Merkel : Mutter Europas ?

Lors de son ultime voyage présidentiel en Europe, Barack Obama s'est livré à une nouvelle déclaration d'amour à la chancelière. « Je suis heureux qu'elle soit là », a-t-il lancé. Alors que le flambeau du « monde libre » venait d'être placé par les Américains dans les mains de l'inquiétant Donald Trump, tout le monde a compris que le président sortant venait d'introniser Angela Merkel nouvelle gardienne des valeurs occidentales, de liberté, de tolérance, de modération et d'un certain ordre établi après la Seconde Guerre mondiale.
Florence Autret
Si Angela Merkel continue de rassurer beaucoup d'Européens, elle en inquiète aussi de plus en plus. Outre-Rhin, une partie de la presse lui reproche d'être devenue carrément anxiogène, d'avoir semé la graine de la peur dans la population en laissant grossir le flot des réfugiés.

Bel hommage et sacré défi ! Concrètement, en quoi consiste le « job » ? Dans le désordre : poursuivre le projet d'intégration européenne, résister aux poussées hégémoniques de la Russie dans l'est de l'Europe et au Moyen-Orient, défendre la liberté du commerce, en Europe et dans le monde, résister à la tentation de réduire les libertés publiques face au sentiment d'insécurité et... rester un solide allié des États-Unis. De tous les leaders européens qu'Obama a connus pendant ses deux mandats, elle est certainement celui qui a le mieux tenu ce rôle dans la durée.

Continuer s'annonce toutefois difficile

D'abord les forces adverses, rangées pêle-mêle sous l'étiquette de « populisme », prennent du poil de la bête. La machine à dire non, à tout changer, à célébrer la nation comme une fin en soi, est enclenchée. Le vote britannique montre que l'on peut rayer d'un trait - en utilisant à plein les règles de la communication politique, avec des slogans mensongers et la légitimité d'un référendum -, quarante ans de travail politique. La chancelière elle-même a déjà dû consentir une défaite la semaine dernière en renonçant au traité transatlantique Tafta, emblème s'il en est un de l'Alliance atlantique.

Si elle continue de rassurer beaucoup d'Européens, elle en inquiète aussi de plus en plus. Outre-Rhin, une partie de la presse lui reproche d'être devenue carrément anxiogène, d'avoir semé la graine de la peur dans la population en laissant grossir le flot des réfugiés. Les pays d'Europe centrale n'ont pas apprécié le coup de l'ouverture brutale des frontières. La fin de son mandat rappelle que la femme des compromis et du juste milieu peut faire preuve d'impulsivité quand son pouvoir est en jeu.

Adoubement de Merkel par Obama

Enfin, la mainmise de l'Allemagne sur les postes de décision européens, surtout quand ils comportent une dimension financière, commence à faire désordre. Dans la liste des nominations récentes, la promotion du très contestable Günther Oettinger au poste de vice-président de la Commission européenne chargé du budget n'est pas passée inaperçue. Les décomptes nationaux ne sont pas tellement dans les moeurs bruxelloises, mais plus une seule institution où on ne reconnaisse off : « c'est trop ». C'est qu'il n'y a pas de bon compromis sans équité dans la représentation.

Si Bruxelles passe pour l'arrière-cour de la scène politique berlinoise, l'antigermanisme s'ajoutera aux plaies dont souffre déjà l'Europe. Alors la mission qu'Obama a confiée à son amie sera sérieusement compromise.

Florence Autret

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Commentaires 9
à écrit le 27/11/2016 à 21:41
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mère fouettarde! Merkel adoubé par Obama, rien de surprenant l'ordolibéralisme est compatible avec la mondialisation néolibérale voulue et imposée par l'administration américaine depuis Reagan! C'est pour cela que le cynisme d'Obama a laissé c...

à écrit le 27/11/2016 à 11:56
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Petit rappel : dans les faits il y après de 50 000 militaires américains dans des bases en Allemagne, à comparer aux 100 000 hommes de troupes (excluant les administratifs) de l'armée allemande. La chute de l'URSS date de 25 ans. Quelles sont les j...

le 27/11/2016 à 14:24
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rryv : vos chiffres ne sont plus d actualité. en Aout 2016 les effectifs US basés en Allemagne comportaient 35.800 pers. et Les effectifs de la Bundeswehr comportent 175.000 pers. tout compris . Toutes les grandes bases US situées à Mannheim...

le 27/11/2016 à 21:47
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les troupes américaines et les bases se multiplient contrairement aux engagements pris par Bush, Kohl et Mitterrand avec Gorbatchev. La politique agressive de l'administration américaine, a pour but de maintenir la division de l'Europe, d'éviter tou...

à écrit le 27/11/2016 à 10:23
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ELLES A DU CARISME? ELLE A RECUE DES MILLIONS D EMIGRES? C EST CELA QUI A FAIT REMONTE L ESTREME DROITE? MAIS LA FAIBLESSE DE L ALLEMAGNE C EST QU ELLE NA PAS DARMEE DE DEFENCE?DANS CE MONDE EN EQUILIBRE DANGEREUX ILS FAUT QUE CHAQUE PAYS ET UNE D...

à écrit le 26/11/2016 à 22:15
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" la légitimité d'un référendum"...ben non, justement, un référendum n'est ps légitime dans un régime parlementaire. Si on tient à le conserver il faut mettre un seuil plus élevé que la majorité simple pour lui donner un caractère contraignant : par...

à écrit le 26/11/2016 à 12:38
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En toutou d'Obama et avec sa politique inconsidérée des migrants, elle a surtout contribué à la montée des extrêmes en Europe. Il n'y a pas de quoi pavoiser !

le 27/11/2016 à 9:56
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C'est le problème !! Sur l'Europe, elle n'a eu aucun ou peu de leadership...et on en manque cruellement. Hollande ne peut pas apporter quelque chose dans ce domaine... Alors, si ni la France, ni l'Allemagne n'exerce un leadership européen alors qu'il...

le 27/11/2016 à 11:38
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@ maduf : Tout à fait. Merkel avait la légitimité pour devenir la leader de l'Europe, mais elle ne s'en est servie que pour protéger les intérêts allemands. Et dans une Europe des Nations où le vrai pouvoir est à la main des États, il va être dur d...

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