Entre ici, René Tendron !

Par Philippe Mabille, directeur adjoint de la rédaction de La Tribune.
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Autrefois, lorsque la presse financière était encore florissante, le grand rendez-vous des boursicoteurs du dimanche était le commentaire quotidien que faisait, à la fin du "13 heures" de la première chaîne de télévision, le journaliste René Tendron. Avec la bonne tête de celui qui serait capable de vendre des réfrigérateurs à des Esquimaux, cette figure populaire savait raconter avec simplicité à des auditeurs attentifs les mystères des marchés financiers. La "veuve de Carpentras" (qui a cédé la place à la "mamie du Cantal" de l'ère numérique) était alors une figure de rhétorique respectée.

Après avoir écouté Tendron, elle filait à la banque placer son bas de laine dans du Michelin ou du Saint-Gobain ou bien dans de bons vieux emprunts d'Etat, d'EDF-GDF ou du Crédit Foncier de France. Cette banque spécialisée dans le crédit immobilier était l'une des stars de la Bourse obligataire. Son seul nom forçait le respect. Un nom qui a chuté, comme tant d'autres, lors de la crise immobilière des années 1990, puis qui a ressuscité grâce aux bons soins de l'Etat et des caisses d'épargne.

Aujourd'hui filiale du groupe BPCE, ce n'est sans doute pas un hasard si le Crédit Foncier tente, avec le lancement d'un emprunt de 1 milliard d'euros auprès du public, de faire renaître le compartiment obligataire de la Bourse de Paris. Ce come-back, après celui d'EDF il y a deux ans, est de très bon augure. Certes, le coupon proposé (4,25% à 6 ans) est modeste (2,65% après impôt), mais ce n'est quand même pas de la faute des émetteurs si Nicolas Sarkozy a porté de 25% à 37,5% en cinq ans le total des prélèvements fiscaux et sociaux sur l'épargne...

C'est une bonne nouvelle parce que dans une période où l'aversion au risque dissuade les Français d'investir en actions, la renaissance des obligations d'entreprise est de nature à les réconcilier paisiblement avec la Bourse. La morale de cette histoire est que, depuis l'époque de René Tendron, la France a considérablement régressé : les Sicav et les assurances-vie ne servent plus qu'à engraisser les banquiers et les assureurs et il n'y a jamais eu dans notre pays aussi peu d'actionnaires individuels (à peine 4 millions). Et si, en matière financière, les produits les plus simples (et quoi de plus facile à comprendre qu'une obligation) étaient les meilleurs ?

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