La Grèce survit dans un chaos politique à trois semaines d'élections dont on peut craindre qu'il sorte le pire, c'est-à-dire rien. Et l'Espagne marche depuis plusieurs jours au bord d'un précipice bancaire dont nul ne semble connaître la profondeur, puisque le gouvernement Rajoy est littéralement saisi par l'ampleur du désastre. Au point de se livrer à des acrobaties financières à faire tomber en catalepsie le moindre employé de la Bundesbank. Pensez ! L'Etat s'apprêterait à émettre de la dette souveraine pour recapitaliser, disons plutôt tenter de sauver, Bankia à hauteur de...on verra bien, car cela semble changer de 24 heures en 24 heures.
Et pourtant. Pourtant, en d'autres temps, (en fait, il y a six mois) les dirigeants européens sonneraient toutes les alarmes, un sommet serait convoqué en urgence, les marchés s'affoleraient. Bref, tout le tremblement. Et là, silence sur les ondes politiques à l'exception de Christine Lagaffe qui s'est improvisée contrôleur fiscal en chef, en déclarant au Guardian que « les Grecs devraient commencer par s'entraider collectivement en payant tous leurs impôts » et que ses pensées compassionnelles allaient ces temps-ci « davantage aux enfants du Niger ».
Alors, pourquoi ? Depuis deux semaines, et cela n'est pas directement lié à l'arrivée de François Hollande à l'Elysée, donc à une place éminente dans le concert agité de la zone euro, les Européens et le FMI sont engagés dans une partie de poker à jeu ouvert avec la Grèce, plus précisément avec les Grecs. En leur disant officiellement ou presque qu'un retour à la drachme, s'ils ne se plient pas aux ordres d'austérité, n'est plus un sujet tabou (alors que tout le monde sait fort bien ou, au choix, ne mesure pas du tout, le choc que cela produirait), ils ont sorti un très gros atout. En agissant ainsi, on veut donner le sentiment que la crise est sous contrôle. Mais c'est un fusil à un coup, tiré dans un tunnel peu éclairé, puisque les sondages rendus publics sont interdits en Grèce pendant les deux semaines précédents le scrutin du 17 juin.
Nous allons donc entrer dans une période blanche, à l'image du silence radio que la Nasa vivait avec angoisse lorsque les navettes sur le chemin du retour pénétraient dans l'atmosphère. « Houston, houston, we have a problem »? On espérait pouvoir garder la situation "under control".
Pas de chance, l'Espagne pointe à nouveau le bout de son désastre financier. On sentait bien que le gouvernement de Madrid, malgré sa toute nouvelle légitimité électorale, commençait à perdre un peu l'équilibre. La première alerte est venue de la demande d'un rééchelonnement de son plan d'assainissement des finances publiques. Mais la crise désormais ouverte de son système bancaire est bien plus menaçante. On la devinait considérable depuis des mois, elle nous plonge aujourd'hui dans un vertige que, là encore, les autorités refusent de reconnaître. Madrid affirme ne pas avoir besoin d'aide - jusqu'à quand ? - et l'Europe se tait. Surtout ne pas faire monter la tension : l'EBA, l'autorité des banques européennes a été jusqu'à affirmer ce week-end benoîtement qu'il n'y avait pas lieu de réévaluer les besoins de refinancement des établissements qu'elle surveille, établis au mois de décembre dernier...
De deux choses l'une : soit l'Union européenne, échaudée par l'effet désastreux qu'ont eu ses affolements et ses (in)décisions prises dans l'urgence, préfère jouer l'autruche en priant pour que le pire ne soit pas possible. Soit elle mûrit dans l'ombre, et se prépare à toutes les éventualités en bonne intelligence, sans que l'on sache d'ailleurs de quelles munitions elle dispose. Rien ne nous dit aujourd'hui que cette seconde hypothèse soit la plus probable.
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