Message papal et dérapage à l'Eurogroupe

Des signaux arrivés de Rome ces derniers jours, il en est un qui a trouvé peu d'écho dans la presse hexagonale, tout à l'élection de son prochain monarque républicain.
Florence Autret

Le discours du pape François, qui recevait au Vatican le 24 mars les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Sept, soulignait pourtant un point dont il pourrait être utile de se rappeler dans la période tourmentée qui s'annonce : l'Europe n'est pas seulement une affaire de paix entre les nations. C'est aussi et surtout un projet humain, une célébration des différences qui s'oppose à l'« uniformité grise, c'est-à-dire le triomphe des particularismes » menaçant nos sociétés. C'est aussi une communauté de solidarité... donc économique.

Au moment où le pape appelait la politique à assumer « le leadership d'idéaux » qui évite de se servir des émotions pour gagner le consentement et élaborer « des politiques faisant grandir toute l'Union dans un développement harmonieux, de sorte que celui qui réussit à courir plus vite puisse tendre la main à celui qui va plus lentement », la polémique enflait sur la saillie verbale du ministre des Finances néerlandais Jeroen Dijsselbloem.

Le président de l'Eurogroupe venait de déclarer au quotidien conservateur allemand FAZ, à l'adresse des pays du sud de l'Europe :

« Vous ne pouvez pas dépenser tout votre argent en "femmes et en boissons" et ensuite demander de l'aide. »

Il s'ensuivit un tollé assez prévisible. Jeroen Dijsselbloem a fini par se dire bien sûr « désolé ».

« Je regrette si certains ont été offensés par la remarque. C'était direct et cela peut s'expliquer par la culture hollandaise calviniste, par la franchise de mon pays », ce que quiconque ayant déjà fréquenté des Néerlandais pourra entendre.

« Des paroles et un geste... inappropriés »

Tirer de la sortie du ministre batave des conclusions définitives sur sa capacité à piloter l'Eurogroupe ou y voir le corollaire de son insignifiance supposée face au ministre des Finances allemand Wolfgang Schäuble, eut été abusif.

Interrogé lundi par un quotidien de Dublin où il était en visite, le ministre français des Finances Michel Sapin, qui avait dû s'excuser l'an dernier pour avoir eu « des paroles et un geste... inappropriés » à l'égard d'une journaliste, n'en a pas retiré pour autant son soutien à son confrère néerlandais, assurant qu'il lui avait fait connaître directement son point de vue et que, pour lui, l'affaire était close. Deux conclusions. La première, que le sexisme fait indéniablement partie du patrimoine culturel commun des Européens, bien qu'exprimé sur des registres variés. La seconde, que le sentiment d'une communauté solidaire peine, pour le moins, à exister en Europe.

« Nous devons constamment prouver aux gens que l'Europe ne veut pas la règle pour la règle, mais qu'elle ouvre aussi un espace permettant à la diversité et aux différences entre nos régions, lesquelles font notre force, de se déployer », a expliqué à Rome la chancelière Angela Merkel, qui s'était ellemême fait traiter de « nazie » par des manifestants grecs.

Reste à espérer que cette preuve soit finalement apportée, de concert, par les dirigeants européens, pour éviter de sombrer dans une course délétère aux invectives.

Florence Autret

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Commentaires 2
à écrit le 31/03/2017 à 13:09
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Il y a effectivement une différence entre les pays du sud et ceux du nord de l'Europe. Cette différence est elle liée à la religion, catholique ou protestante? Elle est pour ma part liée au rapport entre le cout du travail et le prix de l'énergie et ...

à écrit le 31/03/2017 à 12:59
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Merci beaucoup pour cet article. "celui qui réussit à courir plus vite puisse tendre la main à celui qui va plus lentement " Non je ne suis pas d'accord avec cette version religieuse de la solidarité on n'a pas à tendre la main pour forcer ce...

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