Transformation digitale : le DRH, garant du lien ?

Dans une nouvelle enquête intitulé "Le magicien de l'humain, turbulences et renaissances de la fonction RH", The Boson Project et SAP SuccessFactors décryptent les tendances en cours dans la gestion des ressources humaines à l'heure de la révolution numérique. Analyse en trois parties des défis qui attendent cette fonction vitale pour accompagner le changement des entreprises. Deuxième volet : le DRH face à la transformation digitale.
Hier encore, les entreprises offraient aux collaborateurs un emploi, et donc la sécurité matérielle et psychologique de se projeter sur le long terme, de construire leur vie.

Dans notre précédent article, « Le DRH de demain, rock star de l'engagement ? », nous vous avions annoncé le décryptage en trois temps des grands défis que doit relever cette fonction vitale pour accompagner la mutation présente et future des entreprises. Le deuxième volet de notre aventure abordera la problématique délicate de la révolution digitale et de son impact sur le monde de l'entreprise.

Sans surprise, la transformation digitale est perçue comme le deuxième grand enjeu de demain pour les directions des Ressources Humaines. Cet enjeu est double : il s'impose à la fonction RH d'une part, laquelle, comme toutes les autres fonctions de l'entreprise, voit son métier profondément percuté par le numérique : les outils évoluent, l'instantanéité règne, la notation systématique pointe le bout de son nez, les applications se multiplient et les candidats d'hier ne sont résolument plus les candidats d'aujourd'hui. Outre la nécessaire réinvention de son propre métier, la fonction RH doit également embrasser, conduire, temporiser voire parfois mener la mutation de toute l'organisation. Car qui dit digital, dit nouveaux usages de travail et nouveaux comportements. Et les transformations en cours et à venir sont loin d'être anecdotiques... Voici les 5 principales à nos yeux.

Le DRH sur le ring : 5 combats

Flexibilité versus sécurité. Un des premiers effets du digital s'observe au niveau de l'assouplissement et la diversification de nos rythmes et lieux de travail. Les lieux de vie, de travail, de transport, de loisirs, sont devenus poreux (#nomadisme, #co-working). L'équilibre vie pro/vie perso n'a plus de sens si on le considère sous l'angle d'une frontière imperméable, difficilement réaliste et globalement plus souhaitée. Avec la 4G, les lits et les plages deviennent des annexes de bureau. L'enjeu n'est donc plus de séparer les deux sphères, mais bien de savoir s'arrêter, de se doter de rites et rituels personnels, de se protéger. Demain le DRH sera-t-il le gardien tout à la fois des droits à la flexibilité sécurisée et à la déconnexion ?

Horizontal versus vertical. Nous vivons actuellement le passage de l'entreprise pyramidale à l'entreprise en réseau, entreprise plateforme. Après avoir cherché à réduire le nombre d'interactions entre les hommes à travers des modèles hiérarchiques dits « classiques » visant à assurer la réplication des best practices, nous imaginons aujourd'hui des modèles organisationnels en galaxie ou pissenlit visant à favoriser les échanges, les interactions, la cross fertilisation. L'entreprise, à l'image du digital, devient éco-systémique. Demain, outre son organisation remaniée, elle agrègera dans son écosystème ceux des parties prenantes : clients, sous-traitants, collaborateurs, clients.

Confiance versus contrôle. S'il y avait une transformation managériale majeure induite par le digital à retenir, ce serait probablement celle-ci : le passage d'un système du contrôle a priori, qui a constitué la base des pratiques actuelles (et du droit du travail français...) à un système basé sur la confiance, confiance donnée a priori et contrôlée a posteriori à une génération de digital natives dont on ne contrôle pas l'expertise. Qui sera demain le gardien de cette confiance remise au cœur du modèle social de l'entreprise ? C'est ici encore le DRH et son équipe qui auront la charge de rendre possible et de favoriser ces nouveaux usages et pratiques : des façons de vivre et de travailler ensemble où le lien devient clé. Car si le contrôle organisationnel et hiérarchique est bien installé dans les entreprises, les liens de confiance et de respect sont bien plus complexes et fragiles à bâtir et pérenniser.

Subordination versus collaboration. Hier encore, les entreprises offraient aux collaborateurs un emploi, et donc la sécurité matérielle et psychologique de se projeter sur le long terme, de construire leur vie. Aujourd'hui, cette sécurité ne peut non seulement plus être garantie, mais elle n'est en outre plus souhaitée par nombre de digital natives. Lesquels, en parallèle, ont bien conscience d'avoir autant à apporter à l'entreprise que l'entreprise a à leur donner. Subrepticement, un rapport de collaboration se substitue au rapport de subordination dans le face à face Homme / Entreprise. Nous assistons à une véritable horizontalisation des rapports de forces, qui trouvera très probablement son apogée dans l'explosion du freelance, évolution sociétale fille de la révolution digitale. Car, à ce moment-là, à la collaboration se substituera la coopération, l'individu devenant son propre centre d'emploi. Et ceci est loin d'être de la science fiction : aux Etats-Unis, les 53 millions de travailleurs freelance représentent désormais 34 % de la force de travail (2014). Et la tendance est à la hausse. Dans les 25 prochaines années, elle va même « nettement s'accélérer ». La part belle sera donc faite aux entrepreneurs, aux contractuels et au travail entre particuliers. La tendance se confirme en France, où le nombre de free-lances à augmenté de 85% ces 10 dernières années.

Collectif versus collaboratif. Beaucoup regrettent en entreprise la fin du collectif : fini le temps où, réunis autour de la machine à café, nous refaisions le monde et l'Entreprise. Bienvenue dans l'ère des selfie selfish, de la me me me generation, du règne du « je » et de l'égocentrisme le plus complet. Les choses sont elles si simples ? Bien sur que non. Au collectif (1+1=2) s'est substitué le collaboratif (1+1=3), sous l'effet du digital qui a rendu l'individu plus puissant que jamais, tout en le connectant avec ses pairs du monde entier dans le même espace temps. Le « je » est devenu fort, libéré, magnifié, quand le « nous » s'est tout à la fois amplifié dans son périmètre et appauvri dans son intensité. Or les entreprises restent des lieux du « nous », des lieux de liens. Quel est donc le plus petit dénominateur commun réunissant ces individualités ? Qui est capable de réunir ces « je » dans un « nous » qui fasse sens ? Qui demain sera le gardien du lien, dans une entreprise atomisée, mouvante, peuplée d'individus entrepreneurs de leurs vies ?

Le digital provoque-t-il un retour aux sources ?

Le digital a fait des nous des mutants, évoluant dans différents espaces temps, reliés à l'entreprise par des liens de plus en plus ténus. Précarité + flexibilité + individualisme = déloyauté ? Serions-nous des générations sans foi ni loi, nous laissant porter au gré du vent ? Rien n'est moins sûr. Cette transformation des comportements, des aspirations, des usages a pour corollaire une recherche de « quelque chose d'autre », de vrai, de sincère, d'émotionnel voire d'affectif dans la relation à l'entreprise. C'est certes pour un temps, certes à distance, certes différent d'avant, mais cela doit être porteur de sens (cf. l'article précédent) et résolument intense. Derrière toutes ces transitions se cache une tendance lourde à la ré-humanisation des organisations, à la réhabilitation des émotions et de l'affectif. Être reconnu, c'est être aimé. Dans la vie pro comme dans la vie perso... L'entreprise perd en adhérence mais gagne en importance, palliant peut-être ainsi la faillite de l'Etat et de l'école à endosser ce rôle de refuge... Quelle étrangeté que cette génération d'individualistes aspirant à des entreprises maternantes. Et quel défi pour les RH que d'en faire la synthèse.

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