La contre-révolution silencieuse de Jonathan Hill

Le référendum britannique sur le Brexit remet en cause la grande réforme financière qu'avait élaborée le commissaire européen Michel Barnier pour répondre aux problèmes qu'avait posé la crise financière de 2008. Son successeur, le britannique Jonathan Hill, s'attèle à ce qui ressemble à un démantèlement.
Jonathan Hill.

La mise en oeuvre des grandes réformes de la finance initiées par Michel Barnier est devenue l'otage du Brexit. Le Britannique Jonathan Hill a entrepris de transformer la montagne de réglementation érigée par son prédécesseur, le Savoyard Michel Barnier, en une... colline. Comment s'y prend-il ? Discrètement. En février, il a engrangé près de 300 réponses à un « appel à remarques » lancé au sujet de l'ensemble de l'agenda Barnier.

Les banques se sont jetées sur l'occasion pour expliquer que l'augmentation de leur capital était un frein potentiel au financement de l'économie et que le surcroît de transparence sur les marchés menaçait leur liquidité... donc la stabilité financière. Que fera le commissaire britannique de ces informations ? On le saura en avril ou en mai. Barnier voulait changer la finance pour changer le monde.

Hill trouve un certain charme à l'ordre ancien et voudrait juste que les choses fonctionnent à peu près.

Les mêmes arguments (liquidité, stabilité, rentabilité) sont avancés sur un terrain beaucoup plus opérationnel et encore plus caché du grand public : les normes techniques qui décideront si les réformes Barnier pourront ou pas « mordre ». Ici, une bataille épique oppose, depuis plusieurs mois, la Commission, les trois autorités européennes de régulation et le Parlement européen.

En septembre dernier, Reemt Siebel, le patron de l'autorité européenne des marchés installée à Paris, a fait passer à Jonathan Hill près d'une trentaine de « standards techniques » portant notamment sur les nouvelles règles de transparence sur les marchés d'obligations et de dérivés. Un sujet ultrasensible pour les quelques grandes banques qui réalisent l'essentiel de leurs profits sur ces marchés. Trois mois plus tard, la Commission a retoqué la copie des régulateurs et entrepris de la réécrire... En même temps, elle demandait le report à 2018 de l'entrée en vigueur de ce texte touffu, censé rendre aux marchés un peu de leur intégrité. Pour ce faire, elle a dû demander au Parlement son blanc-seing, lequel en a profité pour mettre le nez dans lesdits standards et y a trouvé à redire.

La Commission s'est alors lancée dans une négociation informelle avec l'homme fort sur ces sujets, le député allemand Markus Ferber, et en a proposé une nouvelle version... laquelle mécontente fortement M. Siebel, qui l'a fait savoir publiquement. Aux dernières nouvelles, lesdits standards pourraient être adoptés en juin ou juillet... soit neuf mois après les propositions initiales.

Un conflit triangulaire similaire s'annonce avec, cette fois-ci, l'autorité bancaire européenne, au sujet des capacités d'absorption de leurs propres pertes par les banques, autre réforme structurante censée assainir radicalement le secteur bancaire et limiter l'exposition des contribuables à ses risques. Mêmes échanges de lettres musclées, même risque de veto du Parlement.

Tout cela montre deux choses

Premièrement, le système de régulation mis en place après 2008 selon un plan dessiné par le Français Jacques de Larosière est en péril à cause du rôle trop important qui reste confié à une Commission au rôle ambivalent. D'un côté, elle se prétend gardienne de la législation, neutre, technocratique quand il s'agit d'adopter des standards techniques, de l'autre, elle s'avoue de plus en plus politique, ce qu'elle est bel et bien quand on voit l'inflexion provoquée par l'arrivée de Jonathan Hill. C'est un peu comme si le Treasury et le Congrès avaient le dernier mot sur les normes techniques de la Securities and Exchange Commission.

Deuxièmement, la victoire remportée par François Hollande en février lors des négociations sur le Brexit, quand il a mis son veto à l'idée d'un double set de régulation, un pour la City, un pour le Continent, ne résout rien.

Une différenciation de la réglementation entre Londres et le Continent est inévitable parce que les intérêts en jeu sont trop colossaux. Les Britanniques se battront jusqu'au bout pour garder autant de souveraineté que possible sur la City. N'avoir pas su développer dans la zone euro une place financière d'envergure restera une épine dans le pied de l'Union monétaire pour les années à venir, quel que soit le résultat du vote britannique du 23 juin.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 02/04/2016 à 10:07
Signaler
Tant que l'Union Européenne servira à "recaser" les battus et les exclus, voire à servir de diversions pour occuper les activistes et "seconds ou troisièmes couteaux", elle ne pourra pas avoir d'ambition autre que celle de la médiocrité bureaucratiqu...

à écrit le 01/04/2016 à 14:21
Signaler
Monsieur Reemt Siebel est Communications Officer de l'Autorité européenne des marchés financiers (ESMA). Son Président est Steven Maijoor. Dommage d'avoir laissé passer une telle approximation.

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.