Simplifier et régénérer la vie économique

La France occupe la 121e position dans le classement des 148 États où le « fardeau de la réglementation » est le plus important. On peut en sortir

La France est-elle irrémédiablement complexe ?

Si créer une entreprise est relativement simple en France, franchir les différentes étapes de son développement reste difficile, notamment du fait de la complexité administrative à laquelle les entrepreneurs sont confrontés. Outre les effets de seuil qui sont un frein au développement, le capital et le travail ne vont pas autant qu'il le faudrait des entreprises les moins productives vers les plus prometteuses. Ceci est préjudiciable à la productivité au niveau national. Le Conseil de la simplification, créé début 2014, a proposé plus de six cents mesures pour faciliter l'activité des entreprises, mais il reste beaucoup à faire. La France occupe la 121e position dans le classement des 148 États où le « fardeau de la réglementation » est le plus important (Banque mondiale, 2015) et un citoyen sur quatre juge encore « complexe » sa relation avec l'Administration.

Simplifier la vie des entreprises et des citoyens... lever les obstacles à la croissance des PME

C'est le syndrome du Petit Poucet : alors que les jeunes PME sont plus productives que leurs aînées, pourquoi ne croissent-elles pas davantage ? Certains éléments viennent facilement à l'esprit. Par exemple, la multiplication des normes qui pèsent sur les entreprises, et tout particulièrement les plus petites. En France, le volume annuel du Journal officiel, compilation des nouvelles normes en vigueur (lois, règlements, etc.), est passé de 13 000 à près de 23 000 pages en quarante ans, soit une augmentation de 75 %. Pour mettre fin à l'inflation normative, toute nouvelle réglementation devrait avoir une durée de vie limitée, de cinq ans par exemple, grâce à une clause d'extinction ou de révision. Cela permettrait de mesurer son utilité avant de la reconduire. L'application du principe « une création - une suppression » pourrait également être envisagée, la création d'une norme impliquant d'en abroger une ancienne.

Les entraves à la mobilité du capital et celle des salariés au sein de l'économie française sont également très préjudiciables à la croissance de nouvelles entreprises. Il importe par exemple de faciliter la transmission d'entreprises à tout type de repreneur, grâce à une fiscalité neutre, et de fluidifier les procédures de transformation d'entreprises en difficulté. Alors même qu'elles connaissent parfois des difficultés pour se financer, les petites entreprises en France sont en outre pénalisées par des délais de paiement excessifs que leur font supporter les plus grandes, amputant leur trésorerie et contraignant leur expansion. La lutte contre ces pratiques doit être poursuivie en renforçant l'application de la loi et en incitant au développement de l'affacturage inversé.

La mobilité des salariés doit également être accrue en améliorant leur formation continue et en adaptant davantage leur formation initiale. Dans une logique de flexi-sécurité, ce sont les travailleurs qui doivent être protégés, non les emplois. Le Compte personnel d'activité lancé le 12 janvier dernier devrait donner une impulsion à la formation tout au long de la vie, à condition toutefois que l'offre de formation soit elle-même rénovée, simplifiée et évaluée. Une plus grande marge de manœuvre pour négocier les rémunérations au niveau de l'entreprise permettrait aussi aux plus productives d'entre elles d'attirer les meilleurs travailleurs par des salaires plus élevés, ce qui dynamiserait le tissu productif.

Il convient enfin de se méfier des fausses bonnes idées. Les politiques « pro-PME » peuvent se révéler contre-productives, en créant de véritables « pièges à PME » par des mesures particulières : seuils sociaux, taux d'imposition réduits, clauses de marchés publics etc. Pour limiter les effets de seuil, les entreprises devraient systématiquement bénéficier d'une période de trois ans pour s'adapter à leurs nouvelles obligations, lorsqu'elles franchissent un seuil dans leur développement. Quant aux mesures spécifiques, elles devraient cibler les jeunes entreprises plutôt que les PME en tant que telles.

Rendre l'Administration plus productive et innovante... une offre de services renouvelée et individualisée

La révolution numérique n'est pas seulement technologique. C'est une transformation économique, politique et sociale qui implique un nouveau contrat entre l'État, les citoyens et les entreprises. Dans les services publics, la simplification passe par l'innovation et pour cela le recours aux méthodes « agiles » au sein de l'État et des administrations doit être encouragé. C'est par exemple sur ce modèle qu'en 2015, Pôle emploi a lancé « La Bonne Boîte », une plate-forme qui répertorie les offres d'emploi collectées par plusieurs de ses partenaires.

Si la révolution numérique dans l'administration est prometteuse pour réduire les coûts tout en améliorant la qualité du service, encore faut-il mobiliser des compétences spécialisées et coûteuses (informaticiens, codeurs, designers, data scientists et data analysts) et effectuer les transformations organisationnelles adéquates ! Un guichet de financement dédié à la modernisation du service public pourrait être mis à disposition des administrations, en commençant par les administrations locales. Celui-ci accorderait des crédits pour financer, par exemple, des réorganisations, de la formation, le développement numérique... opérations qui permettraient in fine de réduire les coûts de financement. Par ailleurs, il est nécessaire que les services publics en ligne soient plus systématiquement évalués, notamment par les utilisateurs, afin de s'assurer de leur efficacité et de faciliter leur adaptation.

Enfin, la collecte et l'analyse des données sont au cœur des opportunités offertes par le numérique. Leur partage entre administrations constituerait un acte fort de simplification. Par exemple, le principe du « dites-le nous une fois » mis en place dans le cadre de la procédure des Marchés Publics Simplifiés, qui limite le nombre de déclarations des entreprises et d'enregistrements redondants auprès de l'Administration, devrait être généralisé. De même, les données publiques doivent être ouvertes autant que possible (notamment afin de favoriser la créativité des start-up). Les « hackathons », qui permettent de tester des solutions innovantes en mettant à disposition des jeux de données sur de brèves périodes, doivent se multiplier. À titre d'exemple, le hackathon #CompteurConnect organisé en mai 2016 a permis l'élaboration de tableaux de bord énergétiques pour prédire les factures de bâtiments publics et individuels, cibler des actions de rénovation thermique et mesurer le potentiel d'économies en cas de tensions dans la distribution d'électricité.

Pour en savoir plus...

  • Les enjeux économiques du droit des faillites, David Thesmar, Guillaume Plantin, Jean Tirole, Note du CAE, n° 7, juin 2013.
  • Crédit au PME : des mesures ciblées pour des difficultés ciblées, Jacques Cailloux, Augustin Landier et Guillaume Plantin, Note du CAE, n° 18, décembre 2014.
  • Renforcer l'efficacité de la commande publique, Stéphane Saussier et Jean Tirole, Note du CAE, n° 22, avril 2015.
  • Faire prospérer les PME, Les membres du Conseil d'analyse économique, Note du CAE, n° 25, octobre 2015.
  • Administration numérique, Yann Algan, Maya Bacache et Anne Perrot, Note du CAE, n° 34, septembre 2016.
  • Taux d'intérêt très bas : symptôme et opportunité, Xavier Ragot, Christian Thimann et Natacha Valla, Note du CAE, n° 36, décembre 2016.

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Commentaires 7
à écrit le 18/01/2017 à 14:10
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Ce conseil d'analyse économique est destiné à informer le gouvernement. Mais le gouvernement ne semble pas disposé à suivre les notes que ce conseil rédige chaque mois, ou il ne les comprend pas. La note n°6 est pourtant très bien rédigée, mais a été...

à écrit le 18/01/2017 à 8:41
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Il manque la référence à la note n°6 sur la productivité des entreprises; cette note me parait essentielle en comparant le cout du travail et le prix de l'énergie.

le 21/01/2017 à 10:16
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@ GEPE? DEPUIS LE TEMPT QUE VOUS NOUS PARLE DE LA NOTE N 6 ? DITE NOUS CE QUEL EXPLIQUE POUR QUE L ON COMPRENNE ENFIN CE QUE VOUS NOUS REPETE DEPUIS PLUS D UNE ANNEES?

le 27/01/2017 à 7:48
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@VERITE. Cette note établi une relation entre le cout du travail et le prix de l'énergie. Elle suggère de réduire le cout du travail en augmentant le prix de l'énergie en finançant les charges sociales. Cette relation est évidente, mais pas pour les ...

à écrit le 17/01/2017 à 21:41
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Il s'agit du classement "Doing Business", assez "bidon"... Ainsi, la France est très mal classe sur le transfert de propriété... Or, la BM n'a pas compris ou pas voulu comprendre le système français ou la propriété est acquise des l'accord sur la cho...

à écrit le 17/01/2017 à 17:04
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Effectivement, quand les administrations arrêterons de travailler entre elles et non pas en silo, cela ira mieux et cela engendrera moins de temps de perdu pour les entreprises et les particuliers d'ailleurs. Chaque administration fait son site inter...

le 18/01/2017 à 13:49
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Très bonne idée à développer. Mais cela ne risque t il pas de créer du temps libre qu'il faudra rémunérer ou compenser autrement?

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