Michel Barnier, le retour du « fléau de la City »

Les "Brexiters" l'ont en travers de la gorge: le 1er octobre, Michel Barnier sera de retour à Bruxelles dans de nouvelles fonctions , celles de « négociateur en chef » avec le Royaume-Uni. Par Florence Autret, correspondante à Bruxelles.
Michel Barnier, le Savoyard pragmatique.

Outre-Manche, la presse populaire a déploré le retour du « fléau de la City ». Elle lui reproche d'être anti-Britannique -ce qui n'est pas exact- en plus de ne pas être anglophone -ce qu'il est !-... et n'a pas manqué de susciter quelques sarcasmes même de ce côté-ci de la Manche. Un peu trop facile !

En faisant revenir à lui l'ancien commissaire aux services financiers, le président de la Commission européenne a pris le risque d'agacer l'opinion britannique - pourquoi se soucierait-il de la ménager désormais ? - mais il s'est surtout adjoint les services d'un homme au profil éminemment politique, capable de tenir tête aux chefs d'État et de gouvernement, et de remettre la Commission européenne au centre de la négociation à venir entre Londres et les «Vingt-Sept».

Éviter que l'UE se noie dans le Brexit

Pour accomplir sa nouvelle mission, on peut gager que le Français aura recours aux mêmes recettes qui lui ont valu une reconnaissance dépassant largement les limites partisanes lors de son dernier passage au Berlaymont comme « grand méchant régulateur » de la finance : des slogans simples plutôt que de grandes théories (« Les banques doivent payer pour les banques ») et beaucoup de ténacité face aux lobbies et aux intérêts nationaux. Mais alors qu'à l'époque, il pouvait s'appuyer sur l'agenda du G20 et la longue liste de réglementations à adopter, cette fois-ci, il n'y a pas de feuille de route.

La « désadhésion » d'un pays est une aventure d'un genre tout à fait nouveau, une page blanche de l'histoire européenne. Pour éviter que l'Union ne se noie dans le Brexit, il faudra non seulement parler (anglais) avec Theresa May, mais aussi réconcilier les positions d'un Viktor Orban et d'un Matteo Renzi, jeter un pont entre les futurs dirigeants français et allemand, éviter le détricotage subreptice des règles du marché unique, sauver les chances d'une défense européenne qui n'est pas pensable sans le Royaume-Uni, ressouder la zone euro...

Son credo: les Européens se portent mieux solidaires que solitaires

De ce point de vue, le pragmatisme du Savoyard est un atout dans le jeu du président Juncker. Revendiquant à la fois son attachement à la construction européenne et son gaullisme, le Français n'a jamais été proche de fédéralistes comme Guy Verhofstadt ou Daniel Cohn-Bendit. Il a même fait le choix de se ranger derrière Bruno Lemaire pour la primaire LR, alors même que le député de l'Eure a repris l'idée d'un référendum sur l'adhésion européenne. Son credo : les Européens se portent mieux solidaires que solitaires.

Cela laisse pas mal d'options possibles, comme - pourquoi pas ? - celle imaginée par le directeur de France Stratégie, Jean Pisani-Ferry, et le député allemand, proche de la chancelière Merkel, Norbert Röttgen : un « partenariat continental », sorte de participation « légère », mais structurée aux institutions et politiques européennes, réservée aux pays qui ne partagent pas l'ambition fédérale de la zone euro.

Alors que la négociation n'a pas encore commencé, une chose est déjà certaine : le sens politique ne suffira pas à lui donner une issue heureuse. Il va falloir faire preuve d'imagination.

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Commentaires 16
à écrit le 10/09/2016 à 20:51
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C'est plutôt un bon choix. J'espère qu'il négociera au mieux pour l'intérêt des citoyens restés dans l'UE.

à écrit le 08/09/2016 à 15:52
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"il faudra non seulement parler (anglais) avec Theresa May," Je connais énormément d'interprètes qui peuvent se charger de ce boulot ingrat

le 08/09/2016 à 17:22
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@Vassilis: 1) l'anglais est la langue prépondérante dans le monde. Qu'on aime ou pas, c'est comme ça. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le Brexit n'est pas vraiment un handicap pour les Britanniques. 2) entre baragouiner pour commander un sand...

le 08/09/2016 à 18:35
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Etant professeur-traducteur-interprète je parlais naturellement de professionnels de haut niveau.

à écrit le 08/09/2016 à 13:20
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Dites du mal, même si ce n'est pas vrai, il en restera toujours quelque chose ! Cet article nous parle de la presse populaire britannique, mais de qui s'agit-il ? Le Daily Mail, qui est un journal populaire, ne relate pas les faits dans les mêmes ter...

à écrit le 08/09/2016 à 12:33
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Si les anglais ne l'aiment pas alors il sera très bon ..

à écrit le 08/09/2016 à 10:04
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Michel Barnier ! Cet homme compétent, honnête, altruiste, le sens du devoir, qui ne recherche pas la lumière, a été apprécié dans toutes les fonctions qu'il a eu à Bruxelles. Il est regrettable que l'appréciation ne soit pas la même en France au poin...

le 08/09/2016 à 12:51
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100% d'accord

le 08/09/2016 à 15:31
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Ne pas être choisi par Sarkosy est un gage d'intégrité et de compétence.

le 08/09/2016 à 19:18
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Papilulu , vous avez un point de vue sur M.Barnier tt à fait OK. Sarko. n'apprécie pas les idées qui ne sont pas les siennes.( ah! les moi- je..!.)

à écrit le 08/09/2016 à 9:28
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Ambition fédérale ,qui a dit que les français étaient majoritairement pour ? une solution un référendum en France afin de clarifier la situation.

le 08/09/2016 à 12:59
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excellente remarque !

à écrit le 08/09/2016 à 8:51
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"Son credo: les Européens se portent mieux solidaires que solitaires" Du coup je suppose qu'il a dénoncé les purges contre le peuple Grec et contre le peuple espagnol ? Ainsi que l'hégémonie de l'Allemagne sur tous les autres pays ? Ben non c...

le 08/09/2016 à 10:10
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Bravo ! Avoir une courte vue n'interdit pas de s'instruire et connaître les hommes. Monsieur Barnier a fait grandir les Savoies, il n'a pas à rougie, au contraire, des actions qu'il a mené ! Les jugements lapidaires n'ont jamais fait progresser les c...

le 08/09/2016 à 10:54
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c'est la gestion désastreuse, souvent clientéliste, de certains pays qui a laissé le champ libre à une Allemagne économiquement redressée par 15 ans de bonne gestion, alors qu'on ne donnait pas cher de sa peau économique à l'aube des années 2000.

le 08/09/2016 à 11:25
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"Avoir une courte vue n'interdit pas de s'instruire et connaître les hommes" Si on a une courte vue, par définition on ne peut pas s'instruire et connaitre les hommes. "Monsieur Barnier a fait grandir les Savoies" Alors outre le fait que...

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