Pirelli : quand les entreprises chinoises achètent de la technologie

Le groupe chinois ChemChina va racheter Pirelli. L'objectif est d'abord d'acquérir un savoir faire, comme on a pu le voir précédemment avec la rachat de branches de Rhodia. par Jean-François Dufour*

L'italien Pirelli, et ses cent quinze ans d'expérience dans les pneumatiques pour automobiles, vont être rachetés par le groupe chinois ChemChina. Ce dernier n'en est pas à son coup d'essai sur la scène européenne, où il mène une politique d'acquisition de technologies dans la chimie à applications industrielles.
Si l'on considère les seuls pneumatiques, l'opération Pirelli constitue l'acquisition d'un géant par un acteur marginal. Aeolus, la filiale dédiée à cette activité du groupe qui va acquérir le numéro cinq mondial des pneumatiques, ne vient en effet qu'au quatrième rang chinois, et au vingtième rang mondial.

Mais plus que la dimension, c'est certainement l'expertise technologique de Pirelli qui a motivé le groupe ChemChina. Là où sa filiale Aeolus peut afficher cinquante ans d'expérience, Pirelli, qui fut un des premiers fabricants de pneumatiques pour automobile, en aligne 115 ; et le fabricant italien, fournisseur exclusif de l'exigeante vitrine constituée par le circuit de Formule 1, a indubitablement cultivé son expérience à travers le temps.

Précédents français

Cette recherche de la technologie européenne n'est pas une première pour le groupe ChemChina, créé en 2004 par le regroupement de diverses entités, pour devenir le numéro un chinois de la chimie hors pétrochimie (dominée par les géants pétroliers du pays).
En 2006, via sa filiale Blue Star, celui-ci a procédé à deux acquisitions importantes aux mêmes motivations, en France. Cette année-là en effet, il rachète la branche silicones de Rhodia ; et il se porte acquéreur d'Adisseo (lui aussi ancienne filiale du défunt groupe Rhône-Poulenc), spécialiste des additifs pour l'alimentation animale.

Acquisition de technologies

Dans les deux cas, les motivations d'acquisition de technologies sont claires. L'intégration de la filiale de Rhodia permet à ChemChina de surmonter de nombreux obstacles technologiques pour ouvrir en Chine, en 2010, la plus grande unité de production de silicone d'Asie. Celle d'Adisso lui permet d'ouvrir, en 2013, la première unité de production de méthionine (un additif pour le fourrage) de Chine.
Et dans les deux cas, la motivation de préservation de cet acquis technologique est tout aussi claire. Les capacités de production et de recherche des deux entités sont maintenues et développées en France, pour assurer une continuité dans la course à l'innovation.


Réponse aux besoins chinois

Guidé par la recherche de technologies, ChemChina l'est aussi par la réponse aux besoins de l'industrie chinoise.
Sa plus importante opération financière en Europe avant l'opération Pirelli, est ainsi intervenue en 2011, avec l'acquisition (pour plus de 2 milliards de dollars) du norvégien Elkem. Producteur de silicium, composant majeur des cellules photovoltaïques, celui-ci se situe en amont d'un secteur dominé par des fabricants chinois.
De même, le marché automobile chinois, avec plus du quart de la production mondiale, constitue une évidente motivation au développement de son activité pneumatiques pour ChemChina. Le groupe déploie une stratégie qui lui permet d'acquérir des savoir-faire européens porteurs pour l'industrie chinoise - au bénéfice de celle-ci et, pour l'instant au moins, de ses cibles européennes.


Jean-François Dufour, Directeur, DCA Chine-Analyse (www.chine-analyse.com)

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