toujours, le talent se définit au potentiel et à l'adaptabilité : le meilleur développeur du monde qui se repose sur sa maîtrise d'une technologie donnée ne peut survivre professionnellement qu'une année et demie.

Demain nous serons tous des développeurs. Demain les cartes du jeu seront rebattues, car cette faculté à apprendre, comprendre, se réinventer, rebondir constituera le nouvel or noir des entreprises. Mais où sont les réserves de caméléons ? Comment les former ? Comment les attirer, les retenir ? Le DRH sera au coeur de cette mission, garant qu'il est et devra rester du recrutement, de la réalisation et de la pérennisation de ces potentiels dans l'entreprise. A l'aune de cette nouvelle donne, tout est à repenser : marque employeur, recrutement, intégration et gestion des carrières. Vaste chantier.

Le DRH face au défi de l'automatisation. Disparition ou mutation des métiers ?

La nouvelle de l'auteur Walter M. Miller (Le darfsteller) dans laquelle des acteurs sont remplacés par des doubles androïdes pourrait bien être prémonitoire. Elle est en tout cas symptomatique de la crainte grandissante qui saisit aujourd'hui les DRH et autres observateurs de l'évolution du marché de l'emploi. Le métier d'acteur, supposé être spécifiquement humain, nécessitant une âme d'artiste, une empathie réelle, devient l'apanage des robots. Une fiction ? Peut-être plus pour longtemps. Au sein du marché de l'emploi français, 42% des métiers présentent une probabilité d'automatisation forte, et donc à moyen terme de disparition, du fait de la numérisation de l'économie (Cabinet Roland Berger / étude de l'Université d'Oxford de 2013). Et tout cela pourrait représenter une destruction de près de 3 millions d'emplois en France à horizon 2025.

C'est ici un véritable défi sociétal que les DRH devront affronter, et qu'ils doivent d'ores et déjà anticiper aujourd'hui. Nous sommes à la porte d'un monde peuplé de robots - la Fédération internationale de robotique en dénombre plus de 12 millions - monde dans lequel cohabiteront des métiers où l'Homme dépasse encore la machine et les autres emplois pour lesquels l'Homme sera au service des machines.

Quels seront les métiers impactés ? Contrairement aux idées reçues, il ne s'agira pas uniquement des métiers manuels et du secteur industriel, même s'ils seront particulièrement concernés. Manutentionnaires, ouvriers d'usine ou du BTP, conducteurs, agents techniques, employés administratifs, agents de voyage, télé-opérateurs, réceptionnistes, employés de maison, employés du commerce, infirmiers, traducteurs. Et les fabuleux progrès de l'intelligence artificielle devraient contribuer à allonger la liste.

Subsisteront probablement les métiers hyper spécialisés, hyper transverses, hyper créatifs, ou hyper subtils. Une récente étude d'Oxford identifiait comme « difficilement automatisables » les domaines suivants :

-       La perception et la manipulation (dextérité, contorsiondu corps)

-       L'Intelligence créative (originalité, arts)

-       L'Intelligence sociale (négociation, persuasion, empathie et souci d'aider les autres)

 Nous assisterons sans aucun doute dans les années à venir à une forte transition du marché de l'emploi. Mais rien n'est jamais noir ou blanc. L'automatisation va transformer en profondeur la nature du travail et engendrer la création de nombreux nouveaux métiers.

Le DRH aura sur ses épaules une partie de cette responsabilité, lourde, immense : anticiper les transformations, cartographier les compétences nécessaires demain, faire muter les Hommes et les métiers, et faire surtout en sorte que cette transformation profonde et irréversible ne laisse personne de côté. Il s'agit ici de véritables choix de société, et de questionnements quasi philosophiques qui viendront percuter l'Entreprise : a-t- elle la responsabilité d'embarquer dans le nouveau monde les Hommes d'hier, ou sa responsabilité est-elle cantonnée à la viabilité (survie ?) économique de son business model ?

Ce monde que nous sommes en train de dessiner laissera-t-il de côté tous ceux qui n'ont pas su ou pu muter ? Après la fracture Nord / Sud, ne sommes- nous pas aux prémices d'une nouvelle ségrégation 3.0 ? Et quel rôle dans cette histoire pour les hommes et femmes qui ont décidé de consacrer leur destin au Capital Humain ? Des réponses que nous ne pouvons apporter, mais résolument ces questions méritent d'être posées.

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