Ceci n'est pas une réforme fiscale !

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Chacun connaît le fameux tableau de René Magritte « Ceci n?est pas une pipe ». Ce chef d??uvre du surréalisme belge (le pays où la taxation des plus-values est? nulle) illustre à la perfection l?absurdité de la situation fiscale dans laquelle la France est plongée depuis la présentation du projet de loi de finances 2013. Hier donc, le gouvernement a opposé une stricte fin de non recevoir à l?amendement voté par la commission des finances visant à soumettre les ?uvres d?art à l?impôt sur la fortune. C?est Aurélie Filippetti, ministre de la Culture, qui a mis fin à l?inquiétude du milieu de l?art en assurant dans « les Echos » qu?une telle intégration aurait « un coût économique considérable » et « de lourdes conséquences pour le marché de l?art et les collections nationales ».
L?argument opposé par la ministre est particulièrement intéressant dans le contexte de la réforme de la taxation des plus-values : « Le marché de l?art est un écosystème », dit-elle et l?exonération d?ISF dont bénéficient les ?uvres d?art fait partie de « l?exception culturelle française ». En d?autres termes, dans une économie ouverte où la compétition fait rage entre les grandes métropoles occidentales pour attirer le marché de l?art, un alourdissement de la taxation, déjà lourde pour les cessions, serait se tirer une balle dans le pied.


Dont acte. Mais alors comment comprendre dans ce cas qu?avec les mêmes arguments ?défendre la création d?entreprise dans une économie ouverte-, le gouvernement persiste à vouloir taxer les plus-values de cession de parts ou actions d?entreprise au barème de l?impôt sur le revenu, ce qui conduit à doubler à presque 65% le prélèvement global opéré par l?Etat ? Certes, sous la pression du mouvement des Pigeons, des ajustements ont été proposés pour tenir compte de la durée de détention des titres et maintenir, dans certains cas le prélèvement forfaitaire libératoire à 19%. Mais les conditions à réunir pour limiter la hausse d?impôt sont très strictes -détenir au moins 10% des titres et travailler dans l?entreprise ou être mandataire social- et peu adaptée à une économie moderne où la mobilité et la rapidité de mouvement sont souvent le gage de la réussite.
Les Pigeons ne sont donc pas satisfaits de l?équilibre trouvé avec Bercy, d?où leur appel commun avec d?autres associations patronales pour que François Hollande retire son projet d?aligner fiscalité du travail et de capital. Avec le même argument que celui qui a conduit Aurélie Filippeti à rejeter l?ISF sur les ?uvres d?art : tel qu?il est prévu, l?alourdissement de la fiscalité des plus-values serait nuisible à la croissance en désincitant les créateurs à le faire en France. Sous-entendu : un créateur d?entreprise est comme un artiste ou un tableau un actif facilement délocalisable. S?il n?est pas encouragé à exercer son activité en France, il peut  partir le faire ailleurs, là où la fiscalité est plus douce et moins complexe.
Bref, comme l?ont dit les Pigeons dans leur premier manifeste, l?art (ou l?immobilier) vaudrait-il donc mieux que l?entreprise et l?emploi ? Le paradoxe peut en effet apparaître choquant et on voit bien qu?il y a eu, dans le recul très rapide du gouvernement Ayrault face aux Pigeons le signe d?une mauvaise conscience fiscale. D?ailleurs, les ministres en charge à Bercy, Pierre Moscovici pour l?Economie et Jérôme Cahuzac, ont publiquement reconnu avoir fait une erreur et être prêts à la corriger.
Le problème, c?est qu?en intervenant à son tour pour tenter de récupérer un mouvement qui l?a complètement débordé, le Medef est en train de retourner complètement l?opinion publique contre les pigeons. Le communiqué signé par les douze associations d?obédience patronale et appelant à un « état d?urgence entrepreneurial » a eu un effet contre-productif sur le député socialiste de base qui assimile désormais les « gentils » pigeons entrepreneurs avec le « méchant » patronat du CAC 40. Alors que les pigeons avaient remporté la bataille de l?image et semblaient en train de gagner aussi celle des idées, le rapprochement en cours entre Medef, UMP et entrepreneurs menace de tuer un mouvement spontané jusqu?ici plutôt sympathique et de rendre impossible tout retour en arrière de la part de Hollande. Bien au contraire, alors que les pigeons font des petits, chez les médecins et les indépendants, la tentation est forte dans la majorité socialiste de durcir le ton et de siffler la fin du réveil des lobbys en durcissant les ajustements proposés par Bercy.
L?expérience montre qu?il n?est jamais bon de court-circuiter le parlement. En reculant aussi vite, les ministres ont donné d?eux une image d?amateurs et d?apprentis sorciers de l?impôt. En politisant encore plus un dossier jusqu?ici technique, le Medef a pris le risque de provoquer un blocage dont l?économie française sera la principale victime. Et le gouvernement de son côté est en train de rendre totalement illisible la réforme fiscale qu'il voulait mettre en oeuvre, et dont l'intention, louable, était de rendre l'impôt plus juste en favorisant le risque contre la rente. Force est de constater que c'est le message inverse que les acteurs économiques entendent.

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Commentaires 24
à écrit le 15/10/2012 à 8:56
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Je ne savais pas que roger moore travaillait à la tribune.

à écrit le 12/10/2012 à 11:17
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Y DES PLUS EGAUX QUE LES AUTRES : les intermittents plus égaux que l ouvrier avec un regime de chomage plus favorable et qui se paye sur le regime general les régimes spéciaux où la retraite à 60 ans n est pas d'actualité et qui se payent sur les a...

à écrit le 12/10/2012 à 9:53
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La seule vraie réforme fiscale, c'est de baisser les impôts DE TOUT LE MONDE !!! et cela n'est possible qu'en réduisant la dépense publique et en réformant l'état, ce qui n'est pas fait depuis 40 ans ...

le 12/10/2012 à 15:47
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Mais dites nous John vous qui savez TOUT, quels sont les ervices publics dont vous beneficiez et dont vous accepteriez de vous passer? Donnez l'exemple rembourssez la secu de vos frais medicaux, les allocs, payez les transports publics a leur veritab...

le 12/10/2012 à 16:23
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@DRRW : si je comprends bien votre raisonnement, c'est parce qu'on a besoin de services que : 1 : ils doivent être assurés par l'état, 2 : on ne doit surtout pas regarder à la dépense et à la gestion de ces services. Je vous répondrais qu'à part la j...

le 12/10/2012 à 17:51
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Oui je les veux meme des citoyens libres et responsables, car il s'agit des deux facettes de la meme piece. Le controle de l'impot comprend ces deux facettes, et si vous considerez que ce point est lacunaire faites en sorte, vous meme ou pas l'interm...

le 13/10/2012 à 10:45
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Pour s'assurer que l'on est disposé à payer des services, le meilleur moyen est de les mettre en situation de concurrence, autrement dit de les privatiser. Quant au contrôle des impôts, il sera facilité si les impôts sont simples, faibles et contrain...

le 15/10/2012 à 13:10
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"Les individus sont libres et responsables naturellement, par définition" Bien sur, le pb de votre raisonnement, dont la naivete confine a l'absurde, c'est que vous n'etes pas capable de considerer que chaque systeme a ses propres limites. C'est pour...

le 16/10/2012 à 15:14
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à John Galt et Etat minimal: MDR. Je parie que vos exemples à suivre sont le RU et les USA. Nous voyons où ils en sont avec leur "état minimal" comme vous le dites. En faillite totale. 16000 milliards pour les uns et 900% d'endettement public et pri...

à écrit le 12/10/2012 à 9:52
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je ne comprends pas qu'au 21 ième siècle, on parle encore de la "rente" opposée au risque. Cela dénote une mauvaise compréhension des phénomènes économiques et une stigmatisatino idiote des épargnants (les "rentiers"). car, c'est dans la nature hu...

le 12/10/2012 à 11:32
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Tout a fait, le prie c est que ces "rentes indues" ne sont meme pas financés! Je ne peux qu encourager les jeunes qui le peuvent a s"expatrier totalement, car non seulement leur retraite dans le systeme actuelle n est pas assurées, mais en plus avec ...

le 12/10/2012 à 15:31
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La rente n'existe pas. C'est drole ca et c'est vrai qu'un peu d'humour...@J. glagla en tant que libert'a rien vous devriez relire l'un de vos pere ce Brave Henry G. Il me semble qu'il a ecrit 2 ou 3 trucs sur le sujet...Pour ce qui est des pays plus ...

le 16/10/2012 à 15:17
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ah le libéralisme et le capitalisme se cassent la gueule et il y en a encore qui sont là pour le défendre contre vents et marées. Certainement que vous avez des intérêts là-dedans et pas des moindres.

à écrit le 12/10/2012 à 9:22
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l'etat veut favoriser le risque contre la rente? ca me ft bien rire ... pour l'instant la france envoie des volees de bois vert a gogo, et tt le monde en prend pour son grade, non?

à écrit le 12/10/2012 à 8:53
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finalement la situation actuelle de ce gouvernement vis a vis des impots (toujours a la hausse) sera peut etre une bonne chose, quand l'eau manquera, il faudra enfin s'attaquer aux economie et en cela nopus serons aidé par les marches et bruxelles. A...

le 12/10/2012 à 9:23
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quand le robinet va se tarir et les marches se retourner, ca va etre comme en grece, il faudra faire en 6 mois ce que personne n'a voulu faire en 30 ans.... et la ils vont demander des delais qui vont leur etre refuses... ca va etre drole...

à écrit le 12/10/2012 à 7:42
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Les premières mesures visibles prises par ce nouveau gouvernement sont essentiellement fiscales et semblent protéger d'abord l'électorat qui a porté FH et le PS au pouvoir Le mal me parait plus profond et plus grave : malgré des apparences tromp...

à écrit le 12/10/2012 à 7:39
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Quand, pour les naïfs et les gogos on entoure les réformes fiscales sous les atours de l'égalité, on ferme les yeux sur un mal beaucoup plus profond qui devrait être le premier cheval de bataille des "égalitaristes", je veux parler des multiples et o...

à écrit le 12/10/2012 à 4:01
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Je serai curieux de savoir combien il y eu de chefs d'entreprises, de cadres supérieurs, de d?artisans, et même d'ouvriers et d?employés qui ont voté Flamby? C'est étrange, quand je demande autour de moi, il n'y a personne! En tout état de cause, i...

à écrit le 11/10/2012 à 22:16
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En parlant réforme administrative, l'Etat doit à la population 20 ans d'impôts et avec intérêts ce qui doit être remboursé sur les biens des fonctionnaires, bien mal acquis ne doit pas profiter. A bas les mandarins et leurs janissaires de la déprédat...

à écrit le 11/10/2012 à 22:02
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C'est une erreur grave d'opposer les entrepreneurs et les investisseurs qui prennent les mêmes risques. Tous font également le pari risqué de la création de richesses. L'usage péjoratif du concept de "rente" pour qualifier la rémunération des investi...

le 12/10/2012 à 9:54
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Merci à Erreur pour ce rappel très clair de la définition de la rente. A vrai dire, ce mot est devenu l'injure commode dans le débat politique. Mais ces imbéciles ne voient pas qu'avec des taux d?intérêt largement négatifs, la rente est morte depuis ...

le 12/10/2012 à 10:20
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@ Erreur et Miloo : + 1 !!!

le 16/10/2012 à 13:51
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+2

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