Copernic, réveille-toi, ils sont devenus fous  !

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L'année commence sous d'excellents augures à Bruxelles. Voyez plutôt : on a trouvé un nouveau nom au programme d'observation de la terre par satellites. L'affaire peut paraître anecdotique ; elle est en fait symbolique de certaines dérives bureaucratico-chauvines à la mode bruxelloise. Qu'on en juge : depuis son lancement en 2000, ce programme s'appelait GMES pour Global Monitoring for Environment and Security. À la Commission, on était convaincu depuis longtemps qu'un tel acronyme était le pire vecteur de communication qu'on puisse imaginer. L'autre grand programme spatial - celui qui s'occupe de positionnement et fait concurrence au GPS - a été renommé de longue date Galileo, ce qui n'est pas pour rien dans sa notoriété. Rachida Dati, qui piqua sa première colère au Parlement européen pour avoir le droit d'être en charge de GMES, dossier stratégique pour les industriels du spatial français, ne pensait pas autrement. Douze ans après sa naissance, que le programme d'observation reste affublé de ce nom provisoire en faisait un repoussoir.

ET VOILÀ QUE - Ô MIRACLE - LE 11 DÉCEMBRE dernier, le vice-président de la Commission européenne, Antonio Tajani, annonce que GMES a été rebaptisé Copernicus. Il a désormais un joli logo avec un grand C en forme de lune. Galilée, Copernic : il y a une certaine cohérence. Mais comment était-il possible qu'on n'y ait pas pensé plus tôt ?

ON Y AVAIT PENSÉ. En septembre 2008, un communiqué fort ressemblant à celui du mois dernier annonçait fièrement : « Kopernikus est le nouveau nom donné aux activités d'observation de la Terre... désignées sous le nom de GMES. » Mais ce premier nom de baptême qui commençait par un « K » et non par un « C » n'a jamais été utilisé. À l'époque, celui qui présidait aux destinées du programme était un certain Günter Verheugen. Il n'était pas italien, mais allemand. Quand les fonctionnaires de la direction générale Entreprises et Industrie, qu'il pilotait, avaient sorti de leur chapeau le nom du savant germano-polonais Nicolas Copernic, son cabinet s'était étranglé. « Copernic ? Pas question. Ce sera Kopernik ou rien ! » Rappelons que Nicolas Copernic a passé sa vie en Prusse royale, autrement dit dans le Royaume de Pologne, et qu'il a étudié en allemand, sa langue maternelle, et en latin.

ON TENTA UNE MÉDIATION. « Et si on prenait le nom latin : Copernicus ? », s'enquit un homme de bonne volonté. Le recours au latin est une technique classique pour apaiser les querelles linguistiques. Mais le commissaire ne voulut rien entendre. En délicatesse avec son administration qu'il avait qualifiée publiquement de « toute-puissante », il s'était retrouvé quelques mois plus tard avec une meute de journalistes sur le dos pour avoir nommé son amie, une fonctionnaire européenne, chef de son cabinet. Une fuite opportune était arrivée aux oreilles du quotidien Bild.

GÜNTER VERHEUGEN NE CÉDA PAS : il garda sa douce auprès de lui et, le 16 septembre 2008, on annonça très officiellement le baptême de « Kopernikus ». Hélas, c'était la fin de la Commission Barroso 1. Et l'Administration, après son départ, prit une nouvelle revanche : elle continua à utiliser le nom GMES. Elle annula le baptême, en quelque sorte.
Il aura donc fallu pas moins de quatre ans à la Commission Barroso 2 pour réussir à remettre Kopernicus, pardon, Copernicus en selle, et donner un nom prononçable à ce programme. Le savant germano-polonais, qui s'y connaissait en révolution, doit en être tout retourné! En 2008, Günter Verheugen avait tenu à faire figurer dans son communiqué : « Nicolas Copernic était un vrai Européen : sa famille était allemande et polonaise?; il écrivait en latin et en allemand?; et il avait étudié dans différents pays d'Europe. » L'actuel vice-président de la Commission, Antonio Tajani, instruit par l'expérience, a donc préféré jouer la carte scientifique : « En rebaptisant le GMES, nous rendons hommage à un grand scientifique et observateur européen. » Que n'eût-il inspiré ceux qui se revendiquent de lui!

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Commentaires 2
à écrit le 18/02/2013 à 22:15
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????? ???

à écrit le 16/02/2013 à 18:32
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le senegal

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