Droits des femmes : encore loin de la lutte finale

Moins bien payées que les hommes à compétences égales, les femmes souffrent d'un manque de reconnaissance (économique) encore plus criant lorsqu'elles travaillent dans le cadre du foyer. Pourtant, la mesure des tâches accomplies au sein du cocon familial, puis l'intégration de ces données au sein des statistiques, seraient de nature à guider et à éclairer nombre de prises de décisions d'investissements. Par Michel Santi, économiste (*).
Michel Santi

Le travail effectué par le femmes dans le cadre du foyer ne fait l'objet d'aucune rémunération ni compensation financière. En fait, cette masse de travail fournie par les femmes à la maison avec leur famille n'est même pas sous évaluée : elle ne l'est pas du tout! Comme elles ne se rendent pas tous les matins de manière formelle sur leur lieu de travail, leur labeur quotidien, souvent intensif, toujours stressant, reste du domaine de l'intangible, comme ignoré par une société ne reculant néanmoins jamais à quantifier et à évaluer quand ça l'arrange.

Pourtant, la mesure du travail accompli par la femme au sein de son cocon familial, puis l'intégration de ces données au sein des statistiques, seraient de nature à infléchir - à tout le moins à guider et à éclairer - nombre de prises de décisions d'investissements à même de favoriser la création d'emplois. Eh oui, la prise en compte du travail des femmes au sein de leur foyer est bel et bien susceptible de sortir nombre d'entre elles (avec leur famille) de la précarité, et d'avoir donc un impact positif sur la croissance économique. En effet, pourquoi ne pas quantifier, estimer, indexer de manière systématique ces tâches ménagères comme la cuisine, le nettoyage, l'attention portée aux enfants et aux personnes âgées qui sont dans leur écrasante majorité assurées au quotidien - voire jour et nuit - par des femmes ?

Une situation insidieuse dans les pays aisés

Il suffirait d'imputer une valeur donnée à chacune de ces tâches, soit en fonction du nombre d'heures passées à les accomplir et de leurs difficultés, soit en estimant le salaire à payer pour prix de l'embauche d'une ou de plusieurs personnes extérieures engagées pour remplacer cette femme au foyer. Après tout, la femme renonce à une rémunération qu'elle aurait certainement perçue dans la vie civile si elle n'avait fait le choix de rester à la maison. N'est-il pas choquant (selon des statistiques établies par les Nations Unies) qu'une indienne accomplisse 6.5 fois plus de tâches non rémunérées qu'un indien ? C'est à cette aune qu'il faut - aussi - mesurer le niveau de richesse d'un pays car ce gap devient insignifiant dès lors que l'on compare l'écart entre le travail non rémunéré entre les indiens et les norvégiens.

Intuitivement, on comprend bien que ce gap entre le travail non rémunéré de la femme et de l'homme tende en effet vers zéro au sein des nations aisées, avec toutes les retombées favorables pour la femme en termes d'assurances sociales, d'avantages pour sa retraite, de participation à la masse salariale, de formation professionnelle... En réalité, la situation des femmes est encore plus insidieuse car même le femmes actives et rémunérées dans la vie civile sont le plus souvent contraintes d'accepter des travaux en deçà de leurs capacités - donc moins payés que les hommes - du fait de la concentration et des efforts nécessaires pour accomplir parallèlement les tâches ménagères. En outre, la constante flexibilité exigée par leurs responsabilités cumulées au travail et à la maison achève de les placer en situation professionnelle d'infériorité par rapport aux hommes qui se retrouvent dès lors et de facto en position de force et donc dotés d'une meilleure rémunération.

Verser le salaire minimum à toute femme au foyer ?

En conséquence, la femme doit souvent se contenter d'un temps partiel lui permettant de maintenir l'équilibre et de jongler en même temps avec son travail à la maison, ou d'accepter un temps plein ne correspondant de loin pas à ses qualifications mais l'autorisant toutefois à continuer ses tâches ménagères. Le cabinet Mc Kinsey a estimé que le versement du salaire minimum en vigueur dans chaque pays à toute femme au foyer non rémunérée permettrait de faire progresser de 13% le Produit Intérieur Brut global! Un pays comme l'Inde verrait ainsi son propre P.I.B. bondir de 39%.

Ces inégalités intolérables faisant de la femme une travailleuse de niveau inférieur, presque une roue de secours professionnelle, ont donc un impact hautement nuisible sur la croissance économique de chaque nation.

_______

(*) Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

Sa page Facebook et Twitter.

Sujets les + lus

|

Sujets les + commentés

Commentaires 2
à écrit le 03/07/2017 à 17:40
Signaler
Il suffit de limiter le droit de l'homme pour que la femme n'est plus a revendiquer!

à écrit le 03/07/2017 à 13:21
Signaler
Si les égalités étaient toutes comblées c'est le PIB de chaque pays qui doublerait de façon générale, seulement voilà ce n'est pas la volonté de l'oligarchie qui démontre ainsi ne vouloir ni égalité ni croissance économique. Et on la comprend ell...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.