Idées pour...moderniser la protection sociale

Le système de protection sociale français est-il à bout de souffle ? Par Le Conseil d'Analyse Economique

La moitié des dépenses publiques françaises sont des dépenses sociales. Celles-ci sont donc incontournables dans tout débat sur les finances publiques. Au sein de l'OCDE, la France se distingue par l'importance de ses dépenses de retraite et le morcellement institutionnel de son système qui s'est stratifié au fil des décennies. Les logiques de solidarité multiples, les incohérences et la gouvernance éclatée font obstacle à un pilotage efficace et transparent de la protection sociale, alors que les dépenses augmentent du fait du vieillissement de la population et des innovations médicales. Pour préserver de bons niveaux de couverture, une réforme du système est indispensable.

Améliorer la prise en charge... Un meilleur pilotage de la couverture santé-dépendance

L'option retenue pour limiter la hausse des dépenses de santé a longtemps reposé sur la baisse des remboursements, même si ce mouvement a récemment été stoppé. Cette voie n'est ni efficace ni équitable. Pour rétablir le principe d'équité, il faut mieux définir le périmètre de la solidarité publique : en établissant un « panier de soins solidaire » évolutif en fonction des évaluations médico-économiques, accessible à tous et sans barrières financières. Ce dispositif serait financé par la solidarité des individus bien portants envers les malades et des hauts revenus vers les moins favorisés. Au-delà d'un seuil de dépenses médicales établi en fonction du revenu, la solidarité publique couvrirait à 100 % tous les soins du panier solidaire, protégeant les assurés de restes à charge élevés en cas d'affection grave. En deçà de ce seuil, des franchises annuelles non assurables couvriraient les petites dépenses, à l'exception des actions de prévention, des soins pour enfants ou ceux ayant trait à la maternité. Les faibles revenus seraient exemptés de franchise et donc couverts dès le premier euro pour les dépenses incluses dans le panier de soins solidaire.

Mieux définir la solidarité publique ne suffit cependant pas pour garantir la viabilité de la Sécurité sociale. Son pilotage doit être renforcé et cela passe en premier lieu par une clarification des rôles des différents acteurs. La France est le seul pays où deux assureurs - assurance-maladie et complémentaires santé - interviennent pour le même soin. Cela multiplie les coûts de gestion, complique la contractualisation avec les offreurs de soins et nuit à la qualité de la couverture. En effet, les complémentaires santé couvrent les tickets modérateurs et nombreuses sont celles qui couvrent les dépassements d'honoraires.

Cela contribue à la hausse de la dépense et des prix, tout en exposant les personnes sans complémentaire à des restes à charge très importants. Pour en sortir, il faut revenir à un principe simple : un seul financeur par dépense. Ainsi, un seul assureur couvrirait le panier de soins solidaire, tandis que des assurances supplémentaires couvriraient des actes de santé en dehors de ce panier. Pour mieux contractualiser avec les offreurs de soins, les Agences régionales de santé devraient pouvoir agir au plus près des habitants, en disposant d'une enveloppe financière globale basée sur les besoins estimés de leurs populations, avec une vraie marge de manœuvre sur les conventionnements et les différentes modalités de rémunération des professionnels de santé sur leurs territoires.

Dans la même logique, la prise en charge du risque dépendance pourrait être améliorée dans un double souci d'efficacité et d'équité. Il conviendrait d'intégrer l'ensemble des coûts qui lui sont liés, y compris le surcoût du logement, et de se fonder sur la solution la moins onéreuse entre maintien à domicile et hébergement en résidence spécialisée, compte tenu de la situation de dépendance de la personne et sans négliger le coût social des aidants familiaux. Le risque de dépendance lourde devrait, par ailleurs, être couvert par une assurance obligatoire prenant la forme d'un contrat défini par la puissance publique et géré soit par des assureurs privés, soit par la Sécurité sociale.

Enfin, les pouvoirs publics devraient encourager la concurrence par la qualité entre offreurs de soins, en s'appuyant sur le développement d'indicateurs transparents pour les familles de performance et d'accès aux soins, notamment dans les hôpitaux et les résidences de retraite. Ces indicateurs pourraient être mis à disposition sur des plates-formes nationales comme, par exemple, www.pour-les-personnes-agees.gouv.fr

Mieux organiser le système... Une gouvernance unifiée et une information optimisée

Pour que notre système fonctionne et que la population y adhère, il faut que les citoyens le comprennent. Il est notamment essentiel que les futurs retraités connaissent leurs droits et organisent leur sortie de la vie active de manière optimale compte tenu de leurs préférences individuelles. Difficile de s'y retrouver dans le maquis des règles et des 35 régimes actuels ! Les droits à la retraite devraient être clarifiés pour chaque personne via la centralisation des informations individuelles sur une plate-forme unique qui agrégerait les droits accumulés dans les différents régimes.

Cela n'empêcherait pas de conserver éventuellement des paramètres différents pour chaque régime, mais chaque assuré serait en mesure de comprendre à tout moment où en sont ses droits. Les taux de remplacement effectifs devraient également être plus transparents que ceux pratiqués aujourd'hui, en revenant à une revalorisation en fonction de l'évolution des salaires et non plus des prix des rémunérations qui servent à constituer le salaire de référence pour le calcul des pensions. Dans le même temps, le taux de remplacement serait modulé en fonction des évolutions démographiques.

Plus généralement, l'information des citoyens et des décideurs publics sur les dépenses sociales gagnerait à être améliorée. L'architecture de notre système doit être consolidée et clairement structurée entre un pôle non contributif (famille, maladie, lutte contre la pauvreté), intégré dans le budget de l'État et financé par l'impôt, et un pôle contributif (retraites, assurance-chômage, indemnités journalières), financé par des cotisations sociales. Chaque année, lors des débats budgétaires, la présentation d'un document décomposant l'ensemble des dépenses publiques par fonction et par risque social couvert permettrait de mieux arbitrer entre des dépenses liées au service public, comme l'école ou le logement social, et les dépenses de transferts sociaux, comme le RSA ou les aides au logement.

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Commentaires 4
à écrit le 10/02/2017 à 12:08
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Il y a de plus en plus de gens qui volontairement ne prennent plus d'assurance santé complémentaire. Ils prennent une assurance hospitalisation, et thésaurisent tous les mois sur un livret pour faire face aux dépenses de santé plus importantes. Il y ...

à écrit le 02/02/2017 à 13:40
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Il faut me semble-t-il une allocation universelle santé financée par la CSG (hors contributif santé qui couvre le remboursement du salaire du malade à l'employeur) en complément du revenu universel en cash relevant de la même logique mais remplaçant ...

à écrit le 31/01/2017 à 19:16
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Il faut tenir compte du point de prélèvement, sur la production ou sur la consommation. Il faut taxer la consommation et détaxer la production, pour atteindre un point d'équilibre. Mais qui peut le comprendre? Cela correspond à la note n°6 du CAE pou...

à écrit le 31/01/2017 à 16:45
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Alors que le problème vient essentiellement du fait des assurances qui augmentent régulièrement leurs tarifs, ne pas envisager de les calmer par la contrainte tout simplement, et quand vous voyez que trump a juste besoin d'aboyer pour se faire écoute...

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