De nouvelles souplesses pour l'assurance vie

L'administration précise sa doctrine, plutôt dans un sens favorable aux épargnants. Par Pascal Lavielle, membre du Cercle des Fiscalistes

L'assurance vie présente, comme le dieu Janus, un double visage :

 Son premier visage est celui d'un placement constitué durant la vie du souscripteur. Il permet au souscripteur d'obtenir un revenu immédiat pour faire face aux différents besoins de la vie privée ou différé pour disposer d'un revenu complémentaire pour la retraite. On observera à ce sujet que le législateur a généralement utilisé l'assurance vie comme véhicule de retraite par capitalisation (article 83, PERP, contrats Madelin), ce qui prouve qu'il est bien adapté à cet objectif en sa qualité de placement à long terme. L'intérêt de ce placement, outre l'étendue des opportunités qu'il présente en termes d'investissements grâce à une large gamme de supports, est indéniablement son cadre fiscal privilégié. Il permet par des arbitrages de réorienter son épargne en franchise d'impôt. Il permet également des rachats qui vont bénéficier du prélèvement forfaitaire libératoire, taux dégressif en fonction du temps. L'assurance vie est l'un des rares placements financiers à pouvoir en bénéficier.

 Un excellent moyen de transmission

Le deuxième visage de ce dieu Janus financier consiste à offrir la possibilité pour le souscripteur de gratifier la personne de son choix. Par cet excellent moyen de transmission qui, concrètement se réalise par la rédaction de la clause bénéficiaire en cas de décès, le souscripteur va pouvoir désigner ses proches pour l'attribution du capital décès.

 Sur le plan fiscal, cette désignation bénéficie d'un traitement fiscal privilégié qui varie selon l'âge du souscripteur au moment du versement des primes (abattement de 152 500 € par bénéficiaire pour les capitaux correspondant aux primes versées avant les 70 ans de l'assuré, exonération fiscale des produits et abattement global de 30 500 € pour les capitaux correspondant aux primes versées après les 70 ans) .

 Sur le plan civil, cette clause bénéficiaire présente une grande souplesse qui lui permet de s'adapter aux différents objectifs recherchés par le souscripteur.

Une bonne connaissance et un bon accompagnement dans la rédaction de cette désignation offre une très grande multiplicité de combinaisons. En effet, cette désignation bénéficiaire est un acte de volonté qui peut être formulé, soit dans des termes généraux et s'adapte ainsi au plus grand nombre de situations, soit plus précise afin de s'approcher au plus près de la situation familiale du souscripteur. Elle répondra ainsi au mieux aux attentes du souscripteur dans sa volonté de gratification.

La variété des possibilités offertes dans la rédaction est des plus larges. Elle permet notamment de procéder à un démembrement des capitaux décès, de sécuriser la gratification en intégrant un certain nombre de charges telles que l'obligation de remploi dans certains type de placements ou encore une interdiction d'appréhender les fonds avant un certain âge révolu.....

De nouvelles possibilités

Le champ des possibilités ouvertes semble à nouveau s'élargir par une récente réponse ministérielle du 22 septembre 2016 rendue par le ministère de l'économie au sénateur Malhuret. Cette réponse ministérielle s'intéresse aux clauses dites à option.

Le système de la « clause à options » consiste à offrir au bénéficiaire que l'on souhaite gratifier en premier, un choix entre différentes options qui sont rédigées chacune sous la forme d'un pourcentage du capital décès (60%, 50%, 40%....). Le reliquat revenant au bénéficiaire de second rang.

Cette clause bénéficiaire à options présente l'attrait de procéder à une allocation des capitaux décès entre ses proches en fonction des besoins et de la situation réelle du bénéficiaire de premier rang, traditionnellement le conjoint. Ce dernier, au regard de sa situation au moment du décès du souscripteur, pourra considérer qu'il n'a pas forcément besoin de l'intégralité du capital décès et pourra ainsi préférer que la part allouée aux bénéficiaires de deuxième rang soit plus importante. Cette réponse ministérielle vient apporter une nouveauté dans la mesure où, même si une partie de la doctrine considérait qu'il est possible pour un souscripteur de laisser au bénéficiaire la possibilité de fixer au moment de la délivrance des capitaux le montant qu'il souhaite recevoir, l'administration fiscale n'avait jusqu'à ce jour pas pris de position.

 La réponse ministérielle Malhuret constitue une avancée notable vers la reconnaissance de cette possibilité. Il conviendra de suivre l'évolution de ce sujet.

 Un mécanisme juridique particulier

Pour compléter la mise en relief de cette grande souplesse dans cette transmission par décès, on peut citer une autre réponse ministérielle Malhuret parue quelques mois auparavant. Cette réponse ministérielle du 12 mai 2016 est venue réaffirmer le maintien du cadre particulier dérogatoire au droit civil de la transmission réalisée par la clause bénéficiaire en cas de décès.

En effet, aux termes du code des assurances, le capital décès versé au titre d'une assurance-vie n'est soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant.

 Cette règle résulte de la nature du contrat d'assurance vie qui relève d'un mécanisme juridique particulier que l'on appelle la stipulation pour autrui. Par le jeu de la stipulation pour autrui le bénéficiaire désigné tient un droit propre, direct et personnel auprès de l'assureur après le décès de l'assuré et ceci en vertu du code des assurances.

 Cette règle a son propre régime de protection contre les abus qui pourraient en résulter. Dans la mesure où les héritiers bénéficiant de la réserve héréditaire s'estimeraient lésées dans leurs droits, ils bénéficient d'une protection qui permet la prise en compte de l'assurance vie dans la masse de calcul des droits successoraux. Ils peuvent ainsi faire valoir le caractère manifestement excessif des primes ou bien soutenir que l'assurance vie présente le caractère d'une donation indirecte.

 Il convient d'observer que cette notion de prime manifestement excessive qui a été prévue par le législateur de 1930 permet une protection des droits des héritiers qui intègre une notion d'équité plus importante que la notion de réserve héréditaire dans la mesure où celle-ci n'a pas une approche uniquement quantitative mais également qualitative comme l'utilité de l'opération. Si les héritiers réservataires s'estiment lésés, les juges du fond pourront ainsi apprécier l'étendue de l'excès au regard de l'utilité que ce placement présentait pour le souscripteur.

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