La civilisation des surveillants

Par Jacques Rosselin, directeur de la rédaction de La Tribune.
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Qui va surveiller les surveillants ? La question, qui figure en tête du blog Bugbrother, spécialiste de la cybersécurité, résume l'enjeu majeur d'un combat que la fermeture du site MegaUpload a brutalement placé sous les projecteurs. D'un côté les militants d'un Internet libre, voire libertaire, de l'autre les tenants de "l'Internet civilisé", expression rendue populaire par Nicolas Sarkozy en mai dernier à l'occasion de l'e-G8. Par civilisé, entendez libéré de toute cette racaille, ceux "qui portent atteinte au droit des enfants à vivre protégés des turpitudes de quelques adultes..." sur un réseau qui peut "véhiculer le mal, sans entrave ni retenue", expliquait alors le chef de l'Etat.

On le sait, le choc que provoque dans l'opinion un fait divers sordide ou un attentat spectaculaire peut être l'occasion pour un Etat d'étendre le champ de son contrôle sur les citoyens. Il n'est pas question de transformer en martyr l'escroc qui s'est indûment enrichi grâce à la distribution illégale de films et de séries sur son site. Mais nul doute que son arrestation rocambolesque servira les Etats qui, aujourd'hui, essaient d'accroître leur contrôle de l'Internet avec, on s'en doute, les meilleures intentions du monde : les initiatives des gouvernements sont en effet généralement présentées, soit comme des instruments de lutte contre l'innommable (pédophilie ou terrorisme), soit comme des lois destinées à protéger les créateurs et la culture, telles les lois Sopa aux Etats-Unis ou Hadopi en France.

Joyeux amalgame que cet "Internet civilisé" qui permet à Eric Besson de justifier la fermeture du site Wikileaks, à Christine Albanel de demander la censure d'une chanson d'Orelsan ou à Nicolas Sarkozy de pourchasser les criminels. Et qui progressivement porte atteinte à la liberté d'expression et à la protection de la vie privée.

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Commentaire 1
à écrit le 24/01/2012 à 11:52
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C'est bien tout le noeud du problème... Et le pire, c'est qu'à lire les réactions d'internautes sur différents sites, peu en prennent conscience... Pire encore, bien des éditorialistes et autres chroniqueurs prompts à parler de liberté d'expression e...

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