Enseigner l'anglais en Chine, un excellent business

Do you speak money ? Dans la Chine capitaliste d'après Mao, un secteur séduit toujours plus d'entrepreneurs : l'enseignement de l'anglais. Au risque d'accentuer les inégalités d'accès à l'éducation.

Hiver 2016, deux cars entrent dans la cour du collège-lycée de Hengshui, ville de quatre millions d'habitants à quelques heures de route de Pékin. J'en sors, accompagnée d'étudiants chinois et étrangers, tous fraîchement embauchés par Chaoxing School of English (CSE)* en tant que professeurs d'anglais pour un stage de cinq jours. Notre rôle : améliorer l'accent des collégiens participant aux programmes et les familiariser à la culture américaine. En effet, si le gouvernement chinois essaie, depuis deux ans, de minimiser le rôle de l'anglais dans les programmes scolaires, l'intérêt des parents pour cette langue demeure : elle est souvent considérée comme une nécessité pour réussir professionnellement. Pour Xiawu, la fondatrice de CSE, c'est aussi une opportunité commerciale.

My teacher is rich

L'entrepreneur le dit elle-même : « J'ai fondé cette entreprise parce que j'aime l'enseignement et qu'il est possible d'y faire du profit ». Ainsi, avec un millier de collégiens pour un stage à 285 euros par individu, Xiaowu rentre largement dans ses frais.

Mais en apprenant le prix que payent nos élèves, nous nous sentons soudain mal à l'aise. « Je ne pense pas qu'ils aient appris grand-chose pendant cette semaine », observe l'un des professeurs de fortune, constatant que plusieurs d'entre nous ont un fort accent étranger et peu d'expérience dans l'enseignement.

Nicolas, étudiant engagé par CSE pour organiser le stage, se dit écœuré par « ce business peu scrupuleux ». C'est la deuxième et dernière fois qu'il travaille pour l'entreprise. « L'école, tout autant que CSE, se font de l'argent sur le dos des parents », dont les revenus sont souvent ceux de chauffeurs, d'ouvriers ou de petits employés, dans une ville réputée pauvre. La grande majorité d'entre eux ne parlant pas anglais, ils sont également dans l'incapacité quasi-totale de vérifier ce que leur enfant a effectivement appris grâce au stage.

Cercle vicieux

Mais la recette prendra tant qu'il y aura suffisamment de parents prêts à mettre la main à la poche pour l'avenir de leur enfant. « Dans un système scolaire aussi compétitif que le notre, c'est un cercle vicieux », explique Haitao qui a participé aux deux premiers stages de CSE. L'examen d'entrée à l'université, dont la réussite détermine le futur de quelques neuf millions de bacheliers par an, incite en effet les parents à mettre, très tôt, toutes les chances du côté de leur enfant.

Ainsi, « il suffit que quelques-uns s'inscrivent à un cours privé pour que toute la classe y participe. L'été dernier, il n'y avait que douze classes. Cette fois-ci, quarante... », compte Haitao. Xiawu continuera jusqu'à ce que son entreprise soit valorisée à plusieurs millions de renminbi, suivant la voie tracée par News Oriental. En 2014, le premier grand groupe chinois d'enseignement privé valait 4,4 milliards de dollars à la Bourse de New York.

Libéralisation

Surtout, CSE n'est pas la seule entreprise à afficher de tels objectifs. Estimé à plus de trois milliards de dollars, le marché de l'enseignement de l'anglais attire tout type d'entreprises, de celles qui aident à intégrer un MBA (Master of Business Administration, diplôme obtenu en deux ans pour compléter une formation) dans une prestigieuse université américaine à celle proposant des cours en ligne aux très jeunes enfants. Forcément, toutes ne sont pas honnêtes. Surtout, cet engouement pour l'enseignement privé -dont le nombre d'institutions est passé de 3% à 10% en dix ans- risque d'agrandir le fossé entre ceux ayant les moyens d'intégrer une bonne université et les autres.

*Les noms ont été modifiés.

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Commentaires 3
à écrit le 18/05/2019 à 22:41
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Par le biais de ce message ,je souhaite connaitre les procédures nécessaire a faire pour être recruté en tant qu'enseignant de la langue anglaise en Chine A l'attente d'une suite favorable veuillez recevoir mes profond respects

à écrit le 24/07/2018 à 16:36
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Je serai très très ravis si j'arrivais en Chine pour donner les cours en anglais au chinois, j'ai fais l'école en anglais depuis la maternelle, je par aussi bien français

à écrit le 07/03/2016 à 16:30
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Wherefore art thou my Juliet ? Planet Earth ? Je reste toujours pantois de l'innocence/naïveté de certains ! Bien sûr que quand il y a du pognon "facile" à faire, on retrouve tout un tas de gens malhonnêtes sur le créneau :-)

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